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09/06/2006

La cardio-ethnologie

C’est un domaine qui n’existe pas encore, et pourtant dont je voulais parler depuis longtemps.

J’ai toujours remarqué que les patients avaient tendance à aller voir des cardiologues de leur origine ethnique/confession religieuse.

Bon, a priori, ce n’est pas étonnant.

Un patient cardiaque, par définition inquiet, va rechercher à se rassurer auprès d’un médecin qu’il pense être semblable à  lui, de la même culture, et donc à même de mieux le comprendre.

Un jour, j’attendais dans la salle d’attente de deux confrères d’origine arménienne.

Les patients défilaient devant la secrétaire : Topalian, Harutunian, Boyadjian, Krikorian, Vosgarichian, Stepanian, Derbedrosian,…

 J’avais l’impression de parcourir l’annuaire téléphonique d’Erevan ! Aznavour aurait fait son entrée en susurrant un langoureux « Aznavourian », je n’en aurais pas été beaucoup plus surpris.

Pareil pour les juifs : a patient juif, médecin généraliste et cardiologue juifs le plus souvent.

Est-ce un bien ?

Je me suis souvent demandé quelle était la motivation profonde d’un tel communautarisme. Je crois que la communion d’esprit, et l’empathie que l’on est en droit d’espérer d’un semblable en est le moteur principal.

De plus, ce n’est sûrement pas un communautarisme pour pouvoir vivre selon les préceptes/les coutumes de sa communauté. Même chez les juifs, de loin la communauté aux traditions les plus élaborées, et difficiles à suivre dans notre société, le soin est le même que pour tous les autres. Idem pour les musulmans ; il n’existe pas de manière juive ou musulmane ou arménienne de soigner une angine de poitrine.

Quant aux approches différentielles que le soignant doit avoir vis-à-vis de telle ou telle personne de telle ou telle communauté, un praticien les apprend tout au long de son cursus hospitalier.

Je crois plutôt, malheureusement, que le patient espère être mieux pris en compte du fait même de sa spécificité. Je serai mieux soigné par un médecin de ma communauté, car il va plus me prendre en compte. Sous entendu, plus qu’un patient non membre, et de façon corollaire, la crainte d’être moins bien pris en compte par un médecin extra communautaire.

Je pense que c’est une grave erreur.

Primo, car encore une fois, il n’existe pas de modus operandi différent pour soigner les patients d’origines différentes.

Secundo, je ne pense pas qu’un médecin « favorise » tel ou tel patient appartenant au même groupe que lui. Cela va contre la sacro-sainte égalité de tous devant les soins.

Surtout comment, et pourquoi favoriser un patient d’origine arménienne noyé parmi toute une clientèle de « –ians ».

Tertio, le communautarisme peut avoir des effets pervers.

Un exemple récent.

Un patient sépharade bien typique, ponté il y a peu.

Les points serrés, le regard noir, il me dit vouloir changer de cardiologue.

Ce dernier est lui aussi un sépharade bien typique.

Il est reconnu par tous comme étant compétent et adorable vis-à-vis de ses patients (quelque soit leur origine)..

Je demande au monsieur la raison d’un tel rejet.

« Il se disait mon frère, mon ami, et il n’est même pas venu me voir quand j’étais hospitalisé ».

Primo, ce cardiologue utilise ces qualificatifs larga manu, que vous soyez juif, lapon, ou tahitien. Il est d’autant plus convainquant qu’il a le geste rond et la tape sur l’épaule très facile. Il use de son charme, ça marche, ses patients l’adorent et c’est justifié.

Mais le patient que j’avais devant moi, lui, il s’estimait trahi. Un véritable coup de poignard dans le dos. Quasiment une déception amoureuse.

C’est dangereux, car il était prêt à aller voir le premier rigolo venu qui lui aurait fait un peu de charme. C’est aussi dangereux car on ne peut pas soigner correctement un proche. Soigner possède une part irréductible de dirigisme et de coercition.

Finalement, ce matin, ils se sont téléphonés et sont redevenus frères, comme avant, du moins jusqu’à la prochaine séance de « comediante ! tragediante ! ».

08/06/2006

Voie de disparition

Extrait d'un article sorti en 2003 dans l' European Heart Journal (Eur. Heart J., February 2003; 24: 299 - 310)

  

   

    

   

Number (per million inhabitants) and changes (diff %) in certified cardiologists in the EU/EFTA countries 1997 vs 2000.

