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14/09/2008

Le testament de Heiligenstadt.

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J’avance bien dans la lecture de « La vie en sourdine » de David Lodge. Ce roman raconte les aventures d’un professeur de linguistique à la retraite, affublé d’une surdité particulièrement handicapante.

Comme souvent, David Lodge ouvre des portes de la connaissance en déroulant son récit.

Il fait notamment allusion à ce texte incroyable, nommé « Le testament de Heiligenstadt », écrit par Beethoven, ou il « avoue » à ses proches sa surdité.

En voici le texte poignant, copié sur wikisource :

 

 

 

Pour mes frères Carl et [Johann][1] Beethoven.

Ô vous ! hommes qui me tenez pour haineux, obstiné, ou qui me dites misanthrope, comme vous vous méprenez sur moi. Vous ignorez la cause secrète de ce qui vous semble ainsi, mon cœur et mon caractère inclinaient dès l'enfance au tendre sentiment de la bienveillance, même l'accomplissement de grandes actions, j'y ai toujours été disposé, mais considérez seulement que depuis six ans un état déplorable m'infeste, aggravé par des médecins insensés, et trompé d'année en année dans son espoir d'amélioration. Finalement condamné à la perspective d'un mal durable (dont la guérison peut durer des années ou même être tout à fait impossible), alors que j'étais né avec un tempérament fougueux, plein de vie, prédisposé même aux distractions offertes par la société, j'ai dû tôt m'isoler, mener ma vie dans la solitude, et si j'essayais bien parfois de mettre tout cela de côté, oh ! comme alors j'étais ramené durement à la triste expérience renouvelée de mon ouïe défaillante, et certes je ne pouvais me résigner à dire aux hommes : parlez plus fort, criez, car je suis sourd, ah ! comment aurait été-t-il possible que j'avoue alors la faiblesse d'un sens qui, chez moi, devait être poussé jusqu'à un degré de perfection plus grand que chez tous les autres, un sens que je possédais autrefois dans sa plus grande perfection, dans une perfection que certainement peu de mon espèce ont jamais connue – oh ! je ne le peux toujours pas, pardonnez-moi, si vous me voyez battre en retraite là-même où j'aurais bien aimé me joindre à vous. Et mon malheur m'afflige doublement, car je dois rester méconnu, je n'ai pas le droit au repos dans la société humaine, aux conversations délicates, aux épanchements réciproques ; presque absolument seul, ce n'est que lorsque la plus haute nécessité l'exige qu'il m'est permis de me mêler aux autres hommes, je dois vivre comme un exilé, à l'approche de toute société une peur sans pareille m'assaille, parce que je crains d'être mis en danger, de laisser remarquer mon état – c'est ainsi que j'ai vécu les six derniers mois, passés à la campagne sur les conseils avisés de mon médecin pour ménager autant que possible mon ouïe ; il a presque prévenu mes dispositions actuelles, quoique, parfois poussé par un instinct social, je me sois laissé séduire. Mais quelle humiliation lorsque quelqu'un près de moi entendait une flûte au loin et que je n'entendais rien, ou lorsque quelqu'un entendait le berger chanter et que je n'entendais rien non plus ; de tels événements m'ont poussé jusqu'au bord du désespoir, il s'en fallut de peu que je ne misse fin à mes jours. C'est l'art et seulement lui, qui m'a retenu, ah ! il me semblait impossible de quitter le monde avant d'avoir fait naître tout ce pour quoi je me sentais disposé, et c'est ainsi que j'ai mené cette vie misérable – vraiment misérable ; un corps si irritable, qu'un changement un peu rapide peut me faire passer de l'euphorie au désespoir le plus complet – patience, voilà tout, c'est elle seulement que je dois choisir pour guide, je l'ai fait – durablement j'espère, ce doit être ma résolution, persévérer, jusqu'à ce que l'impitoyable Parque décide de rompre le fil, peut-être que cela ira mieux, peut-être non, je suis tranquille – être forcé de devenir philosophe déjà à 28 ans, ce n'est pas facile, et pour l'artiste plus difficile encore que pour quiconque – Dieu, tu vois de là-haut mon cœur ; tu le connais, tu sais que l'amour des hommes et un penchant à faire le bien y habitent, – ô hommes ! lorsqu'un jour vous lirez ceci, songez que vous vous êtes mépris sur moi ; et que le malheureux se console d'avoir trouvé un semblable, qui malgré tous les obstacles de la nature, a pourtant fait tout ce dont il était capable pour être admis au rang des artistes et des hommes de valeur – vous, mes frères Carl et [Johann], dès que je serai mort et si le Professeur Schmidt vit encore, priez-le en mon nom de décrire ma maladie, et joignez son récit à cette présente feuille, afin qu'au moins le monde se réconcilie autant que possible avec moi après ma mort – en même temps, je vous déclare ici tous deux héritiers de ma petite fortune (si l'on peut l'appeler ainsi), partagez-la loyalement, et supportez-vous et aidez-vous l'un l'autre, tout ce que vous avez fait qui me répugnait, vous le savez, vous a été pardonné depuis longtemps, toi frère Carl, je te remercie encore particulièrement pour l'attachement que tu m'as témoigné ces tout derniers temps, je vous souhaite une vie meilleure et moins soucieuse que la mienne, recommandez à vos enfants la vertu, elle seule peut rendre heureux, pas l'argent, je parle par expérience, c'est elle qui même dans la misère m'a élevé, je la remercie autant que mon art, pour m'avoir fait éviter le suicide – adieu et aimez-vous, – je remercie tous mes amis, en particulier le Prince Lichnowski et le Professeur Schmidt. – Je souhaite, si vous le voulez bien, que les instruments du Prince L. soient conservés par l'un de vous, mais qu'il ne s'élève à cause de cela aucune dispute entre vous, dès qu'ils pourront vous être utiles, vendez-les tout simplement, comme je serais heureux de pouvoir encore vous rendre service sous la tombe – s'il en va ainsi, c'est avec joie que je m'empresse vers la mort – mais si elle vient avant que je n'aie eu l'occasion de faire éclore toutes mes facultés artistiques, alors, malgré ma rude destinée, elle vient encore trop tôt, et je la souhaiterais volontiers plus tardive – pourtant, ne serais-je pas alors aussi content, ne me délivrerait-elle pas d'une souffrance infinie ? – viens quand tu veux, je vais courageusement vers toi – adieu et ne m'oubliez pas tout à fait une fois mort, j'ai mérité cela de vous, parce que j'ai souvent, dans ma vie, pensé à vous rendre heureux, soyez-le –

