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26/09/2008

Lingua franca.

L’anglais est la lingua franca de la toile et du monde scientifique. Soit.

Je ne fait que constater un fait.

Je m’exprime en français sur le net (et dans ma vie quotidienne), et je serais bien incapable d’écrire correctement des textes en anglais, tout comme d’ailleurs de le parler, alors que je lis sans problème des articles médicaux, et à peine plus difficilement des journaux anglophones.

C’est un autre fait.


Comme souvent dans la vie, plusieurs évènements qui n’ont strictement aucun rapport les uns avec les autres vont survenir sur une courte période, et déclencher une réflexion sur une donnée pourtant établi, et qui n’entraîne donc plus aucune cogitation du fait même de son ancienneté.

Récemment :

  • Je me suis redécouvert une cousine (de sang) qui est traductrice français/allemand (et vice-versa), et des cousins (de cœur), blogueurs québécois qui luttent au milieu d’un océan anglophone.

 

  • Stéphane publie une note intéressante sur les interactions de plus en plus grandes entre la recherche et les blogs scientifiques. Les seconds servant de caisse de résonnance à la première, qui ne reste ainsi plus cantonnée aux quelques abonnés de revues, ou accessible mais déformée par de nombreux intermédiaires nuisibles et intéressés.
     
  • Je pense m’être fait recaler (pour l’instant) à mon inscription au site « Research Blogging ».

Pourtant, cette dernière initiative est intéressante. Elle vise à identifier et à agréger les notes qui portent sur un article publié dans une revue scientifique à comité de lecture. Je pense correspondre aux critères.

Mais les administrateurs ne parlent pas notre langue européenne obscure, et pour l’instant, seuls des articles en anglais ou en allemand sont retenus. Passe pour l’anglais, mais passer derrière nos amis allemands, grrrr… J’ai mis Stéphane, de kyste sur le coup, nous en avons un peu parlé, et il s’est également inscrit il y a peu.


Si vous êtes un blogueur scientifique, et si vous correspondez aux critères, je vous engage à vous inscrire, afin d’accélérer le processus de prise en compte de notre langue.

Bref, tout cela pour dire que notre langue est clairement un handicap sur la toile. La plupart des gens se fichent des « Lumières », de notre passé, de la richesse de notre langue, et de l’humanisme qu’elle véhicule.

La majorité ne la comprend pas, et ne compte pas faire d’effort pour le faire. Une information trouvée sur la toile n’a strictement aucune valeur si elle est dans un langage obscur et étranger. Si le lecteur ne comprends pas, il va  fermer l’onglet en moins de 10 secondes. C’est ce que je fais quand je tombe sur une information en italien, en espagnol ou en allemand, je ne termine même pas la page en la survolant.


Que faire ?

Ecrire en anglais, outre que cela m’est impossible n’est pas une solution. Autant se tirer dans le pied. Un exemple. Bertalan Meskó, l’auteur de ScienceRoll, un des meilleurs blogs médicaux du monde est hongrois. Il écrit couramment anglais, ce que je trouve remarquable, et c’est ce qui lui permet d’être un des premiers. Malgré tout son talent, si ScienceRoll était écrit en hongrois, qui le lirait en dehors de ses frontières ?

Le prix à payer pour cette universalité ? Un locuteur hongrois de moins sur le net. Une langue non utilisée est une langue morte, c’est un truisme, mais c’est encore plus vrai sur la toile.

Mon pessimiste naturel me porte à penser que le français, le hongrois et d’autres langues européennes (je ne parle même pas des autres, mais j’y pense) n’ont donc aucun avenir sur la toile. Hors l’anglais et le chinois, langue vernaculaire à l’échelle du globe, peut-être bientôt langue véhiculaire, pas d’espoir.

Ce n’est pas une raison pour baisser les bras.


Sans faire le complexe du village gaulois, je pense que l’on peut limiter l’érosion de notre langue en élevant le niveau du contenant et du contenu. Ce n’est pas la peine de simplifier notre langue qui ne l’est pas afin d’espérer en augmenter le rayonnement. En général, la simplification et l’appauvrissement mènent exactement au contraire.

