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20/08/2005

Buletins de paye

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A priori, aucun bulletin de paye n’est particulièrement inducteur de rêverie, ou de remémoration.

Mais aujourd’hui, jour post garde, je suis suffisamment encotonné pour tenter l’expérience.

J’ai retrouvé en faisant mes comptes, d’anciens bulletins, qui m’ont permis de planter quelques bornes, comme Emmanuel Conte au début de « Malevil ».

 

La première borne se signale par un « non bulletin ».

J’ai en effet perdu mes deux fiches de paye d’ASH (Agent de Service Hospitalier), en été…

Je ne sais plus.

1995, peut-être.

Bien que n’ayant nul besoin d’argent, j’avais demandé aux Hospices Civils de Lyon à effectuer un remplacement de deux mois d’ASH à L’Hôpital Edouard Herriot (toujours le même, il revient à intervalles réguliers dans ma vie…).

Les HCL, bonnes filles, accordaient larga manu ces postes temporaires aux étudiants en médecine, qui en faisait la demande.

L’ASH est le dernier maillon d’un service hospitalier, technicien de surface, coursier, brancardier parfois, il est polyvalent.

Ces deux mois m’ont plus appris sur l’Hôpital que les 10 ans suivants.

L’organisation pyramidale, les gens « d’en haut », les gens « d’en bas », les codes à respecter (« surtout, pas de zèle », « chacun paye son café et nettoie sa tasse »…), les petits et gros soucis de personnes n’étant pas nés comme moi, avec une petite cuillère en argent dans la bouche.

J’y ai appris à faire un lit (bien difficilement), car je n’avais pas ma nounou ardéchoise pour le faire. Il fallait faire vite et bien, surtout en fonction du nombre d’entrants et de sortants.

Je me suis aussi rendu compte de la gaucherie que l’on peut avoir à 22-23 ans pour des actes d’allure simplissime, par rapport à de vieux routiers expérimentés.

J’ai eu un aperçu sur le syndicalisme, la vie des antillais en Métropole…

J’ai découvert combien on a envie de sauter à la gorge d’un médecin, quand celui-ci marche sur le sol que l’on vient de nettoyer (d’un autre côté, j’étais pas très intelligent, ayant mouillé toute la largeur du couloir, et non la moitié, comme il se doit…).

J’ai aussi appris à préparer un mort avant son dernier voyage hospitalier vers la morgue (ça m’a servi bien plus tard).

 

Deuxième borne : Septembre 1997, mon dernier bulletin de salaire d’externe.

Au sommet de la hiérarchie externale, il culminait à 1203.04 francs (je n‘avais pas fait de garde ce quadrimestre).

Pendant les trois premières années de médecine, zéro, puis 900-1300 francs par mois pendant les trois années suivantes (l'externat). Puis ensuite, l'internat.


Un seul mot me revient à l’esprit aujourd’hui en relisant cette dernière fiche de paye de mon externat: ENFIN, c’est fini!

 

Troisième borne : novembre 1997, mon premier salaire d’interne : 7150.62 francs.

Impressions mitigées : une immense peur, quasi incontrôlable avant de débuter, surtout quand j’ai rencontré mon premier patron pour la première fois dans son bureau, un soir :

 

"J’ai très peur de faire des gardes

- Tu vois, si tu n’avais pas peur, ce serait inquiétant, tu vois…"

 

Facile à dire…

Indissociable de cette peur, l’immense fierté de faire enfin partie de cette « élite », dont me parlait ma mère depuis mon enfance (« quand j’ai rencontré ton père, il était externe, puis il a réussi son Internat... »). Cet examen est tellement mythique dans mon esprit, que je n’ai jamais réussi à l’écrire autrement qu’avec une majuscule. Petit, je feuilletais le livre recensant toutes les promos d’internes des Hôpitaux de Lyon depuis le XIX (avec les photos de promos pour les dernières).

Seule petite ombre, je ne serai jamais Interne des Hôpitaux de Lyon (IHL), le Graal, sauf pour les parisiens, bien sûr…

Qu’importe (j’ai quand même mis 4 ans pour arriver à le dire en le pensant vraiment).

Pour mémoire, et pour information pour les externes/jeunes internes, j’ai terminé à 2017.96 euros pour mon dernier mois d’interne en avril 2002 (avec 5 gardes quand même).

C'est aussi une date importante, puisqu'il s'agit de la fin officielle de mes études médicales (avril 2002, date de la Thèse, et du DES). Durée totale: 12 ans (octobre ou novembre 1990-avril 2002).

 

Quatrième borne : mai 2002 : attaché aux Hôpitaux de Paris, 2643.83 euros.

Financièrement, ça va beaucoup mieux, le titre est ronflant, mais sans aucune valeur. D’autant plus que j’étais rattaché au service de biophysique (je faisais des épreuves d’effort en médecine nucléaire). Bien entendu, j’étais autant « attaché en biophysique », qu’astronaute. Mais bon, c’était le seul moyen de me payer, le service de cardio n’ayant aucune vacation à fournir.

J’ai déjà parlé de cette période, pas grand-chose à rajouter.

 

Cinquième borne : novembre 2002 : première paye d’Assistant des Hôpitaux (1142.51 euros) et Chef de clinique à la Faculté (1308.31 euros).