 
Country                       1997    2000     diff (%)
Greece                          170       210         23
Italy                              156       166           6
Belgium                          65         76         17
Portugal                          65         66           1
France                           83         65      −22
Iceland                           62         65          5
Switzerland                    52         53          2
The Netherlands             45         49           9
Sweden                          35         41        17
Denmark                        30         39        30
Norway                          37         38          3
Austria                           20         32        60
Spain                             48         30       −37
Germany                        24         26          8
Finland                           16         17          6
UK                                  8         12        50

Ireland                             8           7      −12

-22% de cardios en 3 ans....

J'espère que ce n'est pas dû à une maladie contagieuse!

23/05/2006

Souvenirs, souvenirs

Ce matin, je me suis réveillé avec des images de P1 plein la tête.

 

J’ai du refaire mes deux années tout au long de la nuit.

 

Comme d’habitude dans mes rêves, un détail stupide (oubli de l’heure ou du lieu de convocation) m’a empêché de passer les épreuves.

 

Depuis que je passe des examens ou des concours, ces rêves sont récurrents, je m’en formalise de moins en moins avec le temps.

 

Mais bon, ce qui est curieux, c’est que mes P1 ont considérablement plus impressionné mon inconscient que mon internat.

 

Je rêve très peu de ce dernier.

 

Pourquoi ?

 

Excellente question, Dr Freud.

 

 

Donc depuis mon réveil, j’essaye de reconstituer la liste de mes professeurs en P1 à Lyon-Nord en 1990-1992.

 

Anatomie : Neidhart et Gonon

 

Biostatistiques : Site (j’ai assisté à son dernier cours, alors que mon père l’avait eu comme enseignant en première année de médecine).

 

Biochimie : André

 

Embryologie et histologie (je crois) : Guérin

 

Physiologie : Minaire et ? (la cinquantaine, la voix de JP Marielle, celui qui le trouve aura droit à toute ma considération).

 

Biophysique : le regretté Lanneche, humaniste qui avait lutté toute sa vie pour l’édification d’une mosquée digne de ce nom à Lyon, et qui est décédé brutalement quelques jours avant son ouverture. Paix à son âme. Tout le monde hurlait « Boule ! » à son entrée dans l’amphi Hermann (il était chauve), mais c’était un des plus aimés. Peut après Noel, il nous gratifiait d’un « Paix sur Terre, et meilleurs vœux de réussite ». Le cœur des carrés répondait : « On t’aime, Boule !! ».

 

Génétique : ? (mauvais souvenir de toute façon)

 

 

En clin d’œil à tous les anciens, actuels et futurs P1 : les trous de la base du crâne !

 

 J’ai aussi retrouvé ce matin (par pur hasard) la photo de promo 91-92. Le rigolo du centre, c’est le santard qui a été major de ma promo tous les ans (sauf peut-être une fois).

 

22/05/2006

Un confrère qui gagne à être lu...

Découvert sur matooblog: Medice Cura te Ipsum.

Si vous connaissez d'autres bons blogs médicaux, n'hésitez pas à me les signaler!
***************

Luc

 

4:23 Jésus leur dit: Sans doute vous m'appliquerez ce proverbe: Médecin, guéris-toi toi-même; et vous me direz: Fais ici, dans ta patrie, tout ce que nous avons appris que tu as fait à Capharnaüm.

  

4:23 et ait illis utique dicetis mihi hanc similitudinem medice cura te ipsum quanta audivimus facta in Capharnaum fac et hic in patria tua

20/05/2006

La pré-hypertension.

Un article du New-York Times s’interroge aujourd’hui sur l’influence grandissante des firmes pharmaceutiques sur les comités scientifiques chargés de rédiger les recommandations portant sur le diagnostic et le traitement de telle ou telle pathologie.
L’exemple pris est celui de l’ASH (American Society of Hypertension).
Cette société savante a participé à la rédaction du JNC VII, dernière mouture en date des recommandations américaines sur la prise en charge de l’hypertension artérielle (the JNC 7 report. JAMA 2003 ; 289 : 2560-72).
Ces JNC (Join National Committee) sont un peu les « DSM » des psychiatres. Un comité d’expert se réuni régulièrement, et modifie la définition et la prise en charge de l’hypertension en fonction de la littérature.
Le JNC VI date de 1997, le VII de 2003.

