21/04/2005
Le patient.
Ouh làààà, c’est vide cette salle d’attente, il a pas beaucoup de client, le Docteur, t’es sûr qu’il est bon ?
T’es pas sûre, mais c’est le seul qui pouvait me recevoir rapidement…
C’est pas rassurant.
J’aurais jamais du l’écouter, les bonnes femmes, ça s’inquiète toujours pour rien, c’était qu’une petite douleur, une seule fois, enfin deux, si l’on compte la fois où…Pourvu qu’elle ne le sache jamais, elle serais pas contente…
Le voilà, il est jeune, pourquoi il est habillé en noir de haut en bas ? Un décès familial ? Pas un de ses patients j’espère…
J’aurais pas du venir…
Confortables ces sièges, ça y est, elle commence.
Pourvu que je fasse pas de gaffe, une seule fois, une seule, une seule, une seule…
C’est sûr que j’ai fumé, mais bon, tout le monde l’a fait. C’est pour ça que je suis peut-être un peu plus essoufflé depuis….quand ?
Qu’est-ce qu’elle raconte…Ca ne s’est pas passé comme ça, je n’ ai pas failli partir, elle dramatise tout. Par contre, j’ai eu un peu peur, je n’arrivais pas à reprendre mon souffle, et cet étau qui m’écrasait la poitrine.
C’est ça, une seule fois…
Si elle me laissait un peu parler, le Docteur verrait que ce n’est pas grave.
Qu’est-ce qu’elle raconte, il est cardiologue, pas gastro, il s’en fout de ma digestion, et de mes gaz.
La honte, pourvu qu’elle se taise…
Elle va pas me laisser placer un mot…et à lui non plus.
Je vais lui donner ma vraie version de l’histoire.
Surtout, ne pas parler de la première fois, et ne pas parler de l'étau, ca leur fera moins peur.
Qu’est-ce qu’il dit, il a un drôle d’accent, je comprends rien ce qu’il dit.
Un électrocardiogramme ?
Ca fait pas mal, au moins ?
Il faut s’allonger ?
Il faut se déshabiller ? le haut ? le bas ? Je garde le slip quand même? C’est bien la première fois qu’un Docteur me fait déshabiller complètement, en médecine du travail, je gardais mon bleu. Y m'ont jamais rien trouvé.
Y serait pas de la jaquette le Docteur ?
Aide moi, au lieu de parler, j’arrive pas à enlever mes chaussures, avec mes pieds gonflés.
Houlààà, la banquette est froide, c’est quoi ces fils ?
Je vais pas m’électrocuter ?
Pourquoi il sourit tout le temps ?
C’est pas idiot comme question, avec tous ces fils….
Pourquoi il ne dit plus rien et ne sourit plus ?
C’est grave ?Y a quelque chose ?
Ouf, c’est l’appareil qui marche pas, c’est bien ma veine...
Ca remarche, a priori, rien.
Le stémachin, il va être encore gelé.
Oulààà, il l’a sorti du frigo !!
Il reprend son air sérieux…
Un souffle ?
C’est quoi ? Je souffle pas pourtant, enfin, un peu.
Mal dans la poitrine?
une fois...
Une petite pointe.
Une valve qui marche pas ?
C’est quoi une valve ?
Je vais pas lui demander, il va encore sourire, et je me gèle à poils.
Une échographie ?
C’est quoi ? Je verrais bien ce que c’est.
Oulàààà, c’est froid, ca s’appelle comment déjà, du gel ? Ca porte bien son nom.
Si j’ai eu un rhumatisme articulaire dans l’enfance, c’est quoi ? non je crois pas….
J’ai un rhumatisme sur les genoux, mais c’est normal, j’ai carrelé toute ma vie.
Un rhumatisme sur la valve aortique ?? On peut avoir du rhumatisme sur la valve ? C’est une articulation ? Je comprends rien, je demanderai plus tard à Henri, il avait un souffle au régiment, et on lui a mis des ressorts l’an dernier. Et sa fille cadette est infirmière. Il me dira ce que c’est cette histoire d’articulation du cœur.
Une grosse fuite ? Une fuite ou ?
Sur la valve ? A travers le rhumatisme ? Je comprends rien ce qu’il raconte….
Une opération ? On endort localement ? Non ! C’est une anesthésie générale ?
Il faut ouvrir le cœur ?
Oulàààààà.
