« De battre, mon coeur s’est arrêté (ou presque). | Page d'accueil | La réunion. »
11/04/2007
Havidol.
J’ai découvert cette œuvre d’art, grâce à l’excellent blog du petit Docteur.
Vous allez comprendre pourquoi je pense qu’il s’agit d’une œuvre d’art.
L’artiste australienne Justine Cooper a imaginé une composition se déclinant sur plusieurs supports : vidéo, site web, sculptures et même objets dérivés.
Cet ensemble tourne autour d’un produit miracle, mais totalement imaginaire, l’Havidol.
Il mime et plagie à merveille l’arsenal promotionnel qui entoure un produit pharmaceutique réel.
Ici, l’objet caricaturé est le produit pharmaceutique.
Ce n’est pas une simple pilule, et la promotion faite autour de ce produit, n’est pas une simple campagne publicitaire.
Faute de pouvoir sortir des molécules qui ont un rapport risque/bénéfice favorable, les laboratoires veulent vendre du rêve aux gens.
Du rêve, et pour être plus précis, de petites pilules qui auront pour vocation de corriger de petites imperfections liées à la nature humaine.
Vous n’arrivez plus à bander ? Vous avez parfois des coups de déprime, notamment après un deuil ? Vous vous sentez fatigués ?
Vous voulez être meilleur ? Tendre vers une jeunesse allongée ? L’industrie est là pour vous aider.
Sa critique dépasse largement celle que je pratique souvent, c'est-à-dire celle de certaines pratiques de l’Industrie.
Elle s’attaque à une quête perpétuelle vers le mieux être qui va largement au-delà du traitement des maladies.
Il est naturel de rechercher le mieux être, c’est même inscrit dans les textes fondateurs de l’OMS. Ce qui l’est moins, c’est l’utilisation qui en est faite par certaines campagnes de promotion des médicaments.
La campagne caricaturée n’est pas habituelle à nos yeux, puisqu’il s’agit d’une publicité directe destinée aux consommateurs. Ce type de publicité est pour l’instant formellement interdit dans notre pays.
Toutes ces publicités se ressemblent : des modèles resplendissant de santé pour représenter des malades souvent graves (les dépressifs ont l'air heureux et les insuffisants cardiaques évolués nagent comme Ian Thorpe).
Des questionnaires qui vous font rendre compte que vous êtes malades. Certaines compagnies n’hésitent pas à gréer des maladies pour mieux vendre des médicaments a priori sans indication (le « disease monggering » : ici, ici et ici). De préférence, ces « maladies » doivent avoir des noms complexes, si possible sous forme d’acronyme, ça fait plus peur.
Et parfois, fin du fin dans un pays ou les traitements coûtent très chers : 30 jours gratuits à l’essai.
Revenons à l’œuvre de Justine Cooper.
Loin d’être une caricature balourde, la campagne promotionnelle de l’Havidol ne s’en différencie que d’un delta. Tout se situe là, dans ce delta qui sépare l’objet et sa caricature.
C’est lui qui fait réfléchir puisque surgit le doute sur l’existence du produit. Croire ne serait-ce qu’un seul instant qu’une telle molécule miracle existe rejette le ridicule de la caricature sur certaines campagnes.
Un seul exemple : le slogan du produit.
Des deux phrases qui suivent, quelle est celle de la caricature, et quelle est celle du produit caricaturé ? Quelle est la vraie ? Quelle est celle qui semble tout droit sortie d’un roman de Orwell ?
« When more is not enough »
« Feeling Better is Not Enough »
La réponse ici:
C’est la réflexion qui fait l’œuvre d’art.
Et ici Justine Cooper nous fait réfléchir clairement sur le sujet, et avec probablement bien plus d'impact qu'un long article publié dans PLoS.
Ne riez pas, ce type de publicité devrait débarquer un jour ou l’autre chez nous. L’industrie fait tout pour.
08:30 Publié dans Prescrire en conscience | Lien permanent | Commentaires (5)
Commentaires
J'ai peur.
Écrit par : Merlin | 11/04/2007
Et le nom de DCI est excellent: avafyntyme
Écrit par : yann | 11/04/2007
Merci pour la citation.
Ton développement très intéressant.
Écrit par : guillaume | 11/04/2007
Ca ne me fait pas du tout rigoler, mais peur et cela conforte ce que j'ai lu "Les inventeurs de maladies" de jörg Blech: le marché des médecins est saturé, les médecins ne peuvent pas prescrire à tort et à travers non plus, alors on file directement au consommateur.
Écrit par : Dr Vincent | 12/04/2007
Très bon article, merci :)
Et c'est fou, je ne savais pas que dans certains pays (j'imagine bien qu'il s'agit des états unis), on pouvait avoir les médicaments à l'essai. J'imagine quand ca va arriver chez nous... Notre métier va devenir de plus en plus difficile, dans tous les sens du terme...
Écrit par : Zeclarr | 12/04/2007
Les commentaires sont fermés.