  

Jusqu’à présent, on était hypertendu (TA > 140/90) ou non.
En fait, le « non hypertendu » était divisé en 3 catégories par le JNC VI:

  

tension « optimale » (<120/<80),
« normale » (<130/<85) et
« normale haute » (130-139/85-89).

   
Du point de vue pratique, seuls les patients classés dans la catégorie « normale haute » et présentant un diabète, une atteinte rénale, ou cardiaque (hypertrophie ventriculaire gauche, ou insuffisance cardiaque), justifiaient d’un traitement pharmacologique. Les tensions artérielles « normales » bénéficiaient de simples conseils hygiéno diététiques.

   
Avec le JNC VII, apparaît  la notion de pré-hypertension (120-139/80-89 mmHg).
La tension normale étant maintenant définie par <120/<80.
L’introduction précise même que le risque cardio-vasculaire existe à partir de 115/75 (!!!).
L’hypertension débute toujours à 140/90 (heureusement pour notre mémoire !!).

  

Les patients « pré-hypertendus »  bénéficient de conseils hygiéno-diététiques, ou d’un traitement en cas de morbidités/pathologies associées (insuffisance cardiaque, post infarctus du myocarde, haut risque de coronaropathie, diabète, prévention d’accidents cérébraux récurrents).

  

Pour résumer, les dernières recommandations ont nettement abaissé le seuil ou l’on considère la tension artérielle comme nocive. Ainsi, le seuil d’intervention s’est abaissé de 130-139/85-89 pour le JNC VI à 120-139/80-89 pour le JNC VII.

  

Bon, ceci étant dit, c’est là que le bât commence à blesser.

  

Primo, les recommandations européennes (J Hypertens 2003 ;21 :1011-53) sont restées assez similaires au JNC VI. Les comités européens considèrent en effet que les nouvelles études ayant amené la notion de « pré-hypertension » n’ont pas apporté d’argument décisif. Les européens prennent en compte bien plus que les américains la notion de risque cardiovasculaire global, intégrant non seulement l’hypertension mais aussi le diabète, le tabagisme…

  

Secundo, certaines voix américaines s’élèvent aussi sur la validité scientifique de cet abaissement de seuil.
Ce sont ces opinions que colporte l’article du « New-York Times ».
Par ailleurs, ce papier s'interroge aussi sur l'indépendance des comités de rédaction, vis-à-vis de l'Industrie pharmaceutique. Ainsi, Merck, Novartis et Sankyo on versé près de 700.000 dollars à l’ASH pour organiser des dîners afin de promouvoir les conclusions du JNC VII auprès des médecins. Geste probablement généreux, afin de diffuser la bonne parole, mais qui pose de sérieux problèmes d’indépendance. Si le JNC VII avait revu les seuils d’intervention à la hausse, aurait-il en lieu ?

    
Par ailleurs, 6 des 7 médecins qui ont écrit ces recommandations sont ou ont été des consultants rétribués de firmes fabriquant des traitements antihypertenseurs. Peut-on être juge et partie à la fois, et sans interférence ?
L’hypertension touche 65 millions d’américains (définition JNC VI), soit un chiffre d’affaire de 17 milliards de dollars par an. 59 millions d’américains sont « limites ». Le JNC VII va probablement en pousser une bonne partie dans le camp de ceux qu’il va « falloir » traiter. Imaginez la progression potentielle du chiffre d’affaire ! 

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Ceux qui ont bien suivi ce que j’ai écrit précédemment devraient avoir une remarque sur les lèvres.

Alors ?

Ce n’est pas grave, le sujet est assez aride ! 

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La remarque, c’est que le JNC VII ne préconise pas de traitement pharmaceutique aux patients « pré-hypertendus », sauf dans le petit sous-groupe le plus à risque.
L’industrie n’aurait donc pas grand-chose à  gagner  dans cette histoire?
Et bien, si !
Abracadabra !
Dans le NEJM, une étude a démontré l’intérêt de traiter la pré-hypertension pour qu’elle ne devienne pas une hypertension vraie.
Est-ce que le patient va vivre mieux et plus longtemps ?
L’étude ne le dit pas (elle n’a pas été faite pour cela), mais je parie que la visite médicale va lui faire dire que oui.
Je parie aussi que des études vont bientôt démontrer qu’un patient ayant une tension à 120-139/80-89 mmHg devra être traité. Dans quelques années, la limite sera, pourquoi pas, à 115/75 !
L’immortalité et le bien-être des actionnaires est à ce prix !

