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23/07/2005

Sefarad World.

medium_pharaon.jpgJ’ai failli oublier de raconter une petite histoire sépharade.
Le lendemain du mariage, j’avais rendez-vous à dix heures chez la diamantaire chez qui j’avais acquis ce qui aurait du être la bague de fiançailles de Sally il y a deux ans et demi, pour la faire nettoyer et resertir (je raconterai cet épisode un autre jour….).
Bref, après 2 heures 30 de sommeil, je suis arrivé assez comateux dans son bureau, situé dans un immeuble miteux d’un quartier miteux lui aussi (« la seule vraie protection, c’est la discrétion »).
Nous discutons de tout et de rien durant une bonne heure (du mariage, des traditions des juifs orientaux, de religion, de Mika Waltari…).

Elle me raconte alors pourquoi elle a atterri ici, alors qu’elle représente la sixième génération d’une lignée de diamantaires reconnue, et estimée.
Elle était l’employée de son père, qui lui a tout appris du métier.
Elle travaillait pour lui largement plus de 80 heures par semaine, fêtes et fériés compris.
Elle voyageait dans le Monde entier pour rencontrer des clients, et à peine arrivée à l’aéroport après un long vol, son père téléphonait et lui demandait combien de clients elle avait déjà vus.
Bref, elle faisait tourner la boutique au mépris de sa santé (tabac café, tabac café,…).
Son père décida de prendre un peu de recul, et confia la gestion de l’entreprise à ….
Ses trois frères.

Evidemment, vous pouvez imaginez ce qu’elle a ressenti (c’était peu de temps avant notre première rencontre).
Pourquoi une telle injustice ?
Tout simplement car c’était une femme.
La place de la femme dans la société méditerrannéenne, et sépharade en particulier est disons...largement codifiée et immuable: pas de femme aux commandes!

En deux ans et demi, elle a créé sa propre société, et elle commence à peine à sortir la tête de l’eau.
Elle m’a alors raconté le dialogue suivant qu’elle a eu avec son père, il y a peu :
« - Dieu a endurci le cœur de Pharaon, afin que le peule juif quitte l’Egypte pour Israël.
- Quand tu étais avec moi, tu étais en Egypte ?
- Oui ».
J’imagine qu’il a du aussi apprécier la comparaison avec Pharaon !
J’ai beaucoup aimé cette interprétation, puis nous avons poursuivi notre conversation en évoquant Job et ses malheurs.

PS: le Pharaon représenté n'est pas Séthi I, celui qui est habituellement associé au Pharaon biblique qui n'est jamais nommé, mais....
Qui, au fait?


PPS: J'ai retrouvé la citation exacte sur Biblegateway :

Exode 10:1 (Louis Segond)
"L'Éternel dit à Moïse: Va vers Pharaon, car j'ai endurci son coeur et le coeur de ses serviteurs, pour faire éclater mes signes au milieu d'eux."

Le doute tue (suite)

medium_doute.jpgJ’ai un peu réfléchi à cette histoire, pour essayer d’en tirer une leçon.
Mais je suis persuadé qu’une situation semblable est malheureusement inéluctable.
Chaque médecin examine un patient avec ses 5 sens, et son sixième.
Ici, se retrouvent un premier type d’erreur, en cas d’examen ou d’interrogatoire incomplet.
Ce sont les erreurs des débutants, ou des orgueilleux.

Cet ensemble de « capteurs » mène directement à un « décodeur », qui fait la synthèse de l’ensemble des informations enregistrées. Je suis persuadé que le « décodeur » de chacun est différent en fonction de la spécialité, du vécu…
Ainsi, des oedèmes des membres inférieurs identiques vont évoquer immédiatement différents diagnostics en fonction de la spécialité du médecin : cardiologue, néphrologue, angiologue….
Il est très difficile de s’affranchir de cette première impression.
En fait, en temps que cardiologue, je vois majoritairement des cardiaques (heureusement). Donc je vais immédiatement penser « insuffisance cardiaque » devant des oedèmes, et j’aurais raison dans 99% des cas. Bien sûr, les examens complémentaires vont affirmer ou infirmer l’hypothèse.
Mais c’est clair que, à force de voir des cardiaques, ma capacité à évoquer des diagnostics différents va en diminuant. C’est ce prisme, qui va induire le second type d’erreurs, les erreurs par obnubilation (être privé de discernement, au sens étymologique du terme).

Mais, ce n’est pas le décodeur qui mène à l’action, mais la somme des connaissances acquises en cours, et surtout celles acquises sur le terrain (« j’ai déjà vu cela avant… »).
Et celle çi est obligatoirement incomplète.
D’où un troisième type d’erreurs, celles commises par méconnaissance. Et encore une fois, mes connaissances ne représentent qu’une fraction de la Connaissance Médicale qui augmente tous les jours.

Mon sixième sens (on en a tous un) m’a parfois tiré de situations délicates, mais ici, il ne m’a pas aidé.
Le décodeur aussi parfois, c’est celui qui permet des diagnostics brillants et quasi instantanés, mais ici, il ne m’a pas aidé.
La connaissance livresque ou de terrain assure la majorité du travail, mais ici, elle ne m’a pas aidé.