Un seul mot là aussi : ENFIN

Que du bonheur, j’ai retrouvé Sally et Guillaume après 5 mois parisiens, et j’ai atteint mon but professionnel (je raconterai un jour la course pour avoir un poste de « CCA »). Je ne visais pas plus haut comme carrière hospitalière.

Deux ans d’aisance financière, et surtout sans aucun soucis métaphysique (le bachelier se demande si il va être étudiant en médecine, l’externe se demande si il sera interne –ou et en quoi-, l’interne se demande si il sera CCA…). A cette époque, pour la première fois, je ne me demandais plus rien depuis bien, bien longtemps.

 

Depuis novembre 2004, je suis multi casquettes : praticien attaché aux Hôpitaux (cardiologie et médecin vasculaire), cardiologue/médecin vasculaire libéral, réanimateur nocturne en chirurgie cardiaque, et médecin rééducateur.

Bref, pour l’instant ça roule.

Pourvu que cela dure.

 

Ce que je tire de cette remémoration ?

Le parcours est long, semé d’embûches, et finalement assez incertain.

L’aisance financière vient finalement assez tardivement (si l’on compte en salaire horaire, on frôle le ridicule), il faut donc avoir les reins assez solides.

Mais, jamais je n’aurais pu faire autre chose.

Ce métier, et ses études font autant parti de moi que mon cœur ou mon foie.

Je ne crois pas en Dieu, mais en mon métier.

16:25 Publié dans Mon passé | Lien permanent | Commentaires (7)

19/08/2005

Je t'aime, moi aussi.

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Deux bonnes notes de Fuligineuse et Philippe m’ont rappelé une petite anecdote personnelle sans aucune prétention.

Sally est originaire de la région d’Aix en Provence, moi de Lyon. Nos accents respectifs nous ont posé beaucoup de problèmes les premiers mois de notre relation. Nous nous faisions tout répéter deux fois, voire plus.

Un soir, nous bouquinions dans le lit.

Elle me dit « Je t’aime »

Le regard humide de tendresse, je lui répond « moi aussi ».

Elle me regarde surprise : « Mais qu’est ce que tu me racontes ? Tu n’a pas de lampe de chevet de ton coté ! »

Le « Je t’aime » était en fait un « J’éteinggg », en français neutre « J’éteins ».

 

Bonne nuit à tous.

La chambre de bonne.

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J’ai écouté, un peu par hasard « Hands Clean » de Alanis Morissette ce dimanche. Elle doit être à court d’inspiration, car son dernier album est une réédition acoustique de «Jagged little pill». Bref, j’ai eu envie d’entendre à nouveau ce morceau (tiré de « Under rug swept »).
Je ne vous referais pas le coup de la « Madeleine » de Proust, que je n’ai jamais lu, mais tout m’est revenu instantanément.
Eté 2002, la chambre de bonne, juste à l’extérieur de Paris intra muros.
Même l’odeur du parquet m’est revenue !
J’ai mis presque 2 semaines pour trouver quelque chose, pas un logement décent, mais un logement tout court.
Pendant ce temps, je prenais des gardes à l’Hôpital (une nuit, payée de surcroît est toujours bonne  à prendre) et des nuits au Kyriad local.
Heureusement pour moi, le service de cardiologie étant ce qu’il est, c'est-à-dire consciencieusement barré des listes du SAMU (pas de coronarographie, quasiment pas d’électrophysiologie, en un mot la zone), je dormais quasiment toute la nuit de garde.
J’avais trouvé cette petite chambre au septième étage sans ascenseur pour mon stage de 5 mois à Paris.
Bien évidemment, la première difficulté est de se loger pour une durée assez courte.
Nous étions trois à attendre l’homme de l’agence de location.
Il y avait un homme d’origine antillaise, et une étudiante a priori non française de souche.
J’ai immédiatement été intimement persuadé que, quelques soient les références et garanties présentées par ces deux, je serais choisi à cause de mon aspect bien « de chez nous ».
Ca n’a pas manqué.
Chronique écoeurante et sans fin de la ségrégation quotidienne.
 
Comment définir ma vie dans ce service ?
« Sieste » serait peut-être le premier mot qui me vient à l’esprit.
Tout le monde faisait la sieste ici, les patients n’étaient sortants que si des entrants programmés prenaient leur place.
Comme ça, pas de place pour les urgences.
Il ne faudrait tout de même pas trop travailler, on ne sait jamais…
Bref, j’ai un peu glandouillé pendant 5 mois tandis que mon fils, né peu avant grandissait sans que je le vois à plusieurs centaines de kilomètres. La période a été difficile pour Sally et moi, mais nous avons courbé l’échine et avons traversé ces 5 mois sans trop de difficultés.
J’ai finalement peu profité de la vie parisienne, quelques musées et restaurants, tant je restais émerveillé de me retrouver au pied de la Tour Eiffel en quelques minutes de métro.
Je garde de cette période une solide amitié, la connaissance de l’étendue du  pouvoir que possèdent les agrégés parisiens, même si la cardiologie n’y est plus à la pointe, et une connaissance très parcellaire de cette ville et de ses habitants.
Certains d’entre eux (n’est-ce pas Steph ?), pensant que le périphérique représente le « Finis Terrae », et que la station Balard est dans le Sud-Ouest profond ;-).

20:45 Publié dans Mon passé | Lien permanent | Commentaires (0)