26/07/2005
L’asymptote
Notre histoire est unique, au début quand je l’ai rencontrée, rien.
Même pas un frémissement.
Nous étions de la même promo, ni plus ni moins.
Puis, un jour, à l’occasion à l’occasion d’une descente commune chez « Decitre », je l’ai vue différemment.
C’était la même, mais nimbée d’une aura que je semblait être le seul à voir.
Chaque geste, chaque mot, même le plus anodin (« tu as déjà lu…. ? ») m’enchantait.
« L’amour, c’est l’infini mis à la portée des caniches » aurait dit Céline.
Mais je ne suis pas un caniche, et notre histoire est unique vous dis-je.
Nous avons tout en commun, nous avons regardé et communié avec « Heidi », « Candy », les jeunes héros de « Deux ans de Vacances », « Zora la rousse », et tant d’autres.
Nos goûts musicaux sont superposables, de même que notre vision du Monde.
Les milles feuilles du petit salon de thé de la rue Saint Jean, à deux pas du palais de justice étaient eux aussi uniques, car c’est toi qui me les a fait découvrir. Les déguster ensemble alors que la neige tombe au dehors sublimait leur goût.
Tu rendais tout merveilleux : les balades en Roller en été, et les courses dans les tas de feuilles mortes tombées des marronniers du Parc de la Tête d’Or en automne.
Le sentiment d’être au dessus des autres, eux, si loin en dessous de nous.
Notre sourire permanent aussi, dès que nous étions ensemble.
Si proche et si lointaine à la fois.
Le sentiment de pouvoir de toucher, autrement que par nos bourrades amicales, autrement que comme deux vieux copains.
Qui sait, un baiser ?
Nous étions parfois si proches que la distance qui nous séparait tendait vers l’asymptote.
L’infini de Céline serait-il cela, une asymptote ?
En tout cas, se dressait entre nous une limite aussi ténue qu’infranchissable.
Je l’ai beaucoup exploré cette limite, mais je n’y ai jamais trouvé aucune faille.
Le sort est-il déjà scellé dés que l’on s’en approche ?
Car déjà « elle » rejoignais un autre, alors que je n’avais fait que tendre vers elle.
Depuis ce temps, je hais les asymptotes.
Ce petit texte est, une fois n’est pas coutume, un assemblage imaginaire de fragments de réel.
J’avais pensé faire plus long, mais ce qui se voulait une évocation générale vaguement ironique s’est mis à ressembler de plus en plus à ce que j’ai vécu !
Image trouvée ici.
21:30 Publié dans Mon passé | Lien permanent | Commentaires (2)
23/07/2005
Sefarad World.
J’ai failli oublier de raconter une petite histoire sépharade.
Le lendemain du mariage, j’avais rendez-vous à dix heures chez la diamantaire chez qui j’avais acquis ce qui aurait du être la bague de fiançailles de Sally il y a deux ans et demi, pour la faire nettoyer et resertir (je raconterai cet épisode un autre jour….).
Bref, après 2 heures 30 de sommeil, je suis arrivé assez comateux dans son bureau, situé dans un immeuble miteux d’un quartier miteux lui aussi (« la seule vraie protection, c’est la discrétion »).
Nous discutons de tout et de rien durant une bonne heure (du mariage, des traditions des juifs orientaux, de religion, de Mika Waltari…).
Elle me raconte alors pourquoi elle a atterri ici, alors qu’elle représente la sixième génération d’une lignée de diamantaires reconnue, et estimée.
Elle était l’employée de son père, qui lui a tout appris du métier.
Elle travaillait pour lui largement plus de 80 heures par semaine, fêtes et fériés compris.
Elle voyageait dans le Monde entier pour rencontrer des clients, et à peine arrivée à l’aéroport après un long vol, son père téléphonait et lui demandait combien de clients elle avait déjà vus.
Bref, elle faisait tourner la boutique au mépris de sa santé (tabac café, tabac café,…).
Son père décida de prendre un peu de recul, et confia la gestion de l’entreprise à ….
Ses trois frères.
Evidemment, vous pouvez imaginez ce qu’elle a ressenti (c’était peu de temps avant notre première rencontre).
Pourquoi une telle injustice ?
Tout simplement car c’était une femme.
