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09/11/2008
T’es dépressif ?
J’ai lu cet matin cet article de Sandrine Blanchard sur lemonde.fr. Mon ignorance encyclopédique sur le sujet me fait poser une question aux lecteurs MG/psy.
La journaliste déplore l’utilisation massive d’antidépresseurs qui récemment montré leur inefficacité (« Les psychotropes coûtent une fortune à la Sécurité sociale. Or une analyse publiée en début d'année conclut que, en dehors des dépressions sévères, les antidépresseurs les plus prescrits ne sont pas plus efficaces qu'un placebo... »). J’avais évoqué l’étude de PloS ici, et une autre du même acabit ici.
Dans le même article, à 2 reprises, elle fait référence aux « médecines alternatives » comme, me semble-t’il, une solution potentielle à ce problème (« S'y ajoute le déni des médecines alternatives » et « Entre la psychothérapie, difficilement accessible, et des médecines alternatives souvent méprisées par l'establishment médical, le marché des psychotropes ne connaîtra pas la crise. »).
Ma question est double :
- A quelles sortes de « médecines alternatives», Sandrine Blanchard fait allusion ?
- Pouvez-vous me citer des études scientifiques de bonne qualité méthodologique qui montrent que ces « médecines alternatives » font mieux que le placebo ?
10:06 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (6)
Commentaires
Excellent! Merci pour ton éclairage (en fait, j'espérais bien en écrivant cette note que tu allais y mettre ton grain de sel!).
Tu penses donc qu'elle parlait de médecine homéopathique uniquement?
Écrit par : lawrence | 09/11/2008
Pire que cela, l'article fait l'amalgame entre mal-être (kézako ?) et l'anxiété ou la phobie sociale (bien connus des psychiatres), parle des "tranquillisants" (?) et de la dépendance (pourtant inexistante ou quasi) aux antidépresseurs...
Quant au "déni des médecines alternatives" que Sandrine Blanchard évoque, c'est aussi un non sens, les médecins ne dénient pas leur existence, mais nient plutôt en grande partie leur efficacité.
Sur les travaux réalisés sur l'efficacité d'un traitement phytothérapeutique, on retrouve notamment un méta-analyse (Cochrane) suggérant l'efficacité de l'Hypericum (Herbe de st John) sur la dépression et équivalente aux antidépresseurs:
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18843608?ordinalpos=7&itool=EntrezSystem2.PEntrez.Pubmed.Pubmed_ResultsPanel.Pubmed_DefaultReportPanel.Pubmed_RVDocSum
L'opposition ne se fait pas entre médicaments alternatifs et traditionnels, mais entre ceux qui marchent et les autres. Les traditionnels ont montré leur efficacité. On a déjà discuté des deux études dont tu parles, qui confirmaient l'efficacité des traitements, contrairement à ce qu'on a pu en lire.
L'article de Sandrine Blanchard est donc particulièrement mal écrit, peu informé sur ce que sont les troubles mentaux et leurs traitements, et qui aurait gagné à être relu par un professionnel de santé.
L'article de Sandrine Blanchard est, de plus, dangereux, et ce pour trois raisons.
D'une part, il contribue à la désinformation et à la stigmatisation des troubles mentaux. Sandrine Blanchard n'évoque comme cause de la dépression que des facteurs environnementaux et sociaux, on sait pourtant que les déterminants génétiques et biologiques jouent un rôle essentiel.
D'autre part, il stigmatise la prescription d'antidépresseurs, en rendant plus confus les différents psychotropes existant. Cette confusion rend plus difficile l'acceptation d'un traitement quand il est nécessaire, et elle est susceptible d'aggraver le handicap lié à leur trouble.
Enfin, il évoque la supériorité des traitements alternatifs, sans fondements raisonnables. bien sur, des traitements phytothérapiques, ou des prises en charge en médecine alternative sont susceptibles d'être efficaces, mais cette efficacité reste pour l'instant très mal évaluée. A l'inverse, les antidépresseurs on montrés un rapport bénéfice risque largement en faveur de leur prescription.
