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01/07/2007
Langue de bois.
J’ai retrouvé un classique générateur automatique de discours sous forme de tableau (c’était bien avant internet, les scripts ou autres applets). Le mode d'emploi est simple: il suffit de prendre un bout de phrase dans chaque colonne successive et de recommencer ad libitum avec d'autres.
Ca m’a fait quand même rire, d’autant plus que je viens de passer une partie de l’après-midi à rédiger une grille EPP pour la référence 42.
Les initiés sauront de quoi je parle, les autres doivent s’estimer heureux de ne pas le savoir.
Retrouvé ici, grâce à ce site.
Et pour la bonne bouche, c'est ici.
17:20 Publié dans ma vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (0)
30/06/2007
Le maçon et le bord de la piscine.
Journée chez des amis au bord de la piscine.
Toujours le même groupe d’amis, plus proches de ma femme que de moi, car ce sont nos enfants qui nous ont fait connaître à la sortie de maternelle.
Un couple de fonctionnaire (les hôtes) et un couple dont le mari est maçon et kabyle.
Ce maçon s’est bâti une situation à la force des poignets, en travaillant nuit et jour. Il aime étaler sa réussite : grosse voiture, belle maison, grande piscine, et nombreux arbres de plusieurs mètres de haut achetés à prix d’or chez le pépiniériste du coin (« pas envie d’attendre que ça pousse ! »). Il achète tout ce qu’il y a de plus cher, et nous le fait savoir.
Il a des idées bien arrêtées, et sans nuance. Un peu comme le sanglier qu’il aime chasser, il fonce sans discernement au travers de l’épaisseur de la vie.
Son principal problème est qu’il se fait fréquemment arrêter au volant de sa grosse voiture, car les pandores trouvent suspect qu’un « arabe » puisse se payer ce monstre. Ca l’énerve, d’autant plus qu’il déteste les arabes (je vous rappelle qu’il est kabyle).
Malgré sa grande gueule, il est attachant et le cœur sur la main.
Et j’aime bien quand il raconte avec force mimiques et moulinets des mains comment il a tancé le flic qui l’a interpellé dernièrement.
«Je lui ai dit, tu vois, une voiture comme ça, de toute ta vie, tu ne pourras pas te la payer, car toi, tu n’as pas des ampoules aux mains comme moi, mais aux lèvres, avec ton sifflet ».
Vous voyez le genre.
Il est fier de s’être fait lui-même, sans avoir étudié : « j’achète des journaux tous les matins, et je balance tout, sauf les pages sport ».
Cette après-midi, il a eu une parole « malheureuse ».
Il s’indignait que des dealers de banlieue puissent frimer en BMW.
« Toi tu es médecin, tu as fais des études, tu gagne le smic et tu es locataire, et tu vois un jeune passer devant chez toi en BMW, ça te fait rien ? »
Miroir intéressant.
Ma maison est en effet petite et un peu pouilleuse par rapport à la sienne (du type de celle que pourrait avoir un smicard, dans son esprit), et je suis locataire.
Bon, c’est un choix.
Je préfère voir ma famille et avoir du temps à moi que me tuer au travail, et je sais que je ne mourrai jamais de faim.
Mais le fait que cette remarque m’ait dérangé montre bien que je n’assume pas entièrement ce choix. Confort de vie ou course au chiffre ? « Lauriers de cendres » ou petite vie modeste ?
Choix qui reste cornélien.
Il est en est à un stade ou la possession fait l’homme et où il bosse comme un fou pour bâtir. Et moi, ou en suis-je ? Je suis fils unique d’une famille aisée (qui a bossé comme lui bosse maintenant), et je peux me permettre de ne pas travailler comme un fou, et j’en profite.
Mais je me demande aussi si je ne suis pas le «Buddenbrook » à partir tout va s’écrouler. « Les Buddenbrook », c’est un livre qui m’a glacé quand j’étais adolescent. Maintenant, je comprends que ce n’était qu’une anticipation de mes craintes actuelles.
Je n’ai pas osé lui dire que je gagnais un multiple du smic, de toute façon, cela aurait été moins que lui, et il n’aurait pas compris que je ne le montre pas plus.
Car il y a aussi cela dans sa remarque.
Je me montre, donc je suis. Si je ne me montre pas, je ne suis rien.
Comment lui expliquer que la richesse de la vie, c’est aussi autre chose que la « caillasse », comme il dit.
Sa réussite ne m’éblouit pas, elle ne me rend pas jaloux non plus. Il a réussi à la force du poignet et il la mérite.
