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21/08/2005

Changement de bannière

medium_clean-up4.gifComme j'ai du temps devant moi aujourd'hui (femme et enfants au loin), j'ai modifié l'apparence de mon blog:

- Passage à une colonne pour donner plus de place au texte.

- Modification de couleur de l'arrière plan (un joli tracé ECG!).

- Changement de bannière, que j'ai rendue un peu plus "personnelle".

J'espère que vous aimerez la nouvelle forme de "Grange Blanche", le fond restera le même, pour le meilleur ou le pire.

Cordialement.

PS: Merci à l'excellentissime "Bouge ton blog", d'où, comme beaucoup, je tire les idées pour améliorer l'apparence de mon blog.

PPS: Merci aussi pour les "trucs et astuces" trouvés ce blog, dont je n'ai pas réussi  à trouver le nom de l'auteur.

17:15 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (2)

20/08/2005

Comment devenir CCA?

 

medium_xwflou.jpg

Finalement, je vais en parler aujourd’hui.

Vaste question en fait.

 

Tout d’abord, CCA est le sigle de Chef de Clinique [des Universités] Assistant [des Hôpitaux]. Un sigle, deux fonctions distinctes : soigner à l’Hôpital, et enseigner à la Faculté.

Un CCA/ancien CCA ne peut être qu’un spécialiste. Ce titre n’existe pas pour la médecine générale (qui sait, peut-être qu’un jour...).

 

Le poste de CCA est normalement un tremplin pour une carrière hospitalo-universitaire, dont le but ultime est l’agrégation (le professorat) et la chefferie de Service.

Mais il faut bien dire ce qui est, l’immense majorité des CCA n’a absolument aucune envie de faire carrière.

Ils approfondissent la spécialité (c’est obligatoire en chirurgie), et attendent la fin de leur clinicat pour s’installer en libéral (c’est ce que j’ai fait).

L’assistanat dure 2 ans, renouvelable une fois pour ceux qui restent.

Un assistanat donne la possibilité de s’installer en secteur 2, ou les honoraires demandés sont habituellement plus importants qu’en secteur 1 (j’ai pourtant choisi le secteur 1 mais pour des raisons plus complexes).

Enfin, en général, cela fait toujours bien de mettre « ancien Assistant - Chef de Clinique » sur sa plaque (c’est ce que je me suis empressé de faire).

 

Mais encore une fois, pour les spécialités médicales, il n’est pas du tout obligatoire d’avoir été CCA pour s’installer. Surtout, le fait d’avoir été CCA ne fait pas forcément de vous un meilleur médecin que quelqu’un qui ne l’a pas été.

 

Jusqu’à l’internat inclus, nous choisissons d’aller travailler dans tel ou tel service.

La règle est générale, hormis ici et là quelques exceptions (stage « obligatoires »…).

L’assistanat, c’est différent.

Le chef de service, et lui seul peut nommer un CCA.

Donc, il faut qu’un chef de service vous choisisse.

C’est aussi simple que cela.

Enfin presque….

 

Il faut d’abord faire sa demande. Ceux qui lisent ce blog depuis longtemps peuvent imaginer que, pour moi, cela a été toute une histoire. Mon co-interne m’a littéralement poussé dans le bureau de mon patron pour que je me décide.

Il faut bien évidemment avoir des atomes crochus avec lui, pour que vous ayez une chance d’être choisi.

Il faut aussi choisir le « bon cheval », surtout dans un service ou le patron est en instance de départ, et que ses agrégés se dévorent les entrailles pour lui succéder.

 

En général, la réponse tant attendue est très évasive, car il faut prévoir 2, 4 ans voire plus à l’avance.

En effet, sauf exception, on récupère le poste de quelqu’un d’autre, qui peut donc renouveler son assistanat une fois. Pour compliquer les choses, on exige de plus en plus des futurs hospitaliers de partir 1 an à l’étranger (aux EU, le plus souvent). Donc chaque service a un parfois deux « satellites » à l’étranger, et à qui il va bien falloir trouver un poste ensuite.

