Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/06/2008

Il n'y a de chance que pour la canaille.

J’appelle un nom dans la salle d’attente pour un doppler artériel à faire dans le cadre d’un bilan de diabète.

Une ombre massive et carrée se lève sur la limite gauche de mon champ de vision.

« Bonjour Monsieur ».

Manqué, c’est une dame de 72 ans, un peu rougeaude et un peu carrée de visage et de tronc, mais c’est indéniablement une dame si on la regarde un peu attentivement.

Ca commence bien…

Je commence le doppler.

En fait, c’est une « figure » de la ville. Pas pour sa trogne et ses joues vermillonnes, mais parce qu’elle a été derrière les fourneaux d’un restaurant bien connu de la ville, et aujourd’hui défunt, durant près de 2 décennies.

Elle connaît « tout le monde », notamment des tas de médecins agrégés ou non, qui sont surreprésentés parmi les amateurs de bonne chaire.

Elle achetait ses fromages chez la mère Richard, et sa charcuterie chez Colette Sibilla. La crème de la crème, donc.

Elle a longtemps soigné son diabète au vin rosé et au champagne, en alternance.

Son carnet d’adresse lui permet encore actuellement de proposer à certains gourmets amateurs du « gibier interdit ».

Elle cuisine encore un peu, pour elle, et parfois donc,  « rend service ».

Elle rigole de son foie gras, de sa rate bosselée et de son diabète rosé. Elle m’a raconté qu’à Marseille, quand elle était petite (elle y est née), le tramway s’arrêtait au milieu du Boulevard Chave pour respecter une partie de pétanque en train de se dérouler.

Une bonne vivante, avec qui j’ai passé un excellent moment.

Typiquement la patiente qui fait n’importe quoi, mais que l’on ne peut pas admonester ou raisonner, tant son épicurisme est communicatif.

A la fin de l’examen, j’avais faim.

Et ses artères ?

Et bien, magnifiques, à peine calcifiées.

Je lui ai dit qu’il n’y avait de la chance que pour la canaille.

Nous avons éclaté de rire.

 

 

 

Mais finalement, l'état de ses artères m'étonne peu, elle n'a jamais touché une cigarette de sa vie.

16/06/2008

L’égyptien (2).

L’échographie d’effort (c’est finalement ce qui était le plus rapide) est très positive en territoire antérieur.

Prochaine étape, et après un petit traitement médical, la coronarographie !

L’égyptien.

Alors que Youssef Chahine se meurt, je vois ce matin un de ses compatriotes d’une cinquantaine d’années.

Il n’a pas grand chose pour lui : sans papier « intégré » en France depuis 30 ans, plus ou moins en instance d’expulsion, sorti récemment de prison, il fume et a des douleurs dans la poitrine depuis 1 mois.

Ces douleurs quasi quotidiennes surviennent surtout à l’effort, et irradient dans le bras gauche, mais il est vrai qu’elles peuvent aussi évoquer aussi une oesophagite.

Donc, si une chose est certaine dans son histoire, c’est qu’il faut faire rapidement la part des choses entre l’œsophage et les coronaires.

En effet, des douleurs quasi quotidiennes pour des efforts de la vie courante sont quand même particulièrement inquiétantes dans le cas ou ce sont ses coronaires qui le font souffrir.

Il est allé consulter dans deux services d’urgences distincts. A chaque fois, l’ECG, et je le présume, les enzymes étaient normales. Comme vous le savez, cela n’élimine pas une origine coronaire, notamment si les douleurs sont intermittentes.

Chaque fois, on l’a fait sortir en lui disant d’aller consulter un cardiologue (Ah bon, il n’y en a plus au CHU ?)

 

Si il avait été consul d’Egypte, ou mieux, français, l’aurait-on pris en charge de la même façon ? Ne l’aurait-on pas « mis dans un coin », en cardio ou ailleurs, le temps de lui faire une épreuve d’effort et une échographie cardiaque qui auraient enfin répondu à ce doute pénible, coronaire, ou œsophage ?

 

J’ai fait l’échographie cardiaque ce matin, elle est normale. J’ai programmé une épreuve d’effort le jour même, pas à l’hôpital car le délai est à 2 mois, mais dans une clinique privée (avec laquelle je n’ai aucun lien).

 

Je n’ai pas de prévision sur le résultat : précocement positif, ou totalement négatif. Je n’exclus même pas qu’il ait un peu mis en scène des douleurs pour retarder sa procédure de reconduite aux frontières, mais je lui laisse le bénéfice du doute.

 

La seule chose dont je suis sûr, est que le doute tue en médecine, et qu’un patient, qui qu’il soit et quoiqu’il ait fait mérite qu’on le soigne avec un minimum de conscience et de respect.

Et pourtant, vous savez que je n’ai rien d’un dangereux médecin gauchiste ;-)