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07/10/2008
Le Guépard (2).
« Don Fabrizio avait eu beaucoup de soucis ces deux derniers mois : ils avaient débouché de toutes parts comme des fourmis à l’abordage d’un lézard mort. Certains avaient surgi des crevasses de la situation politique ; d’autres lui étaient tombés dessus à cause des passions d’autrui ; d’autres encore (et c’étaient ceux qui le rongeaient le plus) avaient germé dans son for intérieur, c'est-à-dire à partir de ses réactions irrationnelles par rapport à la politique et aux caprices de son prochain (il appelait caprices, quand il était irrité, ce qu’étant calme il désignait comme des passions) ; et ces soucis, il les passait en revue tous les jours, il leur faisait faire des manœuvres, se mettre en colonne ou se déployer en rangs sur la place d’armes de sa conscience, en espérant apercevoir dans leurs évolutions un sens quelconque de finalité qui pût le rassurer ; et il n’y parvenait pas. »
Giuseppe Tomasi di Lampedusa
Traduction Jean-Paul Manganaro
21:28 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (0)
Les lauriers de cendre.
C’est un roman (moyen) de Norbert Rouland, mais c’est aussi un phare dans ma vie. Un phare, car cette expression marque exactement l’emplacement de l’endroit que je veux éviter.
J’en ai aussi parlé avec l’agrégé de la note d’hier.
Il m’a dit qu’il avait sacrifié sa vie de famille à sa carrière universitaire et médicale. Il s’en rendu compte récemment de tout ce à côté de quoi il était passé en « découvrant » une vie de famille avec ses petits enfants. Sa voix s’est enrouée quand il m’a évoqué cela.
C’est exactement ce que je ne veux pas faire.
Tout en sachant que ce sera difficile, étant donné l’évolution de notre métier et la désertification médicale actuellement localisée, bientôt systémique.
Je n’ai pas envie de me retrouver à 50-55 ans, couronné de lauriers de cendre.
09:27 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (8)
06/10/2008
le coup de téléphone de Nine
Récemment, un agrégé de médecine proche de la retraite, est venu me consulter.
J’ai d’abord demandé à l’infirmière si il ne s’était pas trompé. En général, les agrégés ne se consultent qu’entre eux, comme les PH entre eux, les assistants entre eux.
Les internes consultent plus haut, pour plus de sûreté. Et enfin, les externes consultent auprès des internes, car ils sont ignorants et surtout inconscients.
Renseignement pris, il voulait voir un cardio, et pas moi en particulier.
J’étais un peu moins surpris, et il faut le dire, aussi un peu déçu.
Il vient pour une poussée tensionnelle peu sévère, mais qui survient quelques jours avant un voyage « cultuel et culturel » au Proche-Orient.
Il n’est pas hypertendu, par ailleurs.
Ce voyage, important pour lui, et sa foi, l’angoisse.
On discute religions, et notamment le fait que beaucoup utilisent des motifs répétitifs (mantras, incantations, mandalas…) qui permettent au croyant d’accéder à un niveau de conscience supérieur à celui dans lequel nous vivons tous les jours. Par exemple lorsque nous appuyons le matin sur la touche de la petite tasse de la machine à Nespresso.
Je lui donne deux conseils de prévention : apporter un tensiomètre, et une boite d’anti-hypertenseur.
Curieusement, il s’y est opposé, d’abord catégoriquement, puis plus mollement.
Je lui en ai demandé la raison, car c'est quand même curieux qu'un médecin refuse un conseil de prévention, alors que nous en ânonnons toute la sainte journée à nos patients fidèles.
Il n’a pas été très précis, j’ai un peu interprété, et il a acquiescé.
En introduisant ces objets médicaux dans sa valise, j’introduisais un doute, une hypothèque sur sa santé, et surtout une impureté par rapport au voyage "parfait" qu’il avait déjà idéalisé dans son esprit.
C’est alors qu’il m’a dit « J’aimerais être un pur esprit ».
Ah bon, original !
Il en est nettement moins loin que moi, il est neurologue, mais il lui reste néanmoins encore pas mal de route à faire sur le chemin de Damas…
22:36 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (3)