Enfin, il y a tous les autres, de la même promo que vous, qui veulent vous ravir votre poste, celui auquel vous avez droit (« mon boulot de dans deux ans »). Là, ce n’est pas simple, les coups bas sont autorisés, en dessous de la ceinture si possible.

 

Bref, le plus souvent, on ne sait jamais si la place est acquise ou non, jusqu’aux derniers mois avant son hypothétique prise de fonction.

J’ai attendu mon poste 12 mois (6 mois de post-internat, 5 mois à Paris, 1 mois à glander), ce qui est la moyenne actuellement.

 

Enfin, Paris et ma ville universitaire ont des habitudes radicalement différentes (j’avoue ne pas connaître comment cela se passe ailleurs, notamment à Lyon).

 

En effet, ici, le nombre de choix successifs dans le même service n’est pas limité. En gros, on appartenait à une « chapelle » de cardiologie, en y faisant tout son internat puis son assistanat.

Ainsi, sur mes 8 choix de cardio (hors celui de réanimation chirurgicale), j’en ai fait 5 dans le même service, quasi successivement. Donc, je savais que si la conjonction des planètes m’était favorable, j’aurais toutes les chances d’y faire mon assistanat, d’autant plus que le patron n’avait qu’un seul dauphin.

 

A Paris, il est interdit de faire des choix successifs. Donc, tous les internes, dès que leur choix est sur le point de finir, font une demande de poste de CCA à chaque patron.

Ce n’est pas sans poser des problèmes, par exemple quand plusieurs patrons disent oui !

Par ailleurs, ils ne reculent devant rien pour "fixer" un candidat, faute d'autre prétendant, par exemple en leur poposant des postes un peu "foireux". 

Bref, je n’envie pas du tout la vie des internes parisiens, perpétuels quémandeurs.

 

« Vous auriez pas un p’tit poste ? A vot’ bon cœur ».

20:15 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (3)

Buletins de paye

medium_hommevinci.jpg

A priori, aucun bulletin de paye n’est particulièrement inducteur de rêverie, ou de remémoration.

Mais aujourd’hui, jour post garde, je suis suffisamment encotonné pour tenter l’expérience.

J’ai retrouvé en faisant mes comptes, d’anciens bulletins, qui m’ont permis de planter quelques bornes, comme Emmanuel Conte au début de « Malevil ».

 

La première borne se signale par un « non bulletin ».

J’ai en effet perdu mes deux fiches de paye d’ASH (Agent de Service Hospitalier), en été…

Je ne sais plus.

1995, peut-être.

Bien que n’ayant nul besoin d’argent, j’avais demandé aux Hospices Civils de Lyon à effectuer un remplacement de deux mois d’ASH à L’Hôpital Edouard Herriot (toujours le même, il revient à intervalles réguliers dans ma vie…).

Les HCL, bonnes filles, accordaient larga manu ces postes temporaires aux étudiants en médecine, qui en faisait la demande.

L’ASH est le dernier maillon d’un service hospitalier, technicien de surface, coursier, brancardier parfois, il est polyvalent.

Ces deux mois m’ont plus appris sur l’Hôpital que les 10 ans suivants.

L’organisation pyramidale, les gens « d’en haut », les gens « d’en bas », les codes à respecter (« surtout, pas de zèle », « chacun paye son café et nettoie sa tasse »…), les petits et gros soucis de personnes n’étant pas nés comme moi, avec une petite cuillère en argent dans la bouche.

J’y ai appris à faire un lit (bien difficilement), car je n’avais pas ma nounou ardéchoise pour le faire. Il fallait faire vite et bien, surtout en fonction du nombre d’entrants et de sortants.

Je me suis aussi rendu compte de la gaucherie que l’on peut avoir à 22-23 ans pour des actes d’allure simplissime, par rapport à de vieux routiers expérimentés.

J’ai eu un aperçu sur le syndicalisme, la vie des antillais en Métropole…

J’ai découvert combien on a envie de sauter à la gorge d’un médecin, quand celui-ci marche sur le sol que l’on vient de nettoyer (d’un autre côté, j’étais pas très intelligent, ayant mouillé toute la largeur du couloir, et non la moitié, comme il se doit…).

J’ai aussi appris à préparer un mort avant son dernier voyage hospitalier vers la morgue (ça m’a servi bien plus tard).

