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04/03/2006

Psychiatrie sommaire.

De garde la nuit dernière.

Le médecin que je relève me prévient : « La dame de la huit, 60 ans, est totalement folle, elle hurle tout le temps, bonne garde ! ».

En effet, des hurlements se font entendre largement au-delà des murs de la réa. Pendant que les IDE font leur relève, je lis de moins en moins placidement mon bouquin, le dernier roman de José Carlos Somoza, « La Dame N°13 ».

Excellent début de bouquin en vérité.

« PAPA !».

Une histoire de sorcières, utilisant comme arme la poésie.

« MAMAN ! ».

Une histoire prenante et envoutante, ou l’ont tourne chaque page comme on tire frénétiquement sur le fil d’une pelote de laine, pour la dérouler de plus en plus rapidement.

« PAPA !».

Je ne tiens plus, je vais dans la chambre avec François, l’IDE de nuit.

Comme on dit en réa, elle est « en vrac », nue sur son lit, pieds et mains attachées, ces dernières dangereusement proches des drains thoraciques.

« Prépare du Tiapridal ! ».

Alors que François s’exécute, je trouve les photos d’un bébé, posées à plat sur une armoire, à côté mais hors de la vue de la patiente.

« C’est à vous ? »

A ma grande surprise, elle répond : « C’est mon bébé, il est où ? »

« Il doit être tranquillement à la maison, je vais vous les accrocher à la vitre, pour que vous puissiez les voir, d’accord ? ».

« Merci beaucoup, il me manque tellement, c’est mon petit-fils… »

« Il est très beau, promettez-moi de ne plus crier, ça fait peur aux autres patients ».

« Promis, merci beaucoup, docteur… ».

Je fais signe à François de ne pas passer le Tiapridal, et je le présente à la dame.

« Voici François, votre infirmier de nuit, il est corse ».

« Moi aussi, mes parents sont de Corte ! ».

Et voilà qu’ils se mettent à parler du pays….

  

Un peu plus tard, nous nous retrouvons à l’office.

Grosse séance d’autocongratulation, pour avoir démasqué ce qui n’était qu’une ineffable angoisse.

« Tu as su lui parler », me dit François.

« Toi aussi, et on a de la chance, on tombe toujours sur des Corses ».

Par devers nous, nous éprouvions un grand et réconfortant sentiment de supériorité, lui envers les filles de jour, moi envers le médecin d’astreinte de réa, qui n'avaient rien su voir.

  

Quel silence apaisant…

Chapitre IV, "Les Dames"

   

« FRANCOIS ! ».

??

« FRANCOIS ! ».

Dans sa chambre, elle a repris sa danse de Saint-Guy.

« FRANCOIS ! ».

« Oui, qu’est-ce qu’il y a, Madâme ? » (avec un accent corse formidable).

« J’ai mal ! ».

« Les calmants passent ».

« FRANCOIS !»

« Oui ? »

« JE VEUX VOIR MA MERE ! ».

Je lui dis : « Ne criez pas, s’il vous plait, vous me l’avez promis, vous allez arracher vos drains, et pensez aux autres patients ! »

« JE M’EN FOUT ! ».

« JE M’EN FOUT ! ».

« FRANCOIS ! ».

« Allez, hop, NOZINAN rapide… »

Ce matin, j’ai croisé le pauvre François, défait d’avoir été appelé toute la nuit, même « moderato cantabile » après le Nozinan.

« Ne leur redonne plus jamais mon prénom » !

Commentaires

Mort de rire ! Oh, comment que ça me rappelle de trop ces gardes où le toubib pense qu'on exagère toujours le délire de la vieille et nous accorde, royal, 10 gouttes d'Haldol.
Transformées en 50 par une infirmière plus couillue qu'une autre dès que le toubib a tourné les talons.

Pace romana !

Écrit par : ronron | 05/03/2006

Ah ben c'est du propre Ron... et après on retrouve la dite mamie qui tient tout d'un bloc, un petit peu... rigidifiée! Et on se dit oh là là, qu'est-ce qu'elle est sensible aux neuroleptiques!
Elle a l'angoisse costaud , la dame... me souvient d'un papy qui n'arretait pas de me dire, en USIC, en pleine crise de spasmophillie, avec des fibrillations musculaires du feu de dieu, "je suis mort, je suis mort". Bon, je l'ai calmé, et je n'ai lu qu'après son dossier.
Il s'était pointé aux urg en tachycardie ventriculaire, et avait fait un arrêt sur table, dans le brancard des urg... le pauvre, il était vraiment mort l'après-midi, ce que personne ne lui avait dit, d'ailleurs.

Écrit par : shayalone | 05/03/2006

c'est toujours complexe de calmer un patient...

Au début on comence léger, puis au fur et à mesure, c'est l'escalade!
Bien evidemment, tous les effets s'aditionnent...
Après, dodo pendant 24h00.

J'avais trouvé un cocktail détonnant qui avait le même effet que le "stupefix" de Harry Potter!
Je me souviens ainsi d'une pauvre mamie que j'avais "stupefixiée", alors qu'elle était entrain de sauter les barrières.

Écrit par : Lawrence | 05/03/2006

c'est terriblement drôle et émouvant à la fois

Écrit par : rita | 05/03/2006

Vous êtes un peu archaïques avec vos Thiapridal/Nozinan... Moi je me suis calée en mode Tercian, ça fonctionne tellement bien !

Écrit par : Melie | 06/03/2006

Vous utilisez encore le gourdin, pour les agitation plus sévère, quand même?

Écrit par : Lawrence | 07/03/2006

Ouais; Loxapac quand il faut... (bon en même temps je dois avouer que les "miens" sont plutôt calmes...)

Écrit par : Melie | 07/03/2006

J'avouerai moi aussi que lors de mes nuits IDE, les gouttes sont parfois surdosées... Car il est particulièrement énervant et frustrant de se voir rigoler au nez par un interne ou un médecin devant l'excitation d'un patient que personne n'arrive à calmer et qui dérange le peu de sommeil des autres patients du service...

Écrit par : Esculape | 08/03/2006

Les commentaires sont fermés.