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02/12/2008

Circulation.

Une conférence de consensus et une recommandation dans le numéro du jour de Circulation.

La conférence de consensus concerne la gestion du syndrome post arrêt cardiaque. Les auteurs constatent dès les premières lignes que le pronostic ne s’est pas amélioré depuis 50 ans. La mortalité est toujours aussi effroyable malgré tous les progrès, toutes les campagnes d’information : environ 70% de mortalité intra-hospitalière.

La recommandation s’intéresse au sujet passionnant mais obscur (en tout cas pour moi) de la gestion des adultes porteurs d’une cardiopathie congénitale.

Je les ai ajoutées à la page « Cardiologie et médecine vasculaire » du "wiki des recommandations médicales" dans le paragraphe "divers". Je vous conseille de télécharger ces textes, s’ils vous intéressent, car ils sont en accès libre pour une période limitée.

Enfin, je parlerai dans une prochaine note d’un sujet qui me tient à cœur  et qui a fait l'objet d'un article et d'un édito dans ce même numéro: les pathologies cardiovasculaires en Afrique.

07:30 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)

01/12/2008

Moi aussi, moi aussi !

Je vais copier Stéphane et diffuser de l'iconographie pour illustrer un cas clinique.

Bon, le cas clinique est très succinct.

Une brave dame adressée pour une échographie cardiaque avant une chimiothérapie pour cancer du rein.

Le courrier précise que le scanner a mis en évidence une thrombose extensive de la veine rénale, de la cave, jusqu’à l’oreillette droite.

Et en effet, en sous-xiphoïdien, j’ai eu la relative surprise de tomber sur cela :

 

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Coupe plus ou moins longitudinale de la veine cave inférieure (VCI). On se situe juste à l'abouchement de la VCI dans l'oreillette droite (OD). On devine une veine sus hépatique (VSH).

 

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Sonde inclinée un peu plus vers le bas, coupe transverse de la VCI.

 

Le mouvement du thrombus, qui rentre et qui sort de l’oreillette droite en alternance avec les mouvements du cœur est particulièrement impressionnant.

Pas encore de film, malheureusement, car je ne suis pas très doué pour jongler avec le format DICOM. J’ai déjà eu du mal à tirer les images sus-jacentes.

La patiente m’a demandé à la fin de l’examen si ses œdèmes aux jambes étaient graves.

Je lui ai dit que non, avoir de grosses jambes n’était pas forcément grave.

Que dire d’autre au cours d’une simple échographie pré-thérapeutique ?

Pour le reste, une fois seul, je me suis abîmé dans la contemplation de la fantastique boucle d’images que j’ai faite en fin d’examen, pour m’extasier, de peur d’avoir à en pleurer.

18:14 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (1)

30/11/2008

Batrachotoxine et indiens Emberà.

Hier, j’ai regardé en pointillé un reportage sur les indiens Sakuddei qui vivent sur une île recouverte d’une forêt primaire au large de l’île de Sumatra.

Je ne suis pas un ethnologue dans l’âme, et le reportage n’a commencé à m’intéresser que lorsqu’il s’est intéressé à la fabrication des fléchettes empoisonnées pour sarbacanes.

Depuis tout petit, l’utilisation de poison, le plus souvent un alcaloïde végétal, pour la chasse, m’a toujours fasciné.
Le plus connu de ces poisons est le curare que nos amis anesthésistes utilisent larga manu.
J’ai donc un peu surfé sur la toile et je suis tombé sur un poison encore plus fascinant que le curare, la batrachotoxine.

Il s’agit encore d’un alcaloïde, mais animal toutefois. L’étiologie nous indique de quel animal il s’agit : βάτραχος, batrachos, batracien, grenouille.
Pour être plus exact, des grenouilles de la famille des dendrobatidae et notamment les phyllobates.
Je ne connais pas grand-chose dans les grenouilles, mais ce sont celles qui ont des couleurs vives qui « préviennent » les autres animaux de leur extrême dangerosité.

 

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Dendrobates azureus.

 

Wikipedia précise même que cette stratégie d’annoncer la couleur, en somme répond du joli nom d’aposématisme.

Ces charmantes bestioles n’habitent pas du tout à Sumatra, mais dans la région frontalière entre le Panama et la Colombie.