Ludwig van Beethoven, Heiligenstadt, le 6 octobre 1802.


Heiligenstadt, le 10 octobre 1802. – Ainsi je te fais mes adieux – et certes tristement – oui, à toi, espérance aimée – que je portais avec moi jusqu'à présent – l'espérance d'être guéri au moins jusqu'à un certain point – elle doit maintenant me quitter complètement, comme les feuilles d'automne tombent et se flétrissent, elle aussi est morte pour moi, presque comme je suis venu ici – je m'en vais – même le grand courage – qui m'animait souvent durant les beaux jours d'été – il a disparu – ô Providence ! – laisse-moi une fois goûter la joie d'un jour pur – cela fait si longtemps que la résonance intérieure de la vraie joie m'est étrangère – oh ! quand – oh ! quand, ô Dieu ! – pourrai-je dans le temple de la nature et des hommes l'éprouver à nouveau ? – Jamais ? – Non – oh ! cela serait trop difficile.

 

1. Les crochets indiquent que le nom du frère de Ludwig, Johann, ne figure pas sur le manuscrit (l’espace est au contraire laissé vide).

 

 

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Un site très complet sur Beethoven.

 

10:59 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (1)

Akira Endo.

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Ce chercheur de 74 ans vient de remporter le très prestigieux « Lasker~DeBakey Clinical Medical Research Award » 2008 pour avoir un des premiers à travailler dans les années 70 sur ce qui allait devenir les statines. L'an dernier, ce prix avait récompensé deux autres pionniers dans le domaine cardio-vasculaire, plus précisémment le développement des prothèses valvulaires cardiaques, le français Alain Carpentier et Albert Starr.

 

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L’article du Washington Post qui en parle.

Un article de Wikipédia sur Akira Endo.

Une page consacrée à Akira Endo sur le site web de « The Lasker Foundation ».

08:36 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)

13/09/2008

L’épine dans la chair.

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Le chemin de Damas, par Gustave Doré.

 

Voilà un article qui ne fait pas avancer la science, mais que j’ai trouvé intéressant et enrichissant.

