Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« 2006-05 | Page d'accueil | 2006-07 »

02/06/2006

Un problème de poids (1).

Depuis une semaine, je voulais écrire une note sur un médicament qui devrait prochainement être commercialisé en France.

 

Depuis une semaine, l’idée me trotte dans la tête à mes heures perdues ; j’ai même commencé à réunir une petite base documentaire.

 

Prescrire est arrivé dans ma boite hier, et miracle, tout un article est dédié à mon sujet.

J’ai fait la synthèse de tout, et je vais essayer d’être clair.

 

Le sujet de cet article est centré sur le rimonabant, ou Acomplia, médicament bientôt commercialisé par Aventis-Synthelabo.

En vous racontant ce que j’ai perçu du lancement de cette molécule, je voulais vous montrer comment on vend des pilules en 2006.

Il y a un an environ, on me propose de participer à une soirée marketing. En gros, on réunit 6-12 médecins dans une pièce (cardiologues dans ce cas), et on analyse leur réaction devant plusieurs plans marketings plus ou moins avancés. On ne connaît ni le nom de la molécule, ni qui finance la soirée. La soirée est bien entendue rémunérée (150 euros).

 

Ce soir là, nous est présentée une molécule qui a comme propriétés de faire diminuer le poids, le périmètre abdominal, la quantité de graisse viscérale, et l’améliorer une partie du bilan lipidique (HDL et triglycérides) et glucidique (amélioration de l’Hb A1c). Par ailleurs, ce médicament semble aider au sevrage tabagique, et fait diminuer la tension artérielle de quelques points.

 

Nous n’étions pas vraiment enthousiasmés par cette molécule, c’est le moins que l’on puisse dire. En effet, dans l’évaluation de l’efficacité d’un médicament, nous nous intéressons en premier à ce que l’on appelle des « critères durs ». Ces critères sont simples : mortalité et morbidité cardio-vasculaire (infarctus, AVC…).

Autrement, si un médicament ne diminue pas la mortalité ou la morbidité, il a peu de chance d’enthousiasmer un cardiologue. Le problème est qu’aucune étude n’avait été faite sur ces fameux critères durs.

Nous n’avions à notre disposition que des critères intermédiaires ou « mous ».

Un critère intermédiaire est un facteur de risque de mortalité ou de morbidité.

Vous allez me dire que c’est pareil : un médicament qui diminue un facteur de risque va nécessairement diminuer la morbi-mortalité cardio-vasculaire.

C’est faux, car la Vie ne se laisse pas facilement modéliser par des axiomes aussi simplistes.

 

L’exemple le plus frappant en cardiologie est l’étude CAST (N Engl J Med. 1991 Mar 21;324(12):781-8.).

Pour résumer : en post infarctus du myocarde (en aigu), les patients font des troubles du rythme ventriculaire. Les troubles du rythme ventriculaire sont un facteur de risque de mortalité.

La flécaine est un antiarythmique, c'est-à-dire qu’elle diminue le risque de troubles du rythme ventriculaire.

Les cardiologues de l’époque ont vite monté l’axiome suivant :

La flécaine diminue le risque de troubles du rythme (critère mou), donc elle va diminuer la mortalité (critère dur) dans l’infarctus.

Ca parait logique, mais en fait l’étude CAST a montré le contraire : la flécaine augmente la mortalité en post-infarctus !

 

D’où la nécessité de se méfier de tout discours (en cardio, ou dans d’autres spécialités) du genre : le traitement améliore A, et comme A est un facteur de risque de B, le traitement améliore B.

 

Ecoutez donc les visiteurs médicaux: ils utilisent ce genre d’axiome pour vanter des médicaments qui n’ont pas fait leur preuve sur des critères durs.

 

Revenons au début de l’histoire.

On nous a aussi demandé si le mécanisme d’action, totalement novateur nous attirait : on a répondu que non, l’important étant l’efficacité.

Que pensions-nous de l’aide au sevrage tabagique  ? Rien, pas assez de preuve.

 

Puis, petit à petit, au cours des mois qui ont suivi, nous avons été littéralement bombardés d’articles sur l’importance de la graisse viscérale et du syndrome métabolique dans le risque cardio-vasculaire. Ces articles sont publiés dans des revues auxquelles vous êtes le plus souvent abonnés gratuitement : Cardiologie Pratique, Cardinale, Impact médecine…. Ces revues mensuelles regroupent des articles résumant des conduites à tenir, ou de grands thèmes. On y trouve énormément de publicité, et pas besoin d’être médium pour savoir qui les finance.

Donc, durant des mois, on nous explique doctement que le syndrome métabolique est fondamental. Bon, en tant que cardiologue de base, je n’en avais pas vraiment conscience. Ce qui me rassure, c’est que certains diabétologues, non plus (ici et ici).

Mais, comme on nous le dit, ça doit être vrai !

 

Qu’est ce que le syndrome métabolique ?

C’est une association (variable au cours des années, et en fonction des recommandations) de plusieurs éléments : tour de taille élevé, triglycérides hauts, HDL cholestérol bas, HTA, glycémies élevées (critères AHA/NHLBI 2005).

Quel hasard stupéfiant, tout de même !

Le syndrome dont on m’avait à peine parlé durant mes années de médecine, et dont on vante tant l’importance absolument fondamentale depuis quelques mois dans des revues pseudo scientifiques est justement l’ensemble des éléments que corrige le rimonabant.

Incroyable.

...

Suite à la prochaine note.