04/09/2007
Innovation.

J’ai trouvé un petit article très intéressant dans le dernier numéro de Prescrire qui fait référence à un papier publié en 2005 dans le BMJ.
Ce dernier s’est intéressé à l’ensemble des nouvelles molécules brevetées entre 1990 et 2003 dans la province de Colombie Britannique au Canada et les a séparé en deux groupes : les molécules réellement innovatrices et celles que l’on qualifie généralement de « me too ».
Les molécules innovatrices sont celles qui « sont les premières à traiter efficacement une maladie ou qui apportent une amélioration substantielle par rapport aux traitements préexistants ». Par exemple le captopril pour les IEC ou l’irbésartan pour les ARA2.
Les « me too », ou molécules « moi aussi » (je préfère nettement la traduction française, même si elle n’est pas usitée) sont souvent des dérivés chimiques des premières, et n’apportent pas d’amélioration substantielle supplémentaire.
Pour reprendre les exemples précédents, les « moi aussi » du captopril sont les 12 autres substances qui ont une AMM en France dans le traitement de l’hypertension artérielle (Bénazépril, Cilazapril, Énalapril, Fosinopril, Imidapril, Lisinopril, Moexipril, Périndopril, Quinapril, Ramipril, Trandolapril et Zofénopril), et ceux de l’irbésartan, dans la même indication sont au nombre de 6 (Candésartan, Eprosartan, Losartan, Olmésartan, Telmisartan et leValsartan).
Entre 1990 et 2003, 1147 molécules ont donc été brevetées en Colombie britannique. Parmi elles, 142 ont été classées comme innovatrices (12.38%) et 1005 comme des « moi aussi », soit 87.62%.
En 2003, les molécules innovatrices ont représenté 10% du total des dépenses de santé pour les traitements médicamenteux, les autres molécules plus anciennes (génériques ou non) pour 27% et les « moi aussi » pour 63%.
63% des dépenses pour des molécules récentes qui n’apportent pas grand-chose de plus que les traitements préalables, il semble que le ratio coût pour la collectivité/bénéfice pour le patient soit particulièrement défavorable.
Toutefois, j’aimerais un (petit) peu nuancer.
<!--[if !supportLists]-->1) <!--[endif]-->Il faut que l’industrie pharmaceutique vive. Si on n’accordait d’AMM qu’à la première molécule innovante brevetée, ou à des molécules apportant une réelle amélioration il n’y aurait plus beaucoup de laboratoires viables (101.500 emplois en France en 2005, et pas mal d’actionnaires).
<!--[if !supportLists]-->2) <!--[endif]-->Malgré l’intérêt individuel très relatif des « moi aussi », on observe quand même sur une longue période de temps que les dernières molécules sont supérieures aux premières (en terme d’efficacité, de facilité d’emploi et d’effets secondaires). Quel cardiologue à l’heure actuelle prescrit encore du propranolol (première AMM en 1967) alors qu’il a à sa disposition de l’aténolol ou du bisoprolol ?
<!--[if !supportLists]-->3) <!--[endif]-->Je suis encore une fois impressionné par la force de vente des laboratoires pharmaceutiques qui arrivent à nous faire autant prescrire des molécules aussi peu décisives.
Comment concilier les intérêts de tout ce petit monde ?
On pourrait éventuellement envisager un remboursement moindre pour les « me too ».
On pourrait aussi enseigner en fac de médecine à prescrire sur des bases scientifiques bien assimilées et non en fonction des cadeaux d’un visiteur qui se dit être notre ami, d'une visiteuse à bonnet D, ou d'un "partenariat" qui va assurer un enseignement post-universitaire tendancieux et orienté.
Pour en savoir plus: 1 petit article du Monde ici et 2 publications récentes de la DREES ici et ici. Le graphique suivant est tiré des publications de la DREES.

11:05 Publié dans Prescrire en conscience | Lien permanent | Commentaires (7)
31/08/2007
Les shauries.
Parfois, dans la journée, j’arrête ce que je fais ou pense et me dit qu’à cet instant précis, je n’ai que des petits soucis, de touts petits shauries, et j’espère très fort que ce temps béni va durer, durer, durer.