 

Deuxième borne : Septembre 1997, mon dernier bulletin de salaire d’externe.

Au sommet de la hiérarchie externale, il culminait à 1203.04 francs (je n‘avais pas fait de garde ce quadrimestre).

Pendant les trois premières années de médecine, zéro, puis 900-1300 francs par mois pendant les trois années suivantes (l'externat). Puis ensuite, l'internat.


Un seul mot me revient à l’esprit aujourd’hui en relisant cette dernière fiche de paye de mon externat: ENFIN, c’est fini!

 

Troisième borne : novembre 1997, mon premier salaire d’interne : 7150.62 francs.

Impressions mitigées : une immense peur, quasi incontrôlable avant de débuter, surtout quand j’ai rencontré mon premier patron pour la première fois dans son bureau, un soir :

 

"J’ai très peur de faire des gardes

- Tu vois, si tu n’avais pas peur, ce serait inquiétant, tu vois…"

 

Facile à dire…

Indissociable de cette peur, l’immense fierté de faire enfin partie de cette « élite », dont me parlait ma mère depuis mon enfance (« quand j’ai rencontré ton père, il était externe, puis il a réussi son Internat... »). Cet examen est tellement mythique dans mon esprit, que je n’ai jamais réussi à l’écrire autrement qu’avec une majuscule. Petit, je feuilletais le livre recensant toutes les promos d’internes des Hôpitaux de Lyon depuis le XIX (avec les photos de promos pour les dernières).

Seule petite ombre, je ne serai jamais Interne des Hôpitaux de Lyon (IHL), le Graal, sauf pour les parisiens, bien sûr…

Qu’importe (j’ai quand même mis 4 ans pour arriver à le dire en le pensant vraiment).

Pour mémoire, et pour information pour les externes/jeunes internes, j’ai terminé à 2017.96 euros pour mon dernier mois d’interne en avril 2002 (avec 5 gardes quand même).

C'est aussi une date importante, puisqu'il s'agit de la fin officielle de mes études médicales (avril 2002, date de la Thèse, et du DES). Durée totale: 12 ans (octobre ou novembre 1990-avril 2002).

 

Quatrième borne : mai 2002 : attaché aux Hôpitaux de Paris, 2643.83 euros.

Financièrement, ça va beaucoup mieux, le titre est ronflant, mais sans aucune valeur. D’autant plus que j’étais rattaché au service de biophysique (je faisais des épreuves d’effort en médecine nucléaire). Bien entendu, j’étais autant « attaché en biophysique », qu’astronaute. Mais bon, c’était le seul moyen de me payer, le service de cardio n’ayant aucune vacation à fournir.

J’ai déjà parlé de cette période, pas grand-chose à rajouter.

 

Cinquième borne : novembre 2002 : première paye d’Assistant des Hôpitaux (1142.51 euros) et Chef de clinique à la Faculté (1308.31 euros).

Un seul mot là aussi : ENFIN

Que du bonheur, j’ai retrouvé Sally et Guillaume après 5 mois parisiens, et j’ai atteint mon but professionnel (je raconterai un jour la course pour avoir un poste de « CCA »). Je ne visais pas plus haut comme carrière hospitalière.

Deux ans d’aisance financière, et surtout sans aucun soucis métaphysique (le bachelier se demande si il va être étudiant en médecine, l’externe se demande si il sera interne –ou et en quoi-, l’interne se demande si il sera CCA…). A cette époque, pour la première fois, je ne me demandais plus rien depuis bien, bien longtemps.

 

Depuis novembre 2004, je suis multi casquettes : praticien attaché aux Hôpitaux (cardiologie et médecin vasculaire), cardiologue/médecin vasculaire libéral, réanimateur nocturne en chirurgie cardiaque, et médecin rééducateur.

Bref, pour l’instant ça roule.

Pourvu que cela dure.

 

Ce que je tire de cette remémoration ?

Le parcours est long, semé d’embûches, et finalement assez incertain.

L’aisance financière vient finalement assez tardivement (si l’on compte en salaire horaire, on frôle le ridicule), il faut donc avoir les reins assez solides.

Mais, jamais je n’aurais pu faire autre chose.