Disons que son côté « m’as-tu vu » énerve un peu ma personnalité lyonnaise psychorigide.
Mais surtout, comme tous ceux qui foncent sans réfléchir et sans avoir de culture (mon grand-père était exactement comme lui), il fait s’interroger ceux, qui comme moi pèsent et balancent tout consciencieusement à l’aune de ce qu’ils savent.
N’auraient-ils pas raison, eux ?
Je pense que c’est là justement que ce trouve le véritable sens du « Beati pauperes spiritu » (« Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux! ». Traduction Louis Segond. Doudou va encore dire que je suis un horrible parpaillot !).
Vous voyez, ça ne me profite pas, les après-midi avec les amis au bord de la piscine. Elles me poussent à l’introspection (et sur ce blog, qui plus est) !
Et le pire, c’est que la prochaine fois, c’est lui qui invite dans sa maison hollywoodienne. Il va falloir que je cultive mon stoïcisme avant d’y aller.
Et devinez quoi, le pire de tout c’est que j’ai honte de tous les inviter chez moi.
20:08 Publié dans ma vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (19)
29/06/2007
Devedjian, carton rouge (2).
Ca y est !
Il se souvient de l’avoir dit et le regrette, c’est donc bien un Gilles de la Tourette. Dans lemonde.fr de ce matin:
« Le secrétaire général délégué de l'UMP a adressé un communiqué, jeudi soir, pour regretter "son interjection déplacée". Patrick Devedjian "renouvelle toute son estime et son amitié" à l'ancienne députée UDF du Rhône. »
En gros ça donne ceci :
"Salope. Je n’ai jamais dit ça. Je regrette mon interjection déplacée et je renouvelle toute mon estime et mon amitié à Anne-Marie Comparini."
C’est pathognomonique, non ?
Vite, un traitement, avant qu'il ne dise des horreurs sur Nicolas!
LEMONDE.FR | 28.06.07
07:55 Publié dans Télévision | Lien permanent | Commentaires (0)
28/06/2007
Devedjian, carton rouge.
Très très grande classe, Devedjian...
Il a déjà trouvé une ligne de défense originale: il "ne se souvient pas d'avoir dit ça". Le Dr House pense à une maladie de Gilles de la Tourette et vous?
Découvert via LCI.fr (images de TLM, la télévision lyonnaise, cocorico !).
22:40 Publié dans Télévision | Lien permanent | Commentaires (5)
Humains 1- Dracunculose 0
La dracunculose (du latin « Dracunculus », petit dragon) est une maladie vieille comme le Monde, mais assez peu connue en Europe, à l’exception notable des étudiants en médecine et des baroudeurs africanophiles.
Car bien sûr, ce fléau ne peut frapper que ce continent, qui semble avoir été créé dès l’origine pour que ses habitants servent de boite de Pétri ou de garde-manger à une foule de bébêtes plus ou moins répugnantes.
Pourquoi enseigne–t-on en fac le cycle parasitaire de la dracunculose, qui ne touche finalement qu’une zone géographique assez peu étendue (Ghana, Soudan et Nigeria pour la plupart des cas, 9 pays en tout) ?
Encore un grand mystère de la nature.
Avez-vous déjà vu une dracunculose à votre cabinet ou aux urgences ?
Zeclarr ? Guillaume ? Mélie ? Shayalone ? (en psychiatrie, ça doit être encore plus rare), les autres ?
Pourtant, pendant mes années de fac, j’ai eu une heure de cours sur les helminthiases (dont fait partie la dracunculose) et une heure sur le traitement de la douleur.
Allez savoir pourquoi.
Cette charmante bestiole qui peut atteindre 60-100 de long et 2 mm de diamètre se reproduit de manière assez originale selon le cycle parasitaire ci-dessous.
J’ai trouvé un film belge sur ce site, qui explique bien le problème, âmes sensibles, ne cliquez pas sur ce lien !
(Beuuahhhhrrggg : Je vous avais pourtant prévenus !)
Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais la sortie du ver s’accompagne de douleurs et de brûlures comparables à un coup de poignard. Le malade va donc naturellement se baigner afin d’apaiser les douleurs, c’est alors que le ver femelle va en profiter pour libérer ses larves dans l’eau du seul point d’eau du village et pouvoir réinfester l’ensemble des villageois.
Comme quoi, ces bestioles ne sont pas si dénuées d’intelligence que cela.
Cette parasitose, outre le fait qu’elle est très douloureuse, est une porte d’entrée idéale pour les bactéries et le tétanos.
Les malades malchanceux pouvaient donc terminer gangréneux ou en opisthotonos, au choix.
