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10/11/2008
Jupiter et au-delà (suite).
Jupiter a donc été mise sur orbite et les réactions commencent à poindre comme les étoiles dans un ciel sans lune au dessus du désert de Namib.
Un patient de 75-80 ans m’en a même parlé tout à l’heure (il avait lu un article dans le journal local)
Je vous conseille la lecture de ces deux articles plutôt favorables, mais néanmoins nuancés par le problème du coût de cette prévention primaire « de luxe ».
Personne ne sait au juste combien de personnes pourraient être concernées par cette étude.
Notez que je parle de « personnes », et non de patients.
Le NYT parle de 16 millions d’américains, d’autres auteurs, parlent de 7.4 millions (soit 4.3% de la population étasunienne).
S’il fallait traiter tout le monde, avec un traitement revenant à 540.20 € par an…
On touche là au concept fondamental de pertinence clinique d’une étude qui peut être une merveille méthodologique, mais déboucher sur un résultat non pertinent/non applicable dans notre pratique de tous les jours.
D’autres auteurs s’inquiètent du profil de sécurité au long cours d’un produit qui permet d’obtenir un stupéfiant 0.55 g/L de LDL. Les données de sécurité sont rassurantes sur 1.9 ans, en moyenne, mais au delà ? Personne ne sait en effet au bout de combien de temps on pourra arrêter ce traitement, sur quels critères (un suivi de la CRP-US ?), ni même si on pourra l’arrêter.
Le problème, quand on traite des gens qui n’ont rien, ou presque, c’est qu’il est difficile de savoir quand s’arrêter.
Mais je pense, et j’espère que cette étude va surtout servir de lanceur pour les recherches concernant la CRP ultra sensible. Est-ce que ce marqueur est acteur ou spectateur ? Quoiqu’il en soit, il servira peut-être à l’avenir de nouveau marqueur de risque cardio-vasculaire, au même titre que le LDL
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Wider Benefit Seen From Cholesterol Drugs
By Pam Belluck
The New york Times
Published: November 10, 2008
Statin Might Help More People Fight Heart Disease Than Thought
By Amanda Gardner
The Washington Post
Sunday, November 9, 2008; 12:00 AM
17:18 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (2)
09/11/2008
Jupiter et au-delà.
Le NEJM vient de publier en ligne une étude qui risque de fair date dans la prévention des maladies cardio-vasculaires, rien de moins. L’étude JUPITER compare un traitement par rosuvastatine 20 mg/jour contre placebo chez des sujets (hommes de 50 ans et plus, femmes de 60 ans et plus) en « bonne santé » cardio-vasculaire, c'est-à-dire sans antécédent personnel cardiovasculaire, et avec un LDL cholestérol inférieur à 1.3 g/L à l’admission, c'est-à-dire « normal » pour cette population. Le seul critère de sélection parmi cette population était d’avoir une CRP ultra sensible supérieure à 2.0 mg/L ou plus.
Le suivi était initialement prévu pour durer 4 ans.
Mais l’étude a été arrêtée au bout de 1.9 ans pour une surmortalité significative dans le groupe placebo par rapport au groupe traité par statine.
La notion d’effet « pléiotropique » des statines, c'est-à-dire qu’il existe un effet bénéfique au-delà de la simple réduction du « mauvais » cholestérol (le LDL) et de l’augmentation du « bon » (le HDL) est déjà ancienne.
On a déjà prouvé que les statines faisaient baisser la CRP ultra sensible, un marqueur de l’inflammation, et que leur efficacité était d’autant plus importante qu’elles permettaient de baisser ses taux.
Il restait à le démontrer sur une large population, sur des critères « durs », c'est-à-dire de morbimortalité, et non sur des critères « mous », bien utiles pour vendre des boites de médicaments, mais peu pertinents pour la santé du patient.
Donc, au départ, on a 17802 patients, pour un suivi de 1.9 ans.
A l’arrivée, la rosuvastatine a permis de diminuer de LDL de 50%, et la CRP-US de 37%.
Le critère principal était composite, et associait : infarctus du myocarde, AVC, revascularisation artérielle, hospitalisation pour angor instable et décès d’origine cardiovasculaire.
Les critères secondaires étaient chacunes des composantes prises isolémment, du principal, le nombre d'infarctus du myocarde, d’AVC, ou de décès cardiovasculaires combinés et enfin la mortalité toutes causes confondues.
Le critère principal a été significativement diminué de 44% (hazard ratio, 0.46; 95% CI, 0.30 to 0.70; P=0.0002). Le risque absolu était de 1.36/100 patients par an dans le groupe placebo, 0.77 dans le groupe rosuvastatine.
En critères secondaires, le nombre d’infarctus du myocarde était diminué de 54% (hazard ratio, 0.46; 95% CI, 0.30 to 0.70; P=0.0002), le nombre d’AVC de 48% (hazard ratio, 0.52; 95% CI, 0.34 to 0.79; P=0.002), le nombre de revascularisation artérielle ou d’angor instable de 47% (hazard ratio, 0.53; 95% CI, 0.40 to 0.70; P<0.00001), le nombre d'infarctus du myocarde, d’AVC, ou de décès cardiovasculaires combinés de 47% (hazard ratio, 0.53; 95% CI, 0.40 to 0.69; P<0.00001).
