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13/01/2008

Brioche maison

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La recette est ici (j’en avais déjà parlé ).

 

Kenya (2)

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 (Wikipedia Commons)

 

 

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(Wikipedia Commons) 

 

 

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(Christophe Calais for The New York Times)

 

Kenya Kikuyus, Long Dominant, Are Now Routed

By Jeffrey Gettleman

The New York Times

Published: January 7, 2008

 

12/01/2008

Symbiose.

Tout d’abord le décor :

 

Imaginons l’atmosphère qui vibre sous une chaleur écrasante, des routes chaotiques de terre rouge qui font bondir parfois la Land Rover, des tornades de poussière (les dust devils), des étendues immenses d’herbe rase et jaune parsemées d’acacias.

Nous sommes en Afrique, au milieu de la savane.

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Ensuite les protagonistes :

 

Il y en a trois.

L’acacia siffleur (acacia drepanolobium) n’est pas l’arbre le plus emblématique de la savane africaine, contrairement à son cousin, le majestueux acacia parasol (acacia tortilis), ni le plus étrange comparé à l’arbre à saucisses (kigelia africana).

Il est petit, et à première vue n’attire pas l’œil plus qu’un simple buisson.

D’autant plus qu’il est hérissé d’épines effilées de plusieurs centimètres de long, dont la base est souvent renflée.

Pourquoi « acacia siffleur » ?

Quand l’arbre meurt et se dessèche, le vent pénètre dans ces renflements vidés et fait littéralement siffler l’arbre.

 

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C’est le second protagoniste, une petite fourmi (en fait, il y a 4 espèces, toutes des genres Crematogaster et Tetraponera) qui vivent dans ces renflements que l’acacia leur alloue généreusement (on va voir que ce n’est pas tout à fait vrai…). Les scientifiques ont d’ailleurs appelé ces renflements « domatia », du latin domus, maison.

Ces fourmis détestent une chose, que l’on touche à leur arbre !

Elles vont attaquer tout ce qui bouge : autres insectes, et grands mammifères. Le combat entre une fourmi et une girafe ou un éléphant peut paraître à première vue un peu déséquilibré, mais les fourmis sont des milliers et elles ont des arguments cuisants.

Le troisième protagoniste est en fait un grand herbivore, au choix : éléphant, antilope ou girafe (qui raffole justement des feuilles d’acacias).

 

Enfin, l’histoire:

 

Elle est complexe, cruelle, et évolue en fonction des intérêts et des alliances nouées entre chaque protagoniste. On ne sait jamais qui est le dupe. Ce scénario, dont les ramifications restent encore largement dans l’ombre fait passer « Le Seigneur des Anneaux » pour une bluette simpliste.

Jusqu’à hier (vous voyez, l’histoire bouge tout le temps…), les choses étaient relativement simples.

L’acacia assure le gîte et le couvert aux fourmis en sécrétant un nectar nourrissant, et en leur permettant donc de loger dans ses domatia.

La fourmi défend l’arbre contre toutes les agressions, au besoin en éradiquant méthodiquement les 3 autres espèces de fourmis pour avoir leur arbre à elles seules. Chaque acacia siffleur abrite en fait un mini-génocide de fourmis.

Qui plus est, pour ne pas avoir de concurrence, les fourmis vont tailler l’acacia et notamment tous les rameaux horizontaux afin que l’arbre pousse droit. Pourquoi ? Pour éviter toute invasion venant d’autres arbres au contact de branches de « leur » acacia. Je vous avais dit qu’elles étaient possessives.

Autre intérêt pour la fourmi, cette taille va fortifier les rameaux restants et augmenter la production de nectar. A la votre !

Il semble même que l’acacia, pour protéger ses bourgeons et donc pouvoir se reproduire un minimum doive sécréter des substances répulsives afin de tenir à distance ses irascibles fourmis.

La symbiose gentillette se transforme donc déjà en relation sado-maso, du genre « taille moi ! taille moi !/je te repousse ». On peut même entrevoir un peu de Freud dans la castration assumée de l’acacia.

Le dindon de la farce semble donc être l’herbivore, qui pour manger quelques feuilles doit éviter les épines de l’acacia et la furie de ses petites invitées.

Mais si l’herbivore disparaît, que se passe t’il ?

C’est donc hier qu’une équipe américano-canadienne a publié la réponse à cette question brûlante dans Science.

Ils ont empêché l’accès d’un groupe d’acacias à tous les herbivores de plus de 15 Kgs depuis 1995 (12 ans avant de pouvoir écrire ce papier !).

Ils ont pris comme témoins des acacias accessibles à l’ensemble de la faune.

Les résultats sont étonnants.

Les acacias protégés des herbivores « récompensent » bien moins leurs fourmis, sauf l’espèce qui taille le plus leur arbre (je ne suis pas rentré dans les détails, mais les 4 espèces de fourmis ont des habitudes très différentes : certaines sont plus agressives, d’autres sont meilleures jardinières, ou sont moins dépendantes du nectar, ou des domitia des acacias).

Conséquence : une diminution, voire une disparition totale de certaines colonies de fourmis, et parfois leur remplacement par une colonie d’une autre espèce.

De manière presque logique, c’est l’espèce la plus agressive qui pâtit le plus de l’absence d’herbivores.

 

Ces modifications, ainsi que d’autres plus subtiles (que je passerai sous silence, car l’article, bien que court est très touffu) conduisent à une diminution de la croissance annuelle des acacias, et le doublement de leur mortalité.

Par exemple, certaines fourmis favorisent dans ces conditions l’attaque de l’arbre par des insectes xylophages ! Dans d’autres cas, sans aller jusqu'à cet acte de trahison, la disparition des fourmis conduit au déferlement de ces derniers qui attaquent l’arbre, et finissent par le tuer.

 

Si l'on résume:les herbivores broutent des acacias, qui développent une relation de défense symbiotique avec des colonies de fourmis. Mais leur action, loin de nuire aux arbres, leur permet de rester en bonne santé, notamment grâce à ces mêmes fourmis.

Lorsque les herbivores disparaissent, les arbres nourrissent moins leurs colonies, qui finissent par s’en aller, ce qui conduit à la mort de l’acacia (c’est un raccourci très sommaire…).

 

La boucle est bouclée, tout est lié. D’où l’importance de conserver toute forme de vie car les conséquences de la perte d’une seule sont encore largement méconnues et donc sous-estimées.

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  • A lire, c’est passionnant (et ça change de la médecine !) :

 

Todd M. Palmer, Maureen L. Stanton, Truman P. Young, Jacob R. Goheen, Robert M. Pringle, and Richard Karban. Breakdown of an Ant-Plant Mutualism Follows the Loss of Large Herbivores from an African Savanna . Science 319 (5860), 192-195. [DOI: 10.1126/science.1151579]

 

  • Pour en savoir plus: ici

 

  • Histoire découverte ici
 
  • Images tirées de Wikipedia et d'autres sites dont je ne connais plus les références ;-(.