17/05/2006

19 stents.

Un patient arrive pour un syndrome coronarien aigu dans une clinique de la région.

A la coronarographie : lésions tritronculaires.

Je n’ai pas les détails, mais à la fin de la procédure, il se retrouve avec 19 (dix-neuf) stents conventionnels intra-coronaires.

Sachant que le pourcentage de sténose est de 20% par stent à 12 mois, calculez le risque que ce patient repasse sur la table de coronarographie à six mois, et à 12 mois.

Autre détail qui a son importance : en général, les stents sont non pontables.

14/05/2006

De garde.

Vendredi, j’ai eu une garde agitée.

A l’hôpital, ce n’est pas inhabituel, mais ma nuit n’a été entrecoupée que de rares plages de sommeil.

Appel du SAMU à 20h00, pour admettre une dissection aortique. Il est un peu loin, l’hélicoptère ne peut pas décoller, il arrivera un peu plus tard dans la nuit.

A 22h30, l’homme d’une soixantaine d’année  rentre directement au bloc.

Il sort vers 4h00 (la pire des heures). L’intervention a été remarquablement courte, et le patient stable toute la nuit. En le réceptionnant, nous avons évoqué un temps bien révolu avec les infirmier(e)s.

Les plus anciennes se souvenaient qu’on ne les opérait pas, et que l’on attendait une fin quasiment inéluctable (1% de mortalité par heure dans les premiers jours). Les moins anciennes se souvenaient des premières interventions, débouchant presque toutes sur un décès, ou des séquelles importantes.

Je me souviens des interventions qui duraient 8-12 heures au début de mon internat, avec des résultats assez aléatoires.

Maintenant, l’intervention et le postopératoire sont presque « banals ».

Il faut dire que ce patient avait une vie saine, sans hypertension, sans tabac, sans facteurs de risque opératoire en somme.

C’est le chirurgien qui a trouvé la cause de la dissection : une bicuspidie aortique très calcifiée, sténosante même.

Un peu plus tard dans la nuit (23h00, la pire des heures) une infirmière me fait remarquer que le pacemaker externe d’une patiente endormie(elle n’est pas intubée) semble dysfonctionner. Je regarde ; en effet, certaines stimulations n’entraînent pas de contraction (facilement visible lorsque l’on a une pression artérielle sanglante). Je règle l’appareil, et satisfait, je le repends à la potence. Et là, plus de contraction, artère plate. Arrêt cardiaque.

Je commence à la masser, elle s’assoit l’air effaré, et gaspant pour chercher un oxygène qui ne peut plus alimenter ses organes, du fait de l’absence de débit cardiaque.

On la recouche à plusieurs pour continuer le massage.

C’est assez difficile d’agir dans l’urgence et de réfléchir en même temps et en pleine nuit. Au bout de 10-15 secondes éternelles, je vérifie les connections du pacemaker, et je remarque qu’une fiche est sortie de son emplacement.

Je la rebranche, le rythme repart, on rassure la malade qui a vécu un horrible cauchemar, mais bien réel, celui-ci.

En allant m’allonger, je me demande si je suis encore capable d’assurer des gardes en réa. Cette question est assez récurrente en ce moment, car je récupère de moins en moins bien, et je me questionne sur mes capacités à gérer des patients lourds.

Je me demande si j’ai encore les bons réflexes.

Bon, d’un autre côté, je me suis toujours posé cette question : au début à cause du manque d’expérience, puis à cause du manque de gardes (j’avais arrêté pendant 5 mois quand j’étais sur Paris), puis maintenant, après 200-220 gardes, je me demande si je ne suis pas trop vieux…

           

Je m’endors.

Je rêve que je participe à un concours hippique avec Elisabeth II.

   

Appel à 6 heures (la pire des heures) : un patient greffé cardiaque ventilé, ne ventile plus, justement.

L’infirmière a vite fait le diagnostic : le ballonnet de la sonde d’intubation s’est percé.

Et hop, petite intubation à l’aube.

Je ne me recouche pas, et commence à lire le bouquin que j’avais emmené (l’Enéide modernisée par G. Chandon).

  

Une infirmière vient me chercher : la dialyse d’une patiente vient de tomber en rade.