La plus toxique d’entre elles a été nommée Phyllobates terribilis, et elle n’a été décrite qu’en 1978. Les indiens Emberà, qui habitent justement le coin utilisent son poison pour chasser.

 

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Phyllobates terribilis.

 

Ils manipulent sans le savoir un des produits naturels les plus toxiques au monde. La dose létale estimée chez l’humain est de 1 à 2 microg/Kg.
Cet alcaloïde est neurotoxique et cardiotoxique.

Ils frottent leurs fléchettes contre le dos des grenouilles, là où se trouvent les glandes qui secrètent le poison. Contrairement à d’autres tribus voisines qui utilisent d’autres grenouilles que la P. terribilis, la létalité de sa toxine est telle que les Emberà n’ont pas besoin de la « torturer » pour lui faire fabriquer plus de substance. Ils les manipulent avec précaution, à travers des feuilles coupées, pour éviter de les toucher.

 

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Un indien frotte sa fléchette sur le dos d'une P. terribilis en évitant tout contact direct. Source: Myers et coll.

Myers raconte qu’un chien est mort après avoir joué avec des gants usagés ayant servi à la manipulation d'amphibiens.

Par contre, une phyllobate ou une dendrobate née et élevée en captivité ne va pas sécréter de toxine. Le mystère n’a été partiellement dévoilé qu’en 2004, ou l’on a découvert que ces grenouilles concentraient la batrachotoxine à partir d’un coléoptère de la famille des Melyridae dont elles se nourrissent, et qu’elles ne trouvent bien entendu qu’en pleine jungle.

Comme la toile est grande, j’ai trouvé un lien qui mène directement à la publication princeps sur l’utilisation de la toxine de notre gentil batracien. J’ai sauté allègrement sur les premières pages de cet article qui en compte 72 pour lire les deux dernières parties qui se lisent très bien : « Utilization of Frogs for Dart Poisoning » et « Blowgun and Dart Fabrication ». J’y ai découvert des notions qui paraissent incroyables pour quelqu’un vivant dans notre société industrialisée ou l’immédiateté est devenue une fin en soi.

La fabrication de la sarbacane, de son carquois et des fléchettes prend environ 12 jours. La sarbacane, qui peut paraitre un objet frustre est en fait l’aboutissement d’un processus de façonnage et d’assemblage incroyablement complexe, avec notamment la confection d’une colle ou d’une résine qui va la rendre imperméable.

 

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Les fibres végétales fixée à l'arrière de la fléchette servent à optimiser la poussée de l'air. Source: Myers et coll.

 

Ils sont forts ces indiens, c’est ce que je me suis dit. Mais bon, à côté de biochimistes intuitifs brillants, on trouve aussi des bras cassés de la pire espèce.

Vous pourrez en juger en lisant la composition de cette autre poison utilisé dans un tribu des Andes : sève d’arbre, serpents, fourmis, araignées, sang menstruel et testicules humain macérés. Miamm, santé ! L'utilisation de fléchettes empoisonnées contre d'autres hommes, au cours des guerres tribales est rare, voire mal vue. Cela explique pourquoi les chroniqueurs espagnols ne mentionnent qu'à peine leur utilisation guerrière. Mais les Emberà semblent moins choqués par cette utilisation. Myers relate ainsi un fait-divers de 1977 au cours duquel un homme frappé par une fléchette s'est écroulé mort, après une course de quelques centaines de mètres. 


Voilà, c’était ma petite contribution pour le centenaire de Claude Lévi-Strauss, dont je n’ai encore rien lu.


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Myers C.W., Daly J.W., Malkin B.: A dangerously toxic new frog (Phyllobate) used by Emberá Indians of Western Colombia, with discussion of blowgun fabrication and dart poisoning. Bulletin American Museum Nat History, New York, 1978; 161: Article 2, 311-64.

Liens intéressants sur la toile :

 

 

  • La thèse de Benjamin Guillon, un vétérinaire, sur les dendrobatidae.


 

 



  • Dart Poison Frogs and Their Toxins. (papier intéressant, car le promoteur en est… une école de santé militaire tchèque. J'espère que l'on est encore copains avec eux  !)