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07/07/2005

Prescrire.

medium_pills.jpgLe dernier numéro de "Prescrire" est arrivé dans ma boite aux lettres il y à quelques jours.
Voici quelques "bonnes feuilles" à lire (consultation libre) sur leur site:



ici

et .

06/07/2005

Saint Esprit

medium_stesprit.jpgUne lettre d’accompagnement d’une patiente que j’ai reçue ce soir à la clinique.
L’établissement d’origine (une réanimation cardiaque pour être exact) est… disons …..coutumier du fait.
Mais là ils ont fait fort.


XXX, le 06/07/05


Cher XXX

Tu trouveras çi-joint le compte rendu d’hospitalisation de Madame XXX, âgée de 83 ans,
qui a été hospitalisée pour un syndrome digestif et respiratoire, asthénie et vomissement et brady-arythmie.


On a suspecté dans un premier temps une intoxication digitalique, les premiers dosages n'ont pas confirmé cette impression.

Elle s'est ensuite améliorée progressivement et sort ce jour du service avec le traitement suivant:
XXX
XXX
XXX
XXX

Merci de ce que tu feras pour elle.

Amitiés.

XXX.


Le compte rendu d’hospitalisation n’apporte bien évidemment aucune information supplémentaire, hormis que le séjour a duré 6 jours.

En gros, je résume : une patiente arrive en réa avec un ensemble de symptômes divers, et de cause indéterminée.
La première et seule hypothèse émise n’est pas la bonne.
Ils ne font ni examen complémentaire, ni traitement spécifique.
La patiente s’améliore par l’opération du Saint Esprit.
Puis ils la transfèrent dans un établissement de rééducation cardio-vasculaire.

Parfait.
L’être humain est vraiment résistant.

La non infériorité.

Ce type d’études statistiques envahit lentement mais sûrement le monde des études cliniques.
Depuis longtemps, j’avais envie d’écrire sur ce sujet, mais il me manquait une trame et des références bibliographiques. Enfin, les statistiques restent pour moi en grande partie mystérieuses.
Pourtant, encore une fois, toutes les décisions médicales actuelles et futures se basent et se baseront sur des études cliniques, elles même basées sur des concepts statistiques plus ou moins sophistiqués.
Au début, un peu comme tout le monde, j’ai fait confiance aux revues scientifiques, et aux quelques bases mathématiques enseignées en médecine pour trier le bon grain de l’ivraie.
Mais je me suis rapidement rendu compte, que c’était une erreur, et qu’il fallait développer un peu mes connaissances statistiques pour développer mon sens critique, et résister aux Chants des Sirènes (devinez à qui je pense…).

Petit rappel.
Jusqu'à peu, les trames statistiques des grandes études de qualité étaient créées pour montrer qu’un produit A était meilleur qu’un placebo, ou qu’un produit B de référence.
Bien entendu, toute étude valable doit être au mieux randomisée, en double aveugle, en plus d’être comparative. Si elle est multicentrique, on touche le Nirvana. RALES en 1999 est un bon exemple d’une bonne étude, il y en a bien d’autres.
Depuis peu donc, éclosent des études dites « d’équivalence » ou de « non infériorité ».
Pourquoi un tel développement ?
Primo, car il est plus simple de démontrer qu’un produit est non inférieur, que de prouver qu’il est supérieur en terme de statistiques. Secundo car la taille des échantillons étudiés peut être moindre, donc des coûts plus faibles. Tertio, le risque marketing est moindre, une étude « de non infériorité » positive vaut mieux qu’une étude de supériorité négative (qui signifie l’enterrement quasi systématique du produit).

Le but n’est pas de démontrer une supériorité de A sur B, mais une « non infériorité » de A par rapport à B.

Enorme nuance.

L’étude pourra donc être positive, donc favorable pour A, même si A est jugé équivalent à B.
Personnellement, je pense que c’est déjà une régression par rapport aux études de supériorité. On pourra arguer que les effets secondaires de A sont moindres que ceux de B, et donc que A est « mieux » que B, même en cas d’équivalence statistique.
Mais il faut faire une autre étude dans ce cas, et si possible de supériorité.

Donc à partir du moment ou l’étude que je lis est de ce type, j’arrête ma lecture, et je ferme la revue.

Mais développons un peu d’autres raisons qui ne font que confirmer mon attitude.

Le risque majeur est à mon avis celui d’être tenté de « tripatouiller » les données afin de rendre l’étude positive.
Les statistiques visent à étudier l’efficacité d’un produit A sur un échantillon de patients, et non sur tous.
Le simple fait de choisir un échantillon induit une marge d’erreur incompressible dans la seule mesure d’un effet (je ne parle même pas de comparaison ici).
Chaque mesure moyenne est accompagnée de sa marge d’erreur qui dépend de plusieurs facteurs (c’est « l’écart type » ou le « standard deviation » ou « SD » des anglo-saxons)
Donc, quand on compare deux effets dans un étude de non infériorité, il faut tolérer une certaine valeur en dessous de laquelle, A et B seront déclarés équivalents.
Par exemple dans SPORTIF V, qui compare deux anticoagulants, les deux produits ont été jugés équivalents jusqu’à un seuil toléré de 2% d’évènements graves évités par an.

Donc si A présente 1.9% d’évènements graves évités de moins que B, il sera quand même jugé « équivalent » à B. Vous comprenez par ailleurs, que s’il s’agit de décès ou d’évènements graves, ce fameux seuil peut devenir rapidement inacceptable. Comment tolérer une « équivalence » entre A et B si il existe tout de même 2% de décès en plus ?
De quoi dépend ce seuil ?
Le problème est là, il dépend du bon vouloir de ceux qui font les études. Pas tout à fait tout de même, il dépend de la littérature antérieure à l’essai, du moins celle que l’on veut bien avoir exhumée.
L’article dont je me suis très largement inspiré (les références sont à la fin) cite des exemples assez édifiants en….psychiatrie.
Je vois déjà Mélie et Shayalone se dresser sur leurs chaises !
En 1989-1990, deux études concluent en la « non infériorité » de la fluvoxamine vs l’imipramine (traitement de référence) dans les dépressions sévères.
Devinez quels ont été les seuils de différence d’efficacité tolérés, en dessous desquels la fluvoxamine est quand même jugée « équivalente » à l’imipramine ?
Dites un chiffre…
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43%
Et oui, même avec 43% d’efficacité en moins, la fluvoxamine est jugée « non inférieure » à l’imipramine
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On peut donc clairement tout faire dire à un essai clinique, avec un peu de doigté….
Je ne connais pas du tout l'importance de ces revues que je ne lis bien évidemment pas: sont-elles lues, fiables, ont-elles un comité de lecture?
Quoiqu'il en soit, elles ont été publiées, et je n'imagine pas un instant que le marketing du labo fabriquant la fluvoxamine n'en ait pas fait ses choux gras.

La deuxième raison qui me choque, c’est que les personnes enrôlées dans ces essais (risquant donc des effets secondaires parfois grave) n’ont même plus la satisfaction de se dire qu’ils ont participé au progrès de la recherche.
Puisqu’au mieux, le match va se terminer en nul, le « design » de l’étude n’étant pas a priori créé pour montrer une supériorité…

Donc méfiance lorsque l’on ingurgite de la littérature, il faut toujours rester critique.

L’article dont je me suis très très largement inspiré est là.