Ce métier, et ses études font autant parti de moi que mon cœur ou mon foie.

Je ne crois pas en Dieu, mais en mon métier.

16:25 Publié dans Mon passé | Lien permanent | Commentaires (7)

19/08/2005

Je t'aime, moi aussi.

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Deux bonnes notes de Fuligineuse et Philippe m’ont rappelé une petite anecdote personnelle sans aucune prétention.

Sally est originaire de la région d’Aix en Provence, moi de Lyon. Nos accents respectifs nous ont posé beaucoup de problèmes les premiers mois de notre relation. Nous nous faisions tout répéter deux fois, voire plus.

Un soir, nous bouquinions dans le lit.

Elle me dit « Je t’aime »

Le regard humide de tendresse, je lui répond « moi aussi ».

Elle me regarde surprise : « Mais qu’est ce que tu me racontes ? Tu n’a pas de lampe de chevet de ton coté ! »

Le « Je t’aime » était en fait un « J’éteinggg », en français neutre « J’éteins ».

 

Bonne nuit à tous.

La chambre de bonne.

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J’ai écouté, un peu par hasard « Hands Clean » de Alanis Morissette ce dimanche. Elle doit être à court d’inspiration, car son dernier album est une réédition acoustique de «Jagged little pill». Bref, j’ai eu envie d’entendre à nouveau ce morceau (tiré de « Under rug swept »).
Je ne vous referais pas le coup de la « Madeleine » de Proust, que je n’ai jamais lu, mais tout m’est revenu instantanément.
Eté 2002, la chambre de bonne, juste à l’extérieur de Paris intra muros.
Même l’odeur du parquet m’est revenue !
J’ai mis presque 2 semaines pour trouver quelque chose, pas un logement décent, mais un logement tout court.
Pendant ce temps, je prenais des gardes à l’Hôpital (une nuit, payée de surcroît est toujours bonne  à prendre) et des nuits au Kyriad local.
Heureusement pour moi, le service de cardiologie étant ce qu’il est, c'est-à-dire consciencieusement barré des listes du SAMU (pas de coronarographie, quasiment pas d’électrophysiologie, en un mot la zone), je dormais quasiment toute la nuit de garde.
J’avais trouvé cette petite chambre au septième étage sans ascenseur pour mon stage de 5 mois à Paris.
Bien évidemment, la première difficulté est de se loger pour une durée assez courte.
Nous étions trois à attendre l’homme de l’agence de location.
Il y avait un homme d’origine antillaise, et une étudiante a priori non française de souche.
J’ai immédiatement été intimement persuadé que, quelques soient les références et garanties présentées par ces deux, je serais choisi à cause de mon aspect bien « de chez nous ».
Ca n’a pas manqué.
Chronique écoeurante et sans fin de la ségrégation quotidienne.
 
Comment définir ma vie dans ce service ?
« Sieste » serait peut-être le premier mot qui me vient à l’esprit.
Tout le monde faisait la sieste ici, les patients n’étaient sortants que si des entrants programmés prenaient leur place.
Comme ça, pas de place pour les urgences.
Il ne faudrait tout de même pas trop travailler, on ne sait jamais…
Bref, j’ai un peu glandouillé pendant 5 mois tandis que mon fils, né peu avant grandissait sans que je le vois à plusieurs centaines de kilomètres. La période a été difficile pour Sally et moi, mais nous avons courbé l’échine et avons traversé ces 5 mois sans trop de difficultés.
J’ai finalement peu profité de la vie parisienne, quelques musées et restaurants, tant je restais émerveillé de me retrouver au pied de la Tour Eiffel en quelques minutes de métro.
Je garde de cette période une solide amitié, la connaissance de l’étendue du  pouvoir que possèdent les agrégés parisiens, même si la cardiologie n’y est plus à la pointe, et une connaissance très parcellaire de cette ville et de ses habitants.
Certains d’entre eux (n’est-ce pas Steph ?), pensant que le périphérique représente le « Finis Terrae », et que la station Balard est dans le Sud-Ouest profond ;-).

20:45 Publié dans Mon passé | Lien permanent | Commentaires (0)

Mon ami le facho.