Si la dénonciation des pratiques médicales hasardeuses est un devoir des journalistes, et un droit pour le public, la désinformation et le sensationnalisme sont des pratiques dangereuses.
Écrit par : yanns | 09/11/2008
Plutôt de la phytothérapie. Je crois qu'il y a peu de chance qu'un traitement homéopathique se distingue du placebo en l'état actuel des connaissances, en dépit de quelques études positives du fait du hasard.
Par contre, la phytothérapie et les médecines traditionnelles sont basées sur des principes potentiellement actifs, et donc potentiellement dangereux aussi.
Par exemple, les herbes chinoises, très populaires il y a quelques années car "naturelles" ont détruits les reins de leurs consommateurs.
http://kystes.blog.lemonde.fr/2008/10/21/medecines-traditionnelles-et-insuffisance-renale/
NB: L'Hypericum, c'est le Millepertuis.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Millepertuis
Écrit par : yanns | 09/11/2008
Puisque je suis cité, l'article du monde est assez calamiteux, effectivement, concernant l'efficacité des antidépresseurs dans la dépression légère à modérée, ils ne font pas mieux qu'une psychothérapie comportementale en terme d'efficacité. Je ne ferai pas de remarque sur la pathologisation de la timidité (phobie sociale). Pour le millepertuis, il me semble qu'un essai publié dans une revue de bonne qualité (BMJ) montré une efficacité identique à celle d'un IRS.
Le gros problème du millepertuis c'est son activité inductrice enzymatique. Il y a eu de nombreux cas de rejets aigus dans des transplantations d'organes après consommation de ce produit par une diminution des anticalcineurines (antirejet).
Les autres alternatives entre psychothérapie et antidépresseurs, à part la scientologie je n'en vois pas d'autres, mais je ne suis ni psy, ni MG. Il faut dire que la même journaliste (on ne rit pas dans les rangs) en aout 2007 avait signer un remarquable article sur une machine qui détecte la personnalité... (un lien vers ce remarquable article: http://www.comlive.net/La-Machine-A-Detecter-La-Personnalite,142354.htm ).
Écrit par : stephane | 09/11/2008
Complètement d'accord pour parler d'inefficacité des antidépresseurs sur les dépressions légères à modérées, c'est connus (cliniquement) depuis longtemps, mais la publi de Plos a permis de mettre les points sur les i.
Cf discussion ici
http://grangeblanche.hautetfort.com/archive/2008/02/26/la-m%C3%A9ta-analyse-est-%C3%A0-l-analyse.html
Moins sur la "pathologisation de la timidité", mais c'est vrai que la validité des diagnostics est un autre débat!
L'article sur la machine est effectivement d'une "rare qualité" ^^.....
Le lien entre la scientologie et la machine à détecter les personnalités est fait, puisqu'elle ressemble à s'y méprendre à l'"électromètre" utilisé par la scientologie !
http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p1841/articles/a37471-scientologiela_machine_miraculeuse.html
Quand on connait la haine des scientologues pour la psychiatrie !
Écrit par : yanns | 10/11/2008
un bel exemple de confusion mais le genre éditorial croissant semble de plus en plus dispenser des règles de base du papier journalistique (facts facts facts et juste un peu d'analyse après), sur des problèmes connus :la surutilisation française des benzodiazépines,la difficulté d'évaluation des antidépresseurs,la pression des industriels (voire les liaisons troubles entre évolution nosologique et marketing )le lecteur non informé n'a aucune chance de progresser dans sa connaissance ou sa réflexion, diable que fait la rédaction en chef?
lisant le Monde depuis au moins 40 ans( j'ai commencé jeune il rentrait à la maison ) j'excuse une certaine baisse de la qualité par la nécessité du maintien du nombre des lecteurs mais là beurk ( imaginons un dossier pleine page de type Escoffier-Lambiotte sur la dépression en 2008 )
Écrit par : doudou | 12/11/2008
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