Le nombre de décès, toutes causes confondues était significativement diminué(hazard ratio for the rosuvastatin group, 0.80; 95% CI, 0.67 to 0.97; P=0.02).
On ne retrouvait pas d’effets secondaires notables, notamment, une seule rhabdomyolyse dans le groupe rosuvastatine, pas plus d'atteintes rénales ou hépatiques, ni surtout plus de cancer (c’est actuellement le grand débat du verre d’eau ).
Par contre, plus de diabètes de découverte récente (270 contre 216, p=0.01), et une hémoglobine glyquée plus élevée à 24 mois dans le groupe statine (5.9% contre 5.8, p=0.001).
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Que faut-il conclure de tout cela ?
Primo, je ne vais pas conclure quoique se soit sur la place de la CRP-US dans la physiopathologie de l’athérosclérose (ce marqueur est-il acteur ou témoin ?), je laisse cela à d’autres.
Secundo, les statines sont « sûres », puisque pour cette large population, le traitement par statine n’expose pas à un sur-risque. Il va falloir néanmoins creuser cette histoire de diabète.
Bien que financée par Astra-Zeneca (le labo qui commercialise la rosuvastatine), et jusqu’à preuve du contraire, cette étude est une belle étude avec une méthodologie robuste et transparente.
Enfin, si les résultats en terme de risques relatifs sont très impressionnants (44% de moins pour le critère primaire, chez des patients à bas risque), et vont probablement conduire certains à vouloir faire une CRP-US à tout homme de plus de 50 ans et femme de plus de 60 ans pour le mettre sous statine, il me semble qu’il va falloir réfléchir un peu avant de mettre en pratique cette belle étude.
D’abord, comme prévu, le risque d’évènements cardiovasculaires est bas dans cette population à bas risque (1.36% par an dans le groupe placebo, 0.77 dans le groupe statine pour le critère principal, 0.17 et 0.37 pour les infarctus du myocarde).
On prévient donc dans cette population une maladie «rare», et cela, il faut bien en avoir conscience.
Ensuite, si l’on s’intéresse au nombre de sujets à traiter pour éviter un évènement cardio-vasculaire (infarctus, AVC ou mort), on obtient 120 sur une durée de 1.9 ans.
La boite de 28 comprimés de rosuvastatine 20 mg est à 41.46 € (source AMELI), soit 1.48€ par jour. Eviter un évènement cardiovasculaire va donc coûter 120*365*1.9*1.48= 123165.60 €.
Là, bien sûr, ça fait moins rêver, d’autant que la population potentielle à « traiter » est absolument énorme.
Ici on touche aux limites de l’intérêt de la prévention.
Idéalement, une bonne prévention est peu couteuse pour la société, et efficace sur une maladie grave et fréquente.
Or, on comprend fort bien, cela n’est absolument pas le cas de figure dans ce type d’indication de la rosuvastatine.
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Ridker PM, Danielson E, Fonseca FAH, et al. Rosuvastatin to prevent vascular events in men and women with elevated C-reactive protein. N Engl J Med 2008;359:2195-2207.
Mark A. Hlatky. Expanding the Orbit of Primary Prevention — Moving beyond JUPITER. N Engl J Med 2008;359:2280-2281.
MichaelO'Riordan. JUPITER casts a large shadow: Moving from efficacy data to the big picture . theheart.org. [Clinical Conditions > Clinical cardiology > Clinical cardiology]; Nov 9, 2008. Accessed at http://www.theheart.org/article/917505.do on Nov 10, 2008.
Michael O'Riordan. JUPITER hits New Orleans: Landmark study shows statins benefit healthy individuals with high CRP levels. theheart.org. [Clinical Conditions > Clinical cardiology > Clinical cardiology]; Nov 9, 2008. Accessed athttp://www.theheart.org/article/917181.do on Nov 10, 2008
19:11 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (9)
T’es dépressif ?
J’ai lu cet matin cet article de Sandrine Blanchard sur lemonde.fr. Mon ignorance encyclopédique sur le sujet me fait poser une question aux lecteurs MG/psy.
La journaliste déplore l’utilisation massive d’antidépresseurs qui récemment montré leur inefficacité (« Les psychotropes coûtent une fortune à la Sécurité sociale. Or une analyse publiée en début d'année conclut que, en dehors des dépressions sévères, les antidépresseurs les plus prescrits ne sont pas plus efficaces qu'un placebo... »). J’avais évoqué l’étude de PloS ici, et une autre du même acabit ici.
Dans le même article, à 2 reprises, elle fait référence aux « médecines alternatives » comme, me semble-t’il, une solution potentielle à ce problème (« S'y ajoute le déni des médecines alternatives » et « Entre la psychothérapie, difficilement accessible, et des médecines alternatives souvent méprisées par l'establishment médical, le marché des psychotropes ne connaîtra pas la crise. »).
Ma question est double :
- A quelles sortes de « médecines alternatives», Sandrine Blanchard fait allusion ?
- Pouvez-vous me citer des études scientifiques de bonne qualité méthodologique qui montrent que ces « médecines alternatives » font mieux que le placebo ?
10:06 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (6)