La place de la femme dans la société méditerrannéenne, et sépharade en particulier est disons...largement codifiée et immuable: pas de femme aux commandes!
En deux ans et demi, elle a créé sa propre société, et elle commence à peine à sortir la tête de l’eau.
Elle m’a alors raconté le dialogue suivant qu’elle a eu avec son père, il y a peu :
« - Dieu a endurci le cœur de Pharaon, afin que le peule juif quitte l’Egypte pour Israël.
- Quand tu étais avec moi, tu étais en Egypte ?
- Oui ».
J’imagine qu’il a du aussi apprécier la comparaison avec Pharaon !
J’ai beaucoup aimé cette interprétation, puis nous avons poursuivi notre conversation en évoquant Job et ses malheurs.
PS: le Pharaon représenté n'est pas Séthi I, celui qui est habituellement associé au Pharaon biblique qui n'est jamais nommé, mais....
Qui, au fait?
PPS: J'ai retrouvé la citation exacte sur Biblegateway :
Exode 10:1 (Louis Segond)
"L'Éternel dit à Moïse: Va vers Pharaon, car j'ai endurci son coeur et le coeur de ses serviteurs, pour faire éclater mes signes au milieu d'eux."
18:45 Publié dans ma vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (1)
Le doute tue (suite)
J’ai un peu réfléchi à cette histoire, pour essayer d’en tirer une leçon.
Mais je suis persuadé qu’une situation semblable est malheureusement inéluctable.
Chaque médecin examine un patient avec ses 5 sens, et son sixième.
Ici, se retrouvent un premier type d’erreur, en cas d’examen ou d’interrogatoire incomplet.
Ce sont les erreurs des débutants, ou des orgueilleux.
Cet ensemble de « capteurs » mène directement à un « décodeur », qui fait la synthèse de l’ensemble des informations enregistrées. Je suis persuadé que le « décodeur » de chacun est différent en fonction de la spécialité, du vécu…
Ainsi, des oedèmes des membres inférieurs identiques vont évoquer immédiatement différents diagnostics en fonction de la spécialité du médecin : cardiologue, néphrologue, angiologue….
Il est très difficile de s’affranchir de cette première impression.
En fait, en temps que cardiologue, je vois majoritairement des cardiaques (heureusement). Donc je vais immédiatement penser « insuffisance cardiaque » devant des oedèmes, et j’aurais raison dans 99% des cas. Bien sûr, les examens complémentaires vont affirmer ou infirmer l’hypothèse.
Mais c’est clair que, à force de voir des cardiaques, ma capacité à évoquer des diagnostics différents va en diminuant. C’est ce prisme, qui va induire le second type d’erreurs, les erreurs par obnubilation (être privé de discernement, au sens étymologique du terme).
Mais, ce n’est pas le décodeur qui mène à l’action, mais la somme des connaissances acquises en cours, et surtout celles acquises sur le terrain (« j’ai déjà vu cela avant… »).
Et celle çi est obligatoirement incomplète.
D’où un troisième type d’erreurs, celles commises par méconnaissance. Et encore une fois, mes connaissances ne représentent qu’une fraction de la Connaissance Médicale qui augmente tous les jours.
Mon sixième sens (on en a tous un) m’a parfois tiré de situations délicates, mais ici, il ne m’a pas aidé.
Le décodeur aussi parfois, c’est celui qui permet des diagnostics brillants et quasi instantanés, mais ici, il ne m’a pas aidé.
La connaissance livresque ou de terrain assure la majorité du travail, mais ici, elle ne m’a pas aidé.
Le prochain pied douteux que je verrai me rappellera cette histoire, et je ne le louperai pas.
Mais d’autres situations se présenteront obligatoirement, celles que l’on trouve typiquement en marge de la courbe de Gauss, les raretés, ou les évènements improbables.
Et là encore, je me tromperai.
Mais cela ne me fait pas peur, ni ne me paralyse dans ma pratique.
Tout médecin vit avec.
De plus, je pense que ma balance professionnelle est très largement positive, puissent Anubis, Thot le Greffier, et Osiris le Juge, m’en être témoins.
L’erreur médicale est au médecin ce que la mort est à la vie, ils sont indissociablement liés.
17:50 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)