 

L’auteur s’interroge mi-sérieusement sur l’hypothèse que la très fameuse « Epine (ou écharde) dans la chair » (2 Corinthiens 12:7) de Saint Paul était en fait une épilepsie.

C’est déjà drôle car on parle d’épine irritative en épileptologie (est-ce un hasard ?).

 

 

En lisant cet article, j’ai appris que l’épilepsie était appelée par les romains « morbus insputatus », la maladie devant laquelle on crache, car il était d’usage de cracher devant un épileptique afin, peut-être d’en « conjurer la contagion », comme le précise René Soulayrol.

Or, justement, dans son épître aux Galates, Saint Paul précise : « et, en votre épreuve dans ma chair, vous n’avez pas eu de mépris ni craché, mais vous m’avez accueilli comme un messager d’Elohîms, comme Iéshoua‘, le messie. » (Galates 4 :14).

Je suis allé chercher cette version, dite d’« André Chouraqui », afin de faire apparaître le mot « craché ». Mais on peut y voir une allusion au « morbus insputatus ».

René Soulayrol précise toutefois que l’épilepsie n’avait pas l’apanage d’être une maladie faisant cracher les autres au temps des romains. J’essaye d’imaginer un tuberculeux cracheur à Subure, au temps de la République. Au bout de quelques semaines, tout le quartier crache, entre les contaminés et ceux qui ont peur de l’être…

 

Plus intéressant, l’auteur précise que la stimulation de certaines régions cérébrales spécifiques pouvait conduire à un état d’extase, au sens religieux du terme.

Les symptômes observés étant : sensation de lévitation et « impression de bonheur ineffable et d’union avec un être supérieur » (face interne lobe temporal), abolition des frontières entre le soi et le non soi (inhibition des zones pariétales).

 

 

Saint Paul ne dit pas autre chose :

 

1 Il faut se glorifier... Cela n'est pas bon. J'en viendrai néanmoins à des visions et à des révélations du Seigneur.

2 Je connais un homme en Christ, qui fut, il y a quatorze ans, ravi jusqu'au troisième ciel (si ce fut dans son corps je ne sais, si ce fut hors de son corps je ne sais, Dieu le sait).

3 Et je sais que cet homme (si ce fut dans son corps ou sans son corps je ne sais, Dieu le sait)

4 fut enlevé dans le paradis, et qu'il entendit des paroles ineffables qu'il n'est pas permis à un homme d'exprimer.

5 Je me glorifierai d'un tel homme, mais de moi-même je ne me glorifierai pas, sinon de mes infirmités.

6 Si je voulais me glorifier, je ne serais pas un insensé, car je dirais la vérité; mais je m'en abstiens, afin que personne n'ait à mon sujet une opinion supérieure à ce qu'il voit en moi ou à ce qu'il entend de moi.

7 Et pour que je ne sois pas enflé d'orgueil, à cause de l'excellence de ces révélations, il m'a été mis une écharde dans la chair, un ange de Satan pour me souffleter et m'empêcher de m'enorgueillir.

 

(2 Corinthiens 12:1-7, version Louis Segond)

 

 

Enfin, j’ai découvert que Sainte Thérèse d’Avila, Dostoïevski et d’autres auraient aussi souffert de ces syndromes d’épilepsie à crise extatique (ici et ici). Le web fourmille de débats passionnés sur qui était épileptique et qui ne l’était pas et si la croyance est comitiale.

 

Traiter la foi par un antiépileptique ?

Je n’irais pas jusque là. Etant donné les effets secondaires de ces molécules, ce ne serait pas raisonnable en terme de santé publique.

 

En tout cas, je pense que le prochain grand mystique a bien plus de chance d’être originaire d’un pays en voie de sous développement que de nos pays dits « développés ». Pas à cause de nos « pseudo sagesses » et « fausses idoles », stigmatisées par Benoît XVI, mais plutôt car tout mystique en puissance dans notre monde occidental surmédicalisé a de grandes chances de se retrouver sous phénobarbital ou valproate de sodium avant de voir son premier ange annonciateur. Parions donc que la prochaine religion dominante sera africaine.

 

 

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Soulayrol R. Saint Paul ou « l’épine dans la chair ». Epilepsies. Janvier, Février, Mars 2006 ; 18(1) : 47-50.

 

Comprendre les épilepsies pour mieux les traiter (Document Inserm)

 

17:40 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)