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Ce matin, j’ai fait un doppler à un patient d’un de mes associés.

77 ans, une présentation un peu militaire, un accent allemand, tout signait un ancien de la Wehrmacht, devenu légionnaire après guerre.

Nous discutions durant l’examen, nous parlions de la fin de la guerre quand Hitler a envoyé enfants et vieillards combattre les T-34 russes (le « Volksturm »).

Il m’a alors sorti :

« La seule erreur de Hitler a été de s’attaquer aux juifs, ce sont eux qui commandent le Monde, ils possèdent le capitaux ».

J’en suis resté bouche bée.

Je n’ai rien dit, un patient c’est sacré. Point.

 

Cette triste anecdote m’a rappelé un garçon de ma promo de médecine.

Il s’appelait Yvan.

Tout un programme, déjà.

 

Sa silhouette générale évoquait un « 8 », tête ronde et rosée, cheveux ras sur un corps rond. Il était d’origine alsacienne, et entretenait sa petite pointe d’accent comme un étendard.

 

Hiver comme été, blazer bleu marine, pantalon gris, chaussures noires vernies, attaché case noir.

Une petite fleur de Lys au revers, il posait toujours des questions un peu délirantes aux profs. Si la réponse ne lui convenait pas, il adoptait un ton cassant, parfois limite.

 

Il était isolé dans l’amphi, et parlait seulement un peu aux militaires, et à un copain, les extrêmes s’attirent, plutôt anarchiste.

Un quadrimestre, je me retrouve avec lui aux urgences médicales de « Edouard Herriot » (le Grange Blanche du blog).

Je n’étais pas particulièrement ravi de côtoyer un tel personnage, mais un copain m’avait dit qu’il était un peu étrange, mais très sympa (a l'époque, l'immense majorité de mes amis étaient de gauche, voire au delà, maintenant, je me suis un peu embourgeoisé...).

J’ai en effet découvert un garçon plutôt sympathique qui sur-jouait constamment son rôle de facho, mais sans jamais en avoir les actes.

Il se comportait avec tous les patients avec le même respect et la même gentillesse.

A deux, nous abattions un travail bien supérieur à celui des autres groupes de 3 externes (qui ne foutaient strictement rien, il faut bien le dire).

 

Je me souviens de quelques scènes presque « monthypitonesques ».

 

Un midi, au self de l’Hôpital, nous faisons la queue devant les légumes. Une jeune femme devant nous, probablement externe elle aussi, hésite longtemps devant un plat de carottes.

Il passe la tête au dessus de son épaule, et avec un grand sourire, et les yeux écarquillés, lui dit : « Mange ça, c’est bon, ce sont des carottes Vichy ! »

Un soir d’été calme aux urgences, nous avons fait le tour des pavillons de l’Hôpital en voiture, toutes fenêtres ouvertes, avec de la musique militaire à fond.

Son grand plaisir était enfin de chanter à tue-tête des chansons à boire allemandes ou alsaciennes (et parfois aussi des chants encore moins « politiquement corrects ») lorsque nous faisions des grands lavages gastriques aux TS médicamenteuses, en pleine nuit bien évidemment.
« Shuut Yvan, on va t’entendre !! »

Enfin, il m’avait dit un jour, au milieu de ses mirifiques et innombrables récits de conquêtes féminines, que son arrière-grand père était à Reichshoffen, mais probablement pas du même côté que le mien !

C'était dans le début des années 90, et l'extrême droite française jouait encore ponctuellement un rôle d'épouvantail bien supérieur à son poids politique réel. C'était aussi l'époque ou le "politiquement correct" n'avait pas encore étouffé toute expression de pensée.


Pour en revenir à Yvan, un comédien en pleine représentation, mais aussi un bourreau de travail, qui a contribué à rendre ce stage d’été aux urgences médicales tout, sauf ennuyeux.

12:54 Publié dans Mon passé | Lien permanent | Commentaires (0)

18/08/2005

Le mur

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Le pouvoir le plus terrible et le plus sombre du médecin est d’être capable, dans une certaine mesure, de connaître l’avenir du patient qu’il a devant lui.