Heureusement, des hommes de bonne volonté ont décidé dès les années 80 qu’il fallait enrayer cette maladie.
Le cycle possède en effet un « maillon faible », celui du petit crustacé (le cyclope) qui peut être filtré. Par ailleurs, sa faible répartition géographique permettait une éducation efficace (utilisation des filtres, exclusions des malades des points d’eau, mesures d’hygiène).
L’OMS, rejointe en 1986 par la fondation Carter (l’ancien président des EU), puis par d’autres philanthropes (dont les époux Gates) a mis en place un programme complet d’éradication.
A partir de 1986, c’est la fondation Carter qui a centralisé les dons et qui a œuvré sur place.
L’article raconte d’ailleurs une anecdote qui montre que les grands desseins tiennent souvent à peu de chose.
Jimmy Carter déjeunait avec Edgar Bronfman (la société Seagram) en 1989 et il lui racontait qu’il fallait filtrer les crustacés. Jimmy dut être convainquant, car Edgar demanda par la suite aux ingénieurs de DuPont de Nemours (dont il est un gros actionnaire) de plancher et fabriquer en grande série des filtres adaptés.
Et voilà : du cognac, des cahouètes, et on sauve des milliers de vies à l’autre bout du globe.
En 1986, 3.5 millions de personnes souffraient de cette maladie, ils n’étaient plus que 25217 en 2006, et on en espère 0 en 2008-2009. Cette campagne de 20 ans n’a coûté « que » 225 millions de dollars.
Un grand succès donc, pour l’Humanité (pas le journal, quoique à bien y regarder, la courbe de ses lecteurs soit parallèle à celle des malades atteints de dracunculose) et pour les gens de bonne volonté qui s’acharnent à lutter tous les jours contre des maladies qui ne sont des fatalités éternelles que pour ceux qui ne font rien.
Et enfin, j’ai retrouvé la texte biblique qui parle de la dracunculose, et dont tous les articles traitant du sujet citent la référence en exergue (parfois avec des erreurs...) pour faire cultivé et respectable :
Nombres 21 :1-9 (version Louis Segond 1910)
1 Le roi d'Arad, Cananéen, qui habitait le midi, apprit qu'Israël venait par le chemin d'Atharim. Il combattit Israël, et emmena des prisonniers.
2 Alors Israël fit un voeu à l'Éternel, et dit: Si tu livres ce peuple entre mes mains, je dévouerai ses villes par interdit.
3 L'Éternel entendit la voix d'Israël, et livra les Cananéens. On les dévoua par interdit, eux et leurs villes; et l'on nomma ce lieu Horma.
4 Ils partirent de la montagne de Hor par le chemin de la mer Rouge, pour contourner le pays d'Édom. Le peuple s'impatienta en route,
5 et parla contre Dieu et contre Moïse: Pourquoi nous avez-vous fait monter hors d'Égypte, pour que nous mourions dans le désert? car il n'y a point de pain, et il n'y a point d'eau, et notre âme est dégoûtée de cette misérable nourriture.
6 Alors l'Éternel envoya contre le peuple des serpents brûlants; ils mordirent le peuple, et il mourut beaucoup de gens en Israël.
7 Le peuple vint à Moïse, et dit: Nous avons péché, car nous avons parlé contre l'Éternel et contre toi. Prie l'Éternel, afin qu'il éloigne de nous ces serpents. Moïse pria pour le peuple.
8 L'Éternel dit à Moïse: Fais-toi un serpent brûlant, et place-le sur une perche; quiconque aura été mordu, et le regardera, conservera la vie.
9 Moïse fit un serpent d'airain, et le plaça sur une perche; et quiconque avait été mordu par un serpent, et regardait le serpent d'airain, conservait la vie.
Les « serpents brûlants », c’est en effet une description assez saisissante du parasite.
Au-delà du côté poétique, ce passage biblique est encore une preuve que Dieu n’existe pas.
Si Il existait, Il aurait envoyé Jimmy Carter aider les Hébreux en plein désert au lieu de leur faire fabriquer des parasites répugnants en bronze.
22:30 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (7)
Sherlock Holmes.
Ce que je préfère dans ce métier, c’est sortir des sentiers battus. L’hypertension à 141/91, l’angine de poitrine stable depuis 20 ans, la précordialgie atypique chez la minette de 19 ans et les palpitations chez les couples au chômage et en instance de divorce sont certes intéressants, mais ça fait du bien de voir autre chose parfois.
J'aime beaucoup me confronter à des histoires un peu différentes, et qui sont autant de petites « énigmes » médicales.
