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10/11/2007

L’ironie.

Encore de très belles lignes tirées de « Kafka sur le rivage » de Haruki Murakami.

 

Elles résonnent en moi car j’ai beaucoup de mal à ne pas être ironique, et cynique dans la vie. J'ai bien conscience que l'ironie dont il parle et la mienne sont très différentes, mais ce texte me parle quand même.

Je fais rire, certes, mais je sens bien que mes proches ont de moi une image déformée et grimaçante.

Un peu comme dans une tragédie grecque, j’ai hérité de cette malédiction inéluctable de mon père que j’ai très peu connu, mais qui était comme moi, ironique et grinçant. Il m’a aussi refilé sa myopie, mais je ne lui en veux pas pour cela.

J’ai bien souvent essayé de ne plus acerbe, mais je devenais alors quasi mutique. Et après, ça revenait de plus belle.

On peut être raisonnablement heureux dans sa vie et avoir un pH inférieur à 2.

J’en suis un bon exemple.

 

 "

Oshima pose une main sur mon épaule. J’en sens la chaleur sur ma peau.

- Même si c’est vrai, même si tes choix et tes efforts doivent fatalement se révéler vains, tu seras toujours toi, et personne d’autre. C’est bien toi qui avances et pas un autre. Ne t’inquiète pas.

Je lève les yeux, le regarde. Il a un ton étrangement convaincant.

- Pourquoi en êtes-vous si sûr ?

- A cause de l’ironie.

- L’ironie ?

Il me regarde dans les yeux.

- Ecoute moi bien, Kafka Tamura, le sentiment que tu éprouves actuellement a fait l’objet de nombreuses tragédies grecques. Ce ne sont pas les humains qui choisissent leur destin mais le destin qui choisit les humains. Voilà la vision du monde essentielle de la tragédie grecque. Et la tragédie - d’après Aristote- prend sa source, ironiquement, non pas dans les défauts mais dans les vertus des personnages. Tu comprends ce que je veux dire ? Ce ne sont pas leurs défauts, mais leurs vertus qui entraînent les humains vers les plus grandes tragédies. Œdipe roi, de Sophocle, en est un remarquable exemple. Ce ne sont pas sa paresse ou sa stupidité qui le mènent à la catastrophe mais son courage et son honnêteté. Il naît de ce genre de situation une ironie inévitable.

- Alors, il n’y a aucune chance d’y échapper.

- Ca dépend des cas. Mais l’ironie donne de la profondeur aux humains, et de la grandeur. Elle leur offre le salut, un salut d’un niveau supérieur, et une sorte d’espérance universelle. C’est pour cela que tant de gens lisent les tragédies grecques aujourd’hui encore. Elles constituent une sorte d’archétype de l’art. Je me répète mais, dans la vie, tout est métaphorique. Personne ne tue réellement son père, personne ne couche réellement avec sa mère, n’est-ce pas ? Nous intégrons l’ironie de la vie grâce à un instrument appelé métaphore. Et c’est comme cela que nous grandissons, que nous devenons plus profonds.

Je me tais. Je suis trop pris par mes propres pensées pour réfléchir à autre chose.

"

Commentaires

Ahah !

C'est grâce à toi si j'ai eu la joie de lire ce livre ! merci...

Écrit par : Sevi | 10/11/2007

paragraphe intéressant à meme de susciter débat mais très éloigné de la la critique historico-philologique moderne,c'est un des avantages des antiques :ils ne reviennent pas nous dire que nous nous trompons sur leur compte

Écrit par : doudou | 11/11/2007

C'est donc ça... je ne lutte plus, mon destin est d'être une emmerdeuse...

Écrit par : shayalone | 11/11/2007

>Shayalone: ouarff! Tu n'es pas une emmerdeuse, tu es une passionnée, nuance.

Écrit par : lawrence | 12/11/2007

Les commentaires sont fermés.