Pareil pour le contenu. Enfin, à un moment, je me suis demandé pourquoi ne pas monter un « Research Blogging » en langue française. Outre que cela ne me semble pas être simple à mettre en place, je ne sais pas beaucoup d’entre nous seraient intéressés. On tombe encore et encore dans le problème de la relative faible diffusion de notre langue sur la toile, surtout dans un domaine aussi spécifique.

 

Bon, sur ces belles paroles oiseuses, je vais poursuivre ma lecture de « Calvin and Hobbes », en VO...

Commentaires

C'est une vraie question, écrire en anglais (systématiquement mauvais) ou en français (pas toujours très bon), je parle pour moi. Le choix s'est porté sur le français, car je ne veux pas que l'écriture devienne une corvée, ce qu'elle deviendrait en écrivant en anglais. Je ne suis pas assez fluent pour faire passer certaines choses, je reste en français.
L'anglais est tentant pour augmenter son impact, mais ce n'est pas forcément la finalité du blog.
Mes activités d'écriture en anglais qui sont uniquement professionnelles me sont assez pénibles pour ne pas poursuivre le masochisme.
Pour l'instant je n'ai pas de nouvelles de research blogging.
Sur scienceroll je vous conseille la dernière note très drôle qui confirme que la génomique à la maison c'est pas encore ça et que google est une fantastique caisse de résonnance (c'est sur l'outing génétique d'un des fondateur de google et mari d'une fondatrice de 23andme, une jolie manipulation). J'avais parlé des limites de ce genre d'industrie. http://kystes.blog.lemonde.fr/2008/03/28/les-resultats-des-orwells-2007-et-23andme/
http://kystes.blog.lemonde.fr/2008/04/28/la-justice-americaine-sinteresse-a-la-legalite-des-tests-genetiques-personnalises/

Écrit par : stephane | 26/09/2008

Tu sais, par définition, la finalité d'un blog est d'augmenter son impact. Pour faire un bon blog, il faut un bon auteur et de bons commentateurs. Si une composante manque, au final, tu te retrouves avec un blog au mieux médiocre.
Et pour avoir de bons lecteurs, il faut élever le niveau et augmenter son impact...

Écrit par : lawrence | 27/09/2008

Le français peut encore séduire une catégorie d'étrangers: les écrivains. Ainsi beaucoup d'écrivains roumains (Cioran, Ionesco, Mircea Eliade) ou même anglophone (Beckett, Jonathan Littel). Cela montre que c'est effectivement par en haut qu'il faut chercher notre spécificité. Cioran disait du français que c'était pour lui une bénéfique "camisole de force" par la précision et la rigueur tant lexicale que syntaxique

Écrit par : rodrigue | 27/09/2008

Intéressante réflexion. Cela rejoint mes propres interrogations des dernières années, alors que je ne cesse de m'étonner de l'extrême lenteur avec laquelle les scientifiques francophones investissent la blogosphère, alors qu'ils seraient déjà, paraît-il, plus de 2000 du côté anglophone (chercheurs et étudiants confondus). Ce n'est pas seulement une question démographique, il y a autre chose qui bloque. Mais quoi?

Écrit par : Pascal Lapointe | 27/09/2008

>Pascal Lapointe: je pense qu'un certain académisme fait que les francophones méprisent de principe toute nouvelle forme d'expression. Je pense qu'un anglo-saxon, lui, va considérer que l'important est l'efficacité du moyen de diffusion de ses idées.

>Rodrigue: comme le latin a été une marque de reconnaissance d'une certaine élite....

Écrit par : lawrence | 27/09/2008

J ai rencontre il y a quelques annees un cardiologue francais a Ny, il est maintenant a Tulane University, Thierry Le Jemtel MD.Il me semble meme que cote maternel, famille de Limairac de Lyons.Il doit etre tres pris par son metier, mais allez lui rendre visite par email...Deja voir qui il est.Peut etre serait il interesse pour participer.
Voir aussi ce site
http://www.f1000medicine.com
Bonne soiree

Écrit par : therese Priest | 29/09/2008

Moi, je n'ai pas le choix. Je dois écrire mes publications en anglais, et aussi faire mes exposés dans cette langue. J'ai d'ailleurs en partie perdu l'habitude d'écrire des textes scientifiques en français...

Écrit par : DM | 03/10/2008

Et oui, on dit "Publish or Perish" et non "publier ou mourir"...

Écrit par : lawrence | 04/10/2008

Les commentaires sont fermés.