Le prochain pied douteux que je verrai me rappellera cette histoire, et je ne le louperai pas.
Mais d’autres situations se présenteront obligatoirement, celles que l’on trouve typiquement en marge de la courbe de Gauss, les raretés, ou les évènements improbables.
Et là encore, je me tromperai.

Mais cela ne me fait pas peur, ni ne me paralyse dans ma pratique.
Tout médecin vit avec.
De plus, je pense que ma balance professionnelle est très largement positive, puissent Anubis, Thot le Greffier, et Osiris le Juge, m’en être témoins.

L’erreur médicale est au médecin ce que la mort est à la vie, ils sont indissociablement liés.

17:50 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)

22/07/2005

Le doute tue.

medium_doute.jpgC’est un adage que je me suis mille fois répété, mais pas assez visiblement.
Un patient sorti de réanimation (à la suite d’un arrêt cardiaque récupéré) est à la clinique pour sa rééducation depuis un mois.
Il a des escarres aux talons, et sous la tête du cinquième métatarse gauche.
L’évolution est satisfaisante.
Puis le pied se couvre de ce qui ressemble à un hématome, depuis 7 jours.
Cliniquement, ce n’est ni chaud, ni froid, le pied est bien vascularisé.
Le patient n’a pas mal.
Un peu inquiets, nous réalisons un döppler qui est normal.
Bien sûr, orientés par notre formation (nous sommes tous cardiologues), nous sommes polarisés par l'ischémie de jambe.
Avant-hier, sa température monte brutalement à 38-39 C.
Il n’a pas l’air septique, et comme d’habitude, apparaît un facteur de confusion : une infection urinaire.
Toujours avoir ça à l’esprit : une évolution défavorable est assez souvent masquée par un épiphénomène.
La fièvre persiste hier malgré les antibiotiques, et apparaît une plaque de nécrose.
On tourne autour ce matin, ne sachant pas ce que c’est.
L’évolution nous inquiète, mais nous ne mettons pas le doigt dessus.
Nous décidons de la transférer, car nous avons clairement atteint notre niveau d’incompétence.
Nous cherchons un point de chute.
Après la matinée de recherches infructueuses, il est finalement admis en chirurgie vasculaire.
Pourquoi dans ce service, alors que c’est clairement pas vasculaire ?
Primo, car les médecins sont des amis (un carnet d’adresse très fourni est fondamental en médecine), et secundo, ils sont habitués à voir des pieds abîmés (le raisonnement est primaire, mais efficace, vous allez le voir).
Le verdict tombe en quelques minutes : gangrène septique.
Comme quoi, l’hyperspécialisation est décidemment une grande tare du système de santé actuel.
Aucun d’entre nous n’avait jamais vu de gangrène (la dermato avait conclu à un vulgaire hématome)…
Le pronostic vital et fonctionnel est bien évidemment « réservé », comme on dit pudiquement.
La pratique mdicale est décidemment bien difficile…

Une bonne nouvelle ce soir : la patiente qui avait fait son hémorragie digestive vendredi dernier (ici) va très bien.

20:50 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (7)

Orientalisme.

medium_menora.jpgMercredi soir, mon premier mariage juif, sépharade pour être plus précis.
Ce n’est pas pour flatter le marié, qui lit aussi occasionnellement mon blog, mais c’est largement le meilleur que j’ai fait à ce jour.
La semaine précédente, j’avais appelé mon meilleur ami qui est juif, mais ashkénaze, pour lui demander quelle est la formule consacrée pour souhaiter les vœux.
« Mazeltov », m’a-t-il répondu.
« Tu va voir, ils ne font que danser pendant leurs mariages ».
J’ai vu.
A peine installé à table, et avant que le repas commence, la musique, jouée par un groupe excellent appelait tout le monde sur la piste de danse (danses folkloriques, techno, raï, du Bruel, du Aznavour...)
Je ne danse pas en général, mais porté par la folie collective, j’ai esquissé quelques mouvements du pied (c’est déjà énorme!).
Le reste de la soirée, repas compris a été une tornade de joie et d’émotions.
A un moment, je me suis retrouvé à la tête d’une farandole, bien embêté, ne sachant pas quoi faire (ou ne pas faire). A ma main gauche, Sylvie, d’aucune espèce d’utilité, car écroulée de rire, devant mon embarras.
Pas de chance quand même , sur 350 convives, le destin a voulu que cela tombe sur moi, parmi la poignée de non juifs !!
Ou fallait-il tourner par rapport au gâteau des mariés ?
Devant ou derrière ?
A droite ou à gauche ?
Sylvie de plus en plus hilare, d’autant plus que je la regardais assez désespéré.
J’ai fait comme Louis de Funès dans « Rabbi Jacob », j’ai improvisé.
"Oî, oî; oî...".
Après cela, les dessert, et la réalisation d’un de mes vieux phantasmes, une grande fontaine de chocolat liquide, avec autour des fruits frais et des fraises « tagada » attendant d’être nappés.
Miam…
Mazeltov David !
Merci pour la soirée inoubliable !