Le plus intéressant est d’écouter un patient et d’essayer de deviner ce qui ne va pas chez lui.
Petit exemple ce matin.
Homme de 38 ans adressé par son généraliste pour un bilan de précordialgies.
Tabagisme à 1 paquet par jour, et un peu de cholestérol.
Les douleurs sont très atypiques et m’évoquent rien de coronarien.
A l’examen, rien, tension à 145/80 bras droit et 130/80 bras gauche.
Puis, il me raconte qu’il est tombé lourdement en moto sur le côté gauche il y a 8 mois. Il a fait un malaise vagal 15 jours plus tard et ses douleurs reviennent régulièrement depuis lors. Il a fait de petits malaises, étiquetés « crises d’angoisse ». Mais il n’a pas l’air angoissé du tout.
Je lui dis alors que je lui prescrirai un scanner thoracique pour vérifier l’absence de lésion thoracique post traumatique (genre anévrysme ou faux anévrysme de l’aorte thoracique…).
A l’époque, on lui avait fait un grill costal qui n’avait rien montré.
Je l’allonge pour lui faire l’échographie, et je trouve une rupture d’un des cordages de la petite valve mitrale.
Ce n’est pas très banal pour cet âge, surtout en dehors de tout contexte d’endocardite ancienne ou récente. Ses valves et ses cordages sont normaux par ailleurs, je ne retrouve aucun remaniement myxoïde. Il a de la chance, sa valve mitrale est parfaitement continente, malgré la perte d’un cordage.
Je pense donc qu’il l’a rompu à l’occasion du traumatisme thoracique.
En tout cas, c’est un argument supplémentaire pour lui faire passer un scanner thoracique…
Je vous donnerai le résultat.
A suivre.
13:15 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (3)
27/06/2007
On parlait de quoi ?
De vous, Docteur !
Un article du NY Times m’a fait découvrir une étude originale publiée dans « The Archives Of Internal Medicine » le 25 juin dernier :
Physician Self-disclosure in Primary Care Visits. Enough About You, What About Me? Susan H. McDaniel, PhD; Howard B. Beckman, MD; Diane S. Morse, MD; Jordan Silberman, MAPP; David B. Seaburn, PhD; Ronald M. Epstein, MD. Arch Intern Med. 2007;167:1321-1326.
Malheureusement, je n’ai pas accès à ce journal en texte complet (d’ailleurs, si quelqu’un pouvait me l’envoyer sur mon mail, je lui serais très reconnaissant…), je n’ai donc pu lire que le résumé.
L’étude s’est intéressée à ce que nous dévoilons de notre vie professionnelle ou privée aux patients au cours d’une consultation.
Nous le faisons (presque) tous, car, comme le soulignent les auteurs, nous raconter nous donne l’impression d’améliorer la qualité de notre relation au patient en la rendant plus humaine, plus conviviale…
Mais peut-être, le faisons nous aussi et surtout pour flatter notre ego ?
Ce mode de communication médical est-il utile au patient, et est-il fréquent ?
C’est ce que les auteurs ont cherché à mettre en évidence.
38 consultations sur 113 (effectuées par 100 généralistes) ont été le réceptacle de 73 « confidences » de médecins sur leur vie personnelle.
14% confidences ont servi de réponse aux questions des patients.
60% ont suivi la description par le patient de symptômes, ou de sentiments ou de leur famille.
40% n’avaient aucun rapport avec ce qui précédait (« unrelated »).
A seulement 29 reprises (21% des cas), le médecin est revenu à ce préoccupait son patient avant qu’il n’ait digressé sur sa propre vie.
85% des confidences étaient jugées « inutiles » par les auteurs de l’article.
Enfin, 11% des confidences étaient franchement hors contexte (« disruptive ») avec la conversation qui précédait.
Dans l’article du NYT, un des auteurs, le Dr Beckman se dit étonné par les résultats mais voit les choses avec humour :
“We found that the longer the disclosures went on, the less functional they were,” Dr. Beckman said. “Then the patient ends up having to take care of the doctor and then the question is who should be paying whom.”
Ca me rappelle mon pire cas de « Physician Self-disclosure » quand j’étais CCA : un patient enseignant avec qui je discutais bouquins 15 minutes et de lui moins de 3 minutes. Nous nous échangions des bons titres et juste avant de partir je lui lançais « Et au fait, comment ça va ? ».
Même à l’époque, bien avant d’avoir lu ce résumé, j’avais honte et me promettais chaque fois de ne plus le refaire, en vain.
19:45 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (7)