Ce matin, les petits shauries piaillaient joyeusement devant ma porte, et je leur ai ouvert, de peur qu’ils n’alertent leurs parents. Je n’ai pas été déçu.
Comme vous le savez, j’ai égaré « Pour le meilleur et pour l’Empire », alors que j’en étais à la page 135.
Depuis 3-4 jours, je me demande ou j’ai bien pu mettre ce satané bouquin. Je l’ai cherché de partout sans résultat.
Je décide donc hier d’aller le racheter.
A la librairie d’à côté, ils sont en rupture de stock. Ils proposent de me le commander.
Ils ne comprennent rien à rien, c’est maintenant que j’en ai absolument besoin, pas la semaine prochaine. En fait, je dois faire un assez long trajet en train samedi et j’ai peur que « Les fabuleuses aventures… » ne me suffisent pas.
J’échafaude plusieurs plans, par exemple l’acheter au point presse de la gare, voire en désespoir de cause courir dans une hypothétique librairie juste à côté (hypothétique, car il n’y en a pas à proximité).
Je décide finalement de partir plus tôt ce matin pour faire un détour à la librairie du centre commercial qui se situe non loin de la clinique.
En cherchant les clés de la maison dans mon cartable, j’y retrouve mon livre.
Pourtant, je suis sûr de l’avoir fouillé.
Lancel est nul pour les fermetures, mais leurs cartables comportent des terra incognita insoupçonnées dans le fin fond de leurs soufflets.
Je gagne ma voiture d’un pas allègre, vraiment.
Cette histoire de livre perdu me pesait.
La journée en devient plus belle, et cerise sur le gâteau, j’ai pu partir à l’heure prévue à la clinique.
Je caresse la poignée de portière de ma Yaris.
Au lieu du prometteur « Tchok » de déverrouillage, j’entends….rien.
Je la caresse une autre fois, d’une main un peu plus appuyée…rien.
Je lève la tête pour vérifier que la rue est vide et qu’aucun voisin ne va appeler la police pour arrêter ce dangereux pervers qui rôde dans les rues à la recherche d’innocentes voitures.
Je regarde dans mon cartable : pas de clé !
En fait, pour ceux qui ne comprennent pas le paragraphe précédent, j’ai pris une option rigoureusement indispensable, le «Smart Entry & Start ».
La clé est un émetteur que l’ont peut laisser dans son sac, cartable, ou vêtement. Quand on s’approche de la voiture, le plafonnier s’allume pour vous accueillir (en fait, ça ne sert à rien) et les portières se déverrouillent d’un simple contact de la main (là, c’est très bon).
Croyez moi, ne plus sortir constamment sa clé, notamment quand on est chargé est un véritable délice. Le problème est qu’à force de ne plus s’en servir, certes elle ne s’use pas, mais on ne sait plus trop où elle est.
Revenons à l’histoire : pas de clé !
J’ai le double, mais enfin je suis perplexe car je la laisse toujours dans mon cartable.
Je refouille la maison (je ne fait que ça depuis 4 jours) et mon regard tombe chaque fois sur le livre qui trône d’un air ironique sur le canapé.
Je lui reproche presque de faire partie d’une sorte d’échange d’otages divins : la clé de voiture contre le livre.
Le temps passe, je m’agite et me rappelle que j’ai mis des dossiers hier soir dans le coffre de la Yaris et mis les clés dans mon jean.
Où est le jean ?
Je re-refouille la maison.
Je le cherche sur les chaises (j’y laisse toujours mes jeans sales en espérant qu’ils vont se mettre tous seuls dans le tambour de la machine à laver. Sally me hait pour ça)…rien.
Sur l’étendage…rien.
Dans les tambours de la machine à laver et du sèche linge…rien.
Je téléphone à Sally : deux fois le répondeur…rien.
Je dois être damné.
Elle me rappelle, je réponds avec une voix quasi hystérique au téléphone : « Où est LE jean !! ». Elle me demande de clarifier ma question.