Terrible, car il donne un ascendant immense sur le patient, pour qui son avenir organique demeure le plus souvent totalement obscurci. Terrible, car aussi, bien souvent, on ne peut pas influencer le destin.

Ce pouvoir peut mener au meilleur, comme au pire.

Cette capacité renvoie à ce que nous étions il y a des millénaires, c'est-à-dire des Chamans.

Nous nous sommes tous trouvés plusieurs fois devant un patient encore bien-portant pour ses proches et lui même, avec dans les mains des examens scellant irrémédiablement son destin.

C’est finalement assez rare, heureusement, car toujours éprouvant pour tout le monde.

Surtout pour le patient en attente de résultats.

Tristan Bernard a dit, lors de son arrestation par la Gestapo : « Nous vivions jusqu'ici dans la crainte. Nous allons vivre dans l'espoir ».

Tel est le patient.

 

Hier, au cours de ma consultation hospitalière hebdomadaire, j’ai eu la vision terrible de ce qu’allait devenir le jeune patient que j’avais devant moi.

Pas une vision chamanique marijuannée, mais plutôt une intime conviction.

Ici, pas de maladie mortelle, mais plutôt un mode de vie délétère trop fréquent.

Agé de 36 ans, maçon, marié à une charmante jeune femme, deux enfants, il présente depuis quelques temps des poussées hypertensives. L’une d’entre elle a provoqué une épistaxis. D’où l’hospitalisation en ORL, puis consultation cardio il y a un mois.

Il est plutôt poupin, assez baraqué et la moue un peu boudeuse. Son aspect le rend sympathique d’emblée : un bon gars honnête et consciencieux.

On discute un peu du métier de maçon, qui est l’un des plus usants pour l’organisme que je connaisse. Beaucoup sont des épaves à 50 ans (mais j’ai probablement une vision hospitalière biaisée).

Je commence l’interrogatoire.

 

« Vous avez de l’hypertension depuis quand ?

- Je ne sais pas, on m’en a trouvé dans le service d’ORL

- Et à la dernière visite de médecine du travail ?

- Normale, je crois, je ne me souviens plus

- Vous fumez ?

- Euh oui, 1 paquet et demi par jour.

- Depuis longtemps je présume

- Depuis l’armée.

- Vous avez des GGT à 80, vous buvez de l’alcool ?

- Oh, comme tout le monde, mais là, ça tombait mal, j’ai fait la fête tout le week-end, j’étais chez des copains.

- Ca vous arrive souvent ?

- Assez, mais là, c’est mal tombé….

Sa femme intervient

- Ne dis pas ça Philippe, avec toi, ça tombe toujours mal. Je trouve que tu bois beaucoup tous les week-ends.

- Non, pas tant que ça, comme les copains.

- Quelle quantité d’alcool ?

- Oh, 3-4 pastis par repas.

- Quand même…

- Mais je ne bois rien la semaine.

- Mais, a priori, c’est déjà trop pour votre foie, les transaminases sont aussi un peu élevées.

- C’est mal tombé….

- Il faudra aussi limiter un peu le sel, pour faire baisser la tension artérielle. Vous mangez comment ?

- Normalement

- Cacahouètes, pizzas, vous resalez les aliments ?

- Oui, je mange beaucoup de cacahouètes…

- Vous allez me dire que ça tombe mal aussi ?

- Il s’esclaffe.

- Bon, ce n’est pas très brillant tout ça…

- On a beaucoup de problèmes financiers actuellement, mais j’arrête de fumer à la fin de l’année, et je vais diminuer l’alcool et les cacahouètes… »

Je l’ai donc revu hier. Les GGT sont à 220, il fume toujours, et son holter tensionnel n’est pas brillant. Il sourit toujours, et sa femme est un peu mal à l’aise.

Je lui commence un traitement anti HTA .

Il n’a que 36 ans, et devra probablement prendre ce comprimé à vie, mais bien d’autres vont se rajouter avec je temps, j’en suis sûr.

Se rend-t-elle compte que son mari tourne mal ?

Je le pense, et j’ai l’intime conviction que ce jeune homme va dans le mur à toute vitesse.

Ni elle ni moi ne pourrons rien y faire, et nous le savons tous les deux