Il faudrait remettre un catheter veino-veineux dans une veine centrale, son abord fémoral étant de toute évidence devenu indisponible.

D’habitude j’aime bien ça.

Mais pas cette fois : nuit quasi blanche, patiente de plus de 100 Kgs, l’autre veine fémorale déjà occupée, pas de cou (du moins, on ne le voit pas sous les replis graisseux), et plein de petites excoriations potentiellement infectées sur les voies d’abord des deux sous-clavières.

Je dis à l’infirmière que la relève va se charger de ça.

Je retourne à mon bouquin.

  

La relève arrive à 8h30.

Enfin !

26/04/2006

Comment peut-on être echo-döppleriste vasculaire ?

Montesquieu aurait pu poser cette question si l’échographie-döppler vasculaire avait existé à son époque.

 

Cette discipline ne devrait pas exister ; il faudrait, pour pouvoir l’exercer être médecin vasculaire. Un peu comme tout échographiste cardiaque devrait être cardiologue (c’est l’immense majorité des cas).

Le problème est que cette technique a été dédaignée, et donc peu enseignée durant des années. Les cardiologues ne voulaient pas en faire (trop dégradant), les chirurgiens vasculaires non plus (le champ, il est pas fait, et ou est ce putain d’anesthésiste ?), et la médecine vasculaire en tant que telle n’est qu’une discipline assez récente.

Donc, quiconque est médecin peut se décréter döppleriste ; sans même avoir la plus petite notion de médecine/chirurgie vasculaire.

 

Ce matin, je dois faire un döppler à un monsieur déjà opéré d’un pontage aorto-bifémoral il y à 8 ans, et d’une carotide à droite.

Bref, un vrai vasculaire.

En s’installant, il me tend un döppler fait dans un cabinet d’angiologie il y a un mois. Je n’ai même pas regardé le nom ; j’ai appris à être indulgent avec le temps.

 

L’examen est normal, le döppleriste note simplement une « atténuation » des flux en distalité. Il conclut à une « artériopathie distale ».

 

  

Je demande au patient, ancien industriel, membre du Rotary, si il a mal aux jambes en marchant.

« Bien sûr, au bout de 100 mètres, j’ai mal aux mollets, et j’ai des crampes la nuit ! ».

 

Uhmmm…

Le döppler ne peut donc pas être normal, sauf histoire neurologique tarabiscotée (genre canal lombaire étroit ; toute histoire neurologique étant tarabiscotée pour un cardiologue comme moi).

 

Je commence : aorte OK, les 2 branches du pontage OK, fémorale superficielle gauche OK, sténose serrée de la poplitée gauche…

J’ai un peu eu du mal à trouver la sténose (pas plus de 5 minutes, quand même…), et ce malgré mon niveau de döppleriste « moyen » (sans faire de fausse modestie: ici et ici).

Donc déjà, j’ai une trouvé une cause à la claudication à gauche.

A droite : occlusion de la fémorale superficielle à mi cuisse, avec un énorme réseau de suppléance.

Bon, la messe est dite.

 

Ce qui me frappe le plus, ce n’est pas tellement que le döppleriste ne soit pas un bon technicien (la sténose poplitée ne sautait pas aux yeux), mais c’est qu’il n’a même pas demandé au patient si il était symptomatique ou non. Si ça se trouve, il ne lui a même pas parlé. Evidemment, il ne lui a pas mesuré les pourtants indispensables IPS (trop de temps, non remboursés).

 

Bref, prend le fric, et tire toi…. (DGQM001=76.16 euros).

  

14/04/2006

L’accès aux soins : suite et fin.

Un dépêche AFP reprise dans « lemonde.fr » consacre la suspension du projet d’assurance-santé de luxe « AGF Excellence Santé » dont j’avais parlé ici.

 

La raison invoquée en est « l’émotion » suscitée.

 

Uhmm, il fallait y penser avant ; et encore une fois, c’est le fait d’y avoir pensé qui est le plus grave dans cette histoire.

 

08/04/2006

L’accès aux soins : combien êtes-vous prêts à payer ?

Un nouvel article de Sandrine Blanchard a éveillé mon intérêt.

   

Intitulé « Les AGF inventent la "Sécu" de luxe », il décrit une assurance-maladie (« Excellence-Santé »), qui pour 12000 euros par an permettrait de voir LA sommité médicale référente, et non un vulgaire praticien.