En fait, il attend de passer au lave linge dans la corbeille prévue à cet effet.
Je l’y retrouve, avec la clé dans la poche avant droite.
Ouf, la délicate électronique de l’émetteur n’aurait probablement pas apprécié le programme coton 60°C.
Je remets le double là où il doit être et je pars, épuisé avant même d’avoir commencé ma journée.
22:50 Publié dans ma vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (10)
30/08/2007
La mondialisation.

Chaque fois que j’entends ce mot, je pense au train en bois de mes fils.
Non non, les vacances ne commencent pas à peser sur mon carafon, car j’y pensais déjà, avant.
Vous allez comprendre (j’espère, sinon c’est que je suis resté trop longtemps devant mon écran).
Un jour, il y a longtemps, je trouve dans un grand magasin parisien un magnifique train en bois de la marque Brio.
Je me dis que ce train va faire fondre mon fils (et moi aussi, bien sûr).
[Au début j'avais mis "mes fils", mais Sally qui est au courant m'a précisé qu'à l'époque nous n'en avions qu'un. Je lui fais confiance]
Je pense que vous vous êtes rendus compte que les papas achètent à leurs enfants, leurs fils en particulier, des jouets qui leur font envie tout d’abord à eux.
Ou comment cacher pudiquement un cadeau que l’on se fait d’abord à soi même par une démonstration, si possible bruyante, d’amour paternel.
Les enfants ont été ravis, le papa aussi.
Après, comme ils grandissent, je commence à rechercher des extensions de rails, de nouvelles locomotives et wagons.
A chaque fois, comme la première, la note est assez salée.
Puis un jour, dans un magasin d’une grande chaîne américaine spécialisée dans les jouets (vous voyez de qui je veux parler ?) je retrouve les mêmes rails, des locomotives et des wagons pour un prix largement inférieur à celui de Brio. D’ailleurs, ce grand magasin vend aussi du Brio au même prix que celui que j’avais trouvé à Paris.
Pas 15-20% en moins, mais 3 à 4 fois moins.
Pour le prix d’une loco électrique brio, vous pouvez vous acheter la gare du Nord (j’exagère un peu).
La marque est celle du distributeur, le matériel un peu moins solide (3 rails cassés et recollés en 3 ans contre 0 pour Brio), mais pas de différence qui pourrait justifier un tel écart de prix.
Où donc se situe le delta ?
Brio replante les arbres, les autres non ?
Brio n’emploie que des ouvriers majeurs et la colle à bois qu’ils utilisent n’est pas cancérigène ? (les produits cancérigènes sont toujours moins chers...)
Brio fabrique ses rails en Suède, les autres en Chine ? (Là, je connais la réponse, Brio fait fabriquer ses rails en Thaïlande)
Brio recycle sa peinture faite à partir de pigments naturels, alors que les autres rejettent de la dioxine et du plomb dans le Yangzi Jiang, tuant le dernier dauphin ?
Brio assure une sécurité sociale chez ses employés jusqu’à leur mort aux environs de 80 ans, les autres non, et l’espérance de leurs employés est de 37 ans ?
Que faire ?
Acheter plus cher pour acheter éthique ? Acheter moins pour acheter mieux ?
Ca semble être la solution, mais dans ce cas, autant arrêter d’acheter tout cours, car je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais tout, absolument tout (les jouets et le reste) vient de Chine. Le clavier sur lequel je tape actuellement, l’écran sur lequel je me lis et le votre, les serveurs qui véhiculent cette information viennent probablement de là. Ne riez pas, le thé que vous buvez en me lisant, aussi.
C’est cela la mondialisation, donner à notre population l’impression d’une égalité illusoire et du droit au bonheur consumériste (presque un pléonasme) au prix de l’exploitation de la nature et des êtres humains de l’autre côté de la planète.
Heureusement, c’est loin.
Vivement pour eux qu'ils soient aussi développés que nous (ils pourront s'acheter des trains Brio fabriqués en Suède...).
Sur ce, je retourne lire les aventures de Ram Mohammad Thomas (ouvrage imprimé en France).
14:50 Publié dans ma vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (5)