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21/12/2006

Qui sauve une vie…

medium_ange.gif...sauve le Monde.

 

Encore une fois, la preuve que le net est à notre image, il apporte aussi bien le meilleur que le pire.

 

Je vais vous conter une petite histoire pour illustrer ce fait (c’est l’époque !).

 

Le 17 décembre, je tombe sur une note de Zeclarr qui raconte l’arrivée aux urgences d’un jeune toxicomane qui a fait une « TS » avec un cocktail impressionnant. Le premier commentateur s’interroge sur le sens de l’avoir sauvé, le second lui répond en citant la phrase suivante : « Qui sauve une vie sauve le monde ».

Je trouve que cette phrase magnifique est la quintessence même du métier de médecin et je rajoute mon grain de sel.

 

Je me souvenais vaguement que c’était une citation tirée de la « Liste de Schindler ».

Je me suis dit « Tiens, cette phrase a une consonance vaguement hébraïque ». Notamment car il me semble y avoir reconnu cet humanisme immense, concentré dans une forme épurée qui caractérise assez souvent les textes anciens.

 

J’ai quelques fois pensé à cette phrase durant la semaine, en me promettant d’en chercher l’origine dès que j’en aurai le temps.

 

Hier au soir, je voyais les entrées de la clinique.

Le médecin généraliste d’un patient très âgé (90-95 ans), mais encore vert demande à me voir.

Le patient et le médecin sont juifs d’origine tunisienne et parents.

On discute.

Le médecin (c’est une femme de 45-50 ans) est préoccupée car elle trouve que son patient a pas mal « baissé » ces derniers temps, ce que je confirme.

Elle insiste beaucoup pour le transfuser parce qu’il a une hémoglobine un peu basse, à 90-95 g/l.

Je ne suis pas pour, et je lui explique pourquoi.

Finalement, comme la conversation se poursuit, je me rends compte qu’elle craint surtout qu’on ne s’occupe pas de lui du fait de son âge. Elle me raconte qu’il y a quelques années, une interne a jugé sa tante « trop âgée » pour appeler un neurologue à son chevet, et elle en avait été mortifiée.

Je lui glisse alors, comme ça, naturellement : « Qui sauve une vie, sauve le Monde ».

Ses yeux se sont éclairés, son visage grave s’est ouvert. J’ai vraiment eu l’impression d’avoir cité LA phrase qu’il fallait au bon moment et que cette phrase faisait sens pour elle ; encore plus que pour moi. « C’est exactement ça », m’a-t-elle dit, le regard un peu rêveur. Je l’ai conduite auprès du patient ensuite.

 

Bon, j’ai failli lui dire que j’avais redécouvert cette phrase sur un blog il y à quelques jours, et que je n’avais aucune idée d’où elle était tirée. Mais le moment était tellement « parfait », et pour une fois que je dis quelque chose de censé au bon moment, je ne lui ai pas dévoilé « l’imposture ».

 

Après cela, j’ai sauté sur le premier ordinateur venu pour chercher son origine.

Je me suis dit qu’avec Google et Wikipedia, j’en aurai fini en quelques secondes.

 

Et bien, grosse erreur, j’ai pas mal bataillé pour obtenir ce que je voulais. J’ai dû taper plusieurs mots clefs, en français puis en anglais pour obtenir la citation voulue.

 

Surtout, je suis tombé sur un texte révisionniste anglo-saxon, repris par de nombreux sites qui accusait Spielberg de « révisionnisme » (c’est assez surréaliste) pour avoir trafiqué la citation exacte du Talmud.

La phrase est donc d’origine talmudique, mais il existe plusieurs variantes en fonction des versions. L’auteur anglo-saxon (Australien, je crois) citait la version la plus restrictive (celle ou l’on parle d’une « vie juive ») pour accuser les juifs d’élitisme, voire de racisme.

Ou comment partir d’une phrase magnifique, et la transformer en instrument de haine.

Je suis aussi tombé sur quelques sites qui réfutaient cette thèse point par point en y opposant des citations de textes anciens (ici).

 

Voici donc (en anglais) les deux versions et les références trouvées sur « Wikiquote » :

 

Whoever destroys a soul, it is considered as if he destroyed an entire world. And whoever saves a life, it is considered as if he saved an entire world.

Jerusalem Talmud, Sanhedrin 4:1 (22a)

 

Variant: A translation of a similar passage in The Babylonian Talmud reads in a way that does not necessarily have so universal an interpretation: Whoever destroys a soul from Israel, the Scripture considers it as if he destroyed an entire world. And whoever saves a life from Israel, the Scripture considers it as if he saved an entire world.

(Babylonian Talmud, Sanhedrin 37a)

 

Autre éclairage de cette "affaire" ici.

 

 

 

Edition 14h00: amélioration de la forme, ajout de liens. 

 

 

 

11:15 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (7)

19/12/2006

Histoires de chasse.

medium_chasse.jpgJe viens d’avoir une idée post-garde (pas forcément les meilleures, mais bon…).

 

Pourquoi ne pas mettre en commun nos « histoires de chasse », et ainsi recréer sur cet espace une sorte de salle de garde virtuelle (après le café, bien entendu !) ?

 

Médecins ou paramédicaux, blogueurs ou non, envoyez moi (à l’adresse en haut et à gauche) vos « histoires de chasse ».

Je les publierai ici.

N’hésitez pas à préciser votre CV (non obligatoire), la date (même approximative) et les circonstances. Pour les blogueurs, l’adresse de votre blog.

En fonction du nombre d’envois, je ferai une semaine (« à la Ron » TM), une journée, ou une demi-journée spéciale « Histoire de chasse ».

 

A vos claviers !

10:01 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (1)

18/12/2006

Souvenirs, souvenirs.

medium_sous_cutanees.jpgJe suis de garde ce soir et tout est calme. Cerise sur le gâteau, j’ai retrouvé celui qui a été mon PH pendant 2 ans. Nous avons bien sûr évoqué nos histoires de chasse. Je m’en suis souvenu d’une.

Mon premier choix d’interne, première semaine.

 Je suis aux soins intensifs cardiologiques d’un CHU. « J’hérite » d’un patient connu comme le loup blanc dans le service. C’est un SDF, avec une cardiopathie ischémique sévère. Il a déjà fait X décompensations cardiaques. Il est connu car il déambule nonchalamment dans les couloirs du service en traînant derrière lui sa sonde urinaire et une odeur acre de tabac froid et de crasse. Là, c’est un peu différent, il s’est présenté avec un emphysème sous cutané gigantesque, diffusé sur l’ensemble du tronc. Pour donner une idée, il ressemble à Bibendum. Un peu livré à moi-même, je vais demander un avis au Chef de service de pneumologie, deux étages en dessous. Très intimidé, je rentre dans son bureau et je lui raconte l’histoire. Il me regarde, silencieux puis me dit : « Tu devrais prendre une aiguille à sous-cutanées (les oranges) et lui crever toutes ses bulles ».

Fin de l’entretien.

 

De retour dans mon service, un chef qui passait par là s’est moqué de moi. Il semble, que sans le savoir, j’étais allé demander conseil au pire pneumologue du CHU. Le patient est mort peu après. Avec le temps, je pense qu'il était largement au delà de toute ressource thérapeutique, mais la réponse est restée gravée dans mon esprit.

23:25 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (5)