Le choix des sommités étant fait par le Pr Pierre Godeau, éminent médecin interniste du siècle dernier (75 ans).

  

Ce n’est pas charitable, je le sais, mais je vais faire de la délation : il est, par ailleurs, le président de l’institut Servier.

  

On aura tout compris.

  

Bref, ce spécialiste des spécialités va constituer une équipe des meilleurs médecins français, non pas pour écrire un traité faisant référence (comme il l’a fait jadis), mais pour soigner les VIP d’ «Excellence- Santé ».

  

Certains praticiens sont tentés, « Le Monde » les a contacté, mais ils ont préféré décliner tout commentaire, parfois de manière hargneuse. Pourquoi tant de honte ? Vous sentiriez-vous mal à l’aise dans votre serment d’Hippocrate ?

D’autres, ont refusé, et se disent indignés par ce concept (on-t-ils été seulement contactés par le Pr Godeau ?). Etant donné les noms cités, je ne peux qu’imaginer que oui.

  

J’ai plusieurs remarques :

  

- L’inégalité existe déjà en termes d’accès à certains praticiens : essayez de consulter un cardiologue en habitant Gentioux-Pigerolles. J’ai déjà évoqué ce problème. Les gens n’ont qu’à habiter comme tout le monde, à Paris !

   

- Les consultations privées des PH et PU-PH existent depuis les années soixante. Depuis 40-45 ans, ce système permet de garder « le gratin » de l’Hôpital dans le secteur public. En effet, sans cette « entorse » au système du service public, il y a fort à parier que la plupart des agrégés auraient cédé aux sirènes sonnantes et trébuchantes du privé. En effet, le prestige de l’agrégation, seul, ne rempli pas le réservoir de la Mercédès. Rien que pour cela, je ne suis pour ce principe, à condition, bien sûr, de rester raisonnable. Faire gagner 6 mois d’attente en versant 100-150 euros me semble anormal. Par ailleurs, dans leur immense majorité, les patients avides et fiers d’être suivis par le Pr. Untel ou untel n’ont strictement rien de plus compliqué/grave que les autres. Un bon praticien de base et une tisane serait amplement suffisants. Les regarder payer 100-300 euros pour se faire soigner un furoncle de manière « professorale » est presque un acte moral.

   

- Toutefois, le concept de cette assurance-vie est parfaitement nauséeux. Maintenant donc, certains ne s’embarrassent même plus de mettre un minimum de formes (ou d’hypocrisie) pour donner l’impression que le système est toujours parfaitement égalitaire. Nous avons passé un palier supplémentaire en direction de la médecine inégalitaire, et je ne suis pas du tout sûr que les principes moraux qui animent certains d’entre nous résistent longtemps au pouvoir de l’argent. La morale a toujours été soluble dans l’argent.

     

- Personnellement, je n’irai pas voir de médecin conseillé par un septuagénaire.

   

- Comme l’article le dit très bien : "Il n'y a pas de rapport entre ce que vous payez et la qualité de l'acte". J’ai le souvenir d’un agrégé mondialement connu , et auquel je n’aurais pas confié la fibrillation auriculaire de mon chien.

    

- Que les gens de gauche qui lisent cette note ne se réjouissent pas de cette nouvelle dénonciation de la perversité du grand capital qui va encore une fois spolier le brave ouvrier. Le système de santé le plus inégalitaire que je connaisse en France est celui de la SNCF. Les soins sont parfaitement gratuits, et la douzaine de consultants sont tous chefs de service de leur spécialité. Record battu : moins d’une semaine pour voir une sommité (et même plusieurs, au besoin), si et seulement si vous travaillez dans cette vénérable institution. Je suis bien au courant, car toute ma belle famille est cheminot depuis 7 générations (ce n’est pas possible, mais c’est une image), et j’ai essayé de rentrer dans la liste de leurs consultants.

Pas assez agrégé, qu’on m’a dit.

    

- Enfin, un petit truc pour être bien soigné, pour pas trop cher, et sans faire pour autant partie de la SNCF : allez voir un assistant du service. Généralement, ce sont des gens biens (je le sais, je l’ai été), et quand ils ne savent pas (ça m’est souvent arrivé), ils vont demander un avis à….leur patron qui est une…sommité (et qui ne font pas payer leurs conseils, eux !).