Arrête donc de parler, tu me donne le mal de crâne, il s'en fout des ressorts du cousin Henri.
Ca y est, c'est reparti sur ma digestion...
Je veux pas me faire ouvrir le cœur, on a réservé 15 jours à Majorque le mois prochain !
Ah bon, y faut opérer assez rapidement ? Pas plus de quelques mois ?
On peut prendre l’avion quand même ?
C’est risqué comme opération ? Pas trop quand même, c’est rien qu’il dit, j’aimerais bien le voir à ma place.
Et si on n’opère pas ? On peut pas mettre des ressorts, comme Henri ?
C’est pas du tout pareil ? il sourit encore…
Pas d’autre choix ?
Mais je n'ai eu mal que deux fois.
MERDE, vite, vite une histoire...
Le cœur qui grossit ? Je vois pas le rapport avec le rhumatisme de la valve. C'est pas plus mal qu'il soit gros?
Non?
Ben voyons…
Dès qu’on rentre à la maison, on téléphone à Henri pour lui demander l’adresse de son cardio, qui met des ressorts. Il allait beaucoup mieux après. Il est bien gentil le Docteur, mais je veux les ressorts, c’est plus rapide.
On verra ça après les vacances…
08:04 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)
20/04/2005
La cérémonie du thé.
J’aime bien le café, un peu moins le thé, à deux exceptions.
Tout d’abord le Assam« Tippy Golden Flowery Orange Pekoe » ou « TGFOP » pour les intimes.
Assam est un lieu mythique en Inde, lieu de naissance de l’exploitation du thé à grande échelle.
« TGFOP » décrit le thé en lui-même.
Vous ne vous retrouvez pas avec des miettes de thé, comme dans les sachets « Lipton », mais avec des feuilles jeunes et leur bourgeon. La cueillette ne se fait, bien évidemment qu’à la main.
Le goût et la couleur du thé sont fabuleux, ils me rappellent mes jeunes années en Grande-Bretagne.
J’ai découvert ce thé en répondant à un questionnaire téléphonique sur un nom de médicament. J’ai reçu à la maison une petite boite en bois de la prestigieuse maison « Fortnum and Mason » à Londres.
J’ai retrouvé ce thé presque 7 ans après, il y a deux semaines à « Old England », dans le quartier de l’Opéra à Paris.
La vendeuse, à l’accent délicieusement anglais est en fait… allemande !
Mon deuxième thé favori est un thé vert chinois, le « West Lake Lung Ching Tea ».
Je l’ai aussi découvert par hasard. Mon PH de coronarographie avait eu comme patient un consul de Chine. Ce dernier lui offrit 200 g de ce thé, mais mon PH, n’aimant pas le thé, me le cédât.
Il est excellent, et possède lui aussi de grandes feuilles vertes.
Comme vous le voyez :
Primo, le hasard fait bien les choses
Secundo je suis un garçon simple ;-)
Plus d'informations ici et ici.
Crédit de l'image ici.
15:36 Publié dans ma vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (2)
Le cheval.
Une femme à tête de cheval est venue me voir au cabinet, lundi.
Non pas une patiente, ce serait trop beau, mais une visiteuse médicale.
J’ai demandé à ma secrétaire de faire barrage à tout visiteur médical qui se présenterait au cabinet.
Comme je l’ai déjà expliqué, ma tolérance de la désinformation quasi systématique distilée par les firmes pharmaceutiques m’a toujours hérissé le poil.
J’ai fait une exception pour elle, voici pourquoi.
Mon mentor en médecine vasculaire est un organisateur né, il aime l’événementiel, genre « Cardiologie Champagne ».
Il organise en juin prochain un congrès en Sardaigne. Pour donner une idée, la place supplémentaire pour un accompagnant est à 1218 euros.
Il a lourdement insisté pour que je vienne, et comme le programme est alléchant, j’ai accepté.
C’était il y a quelques semaines.
La semaine dernière, mon associé me passe un coup de fil :
« - J’ai croisé Mme X à l’aéroport, elle est visiteuse médicale, et se plaint que tu ne la reçoive pas…
- Ahhh, quel labo ?
- YYY, ils payent ton voyage en Sardaigne, et elle m’a dit que ce n’était pas normal de ne pas la recevoir. Ce, d’autant plus que c’est elle qui s’est occupée de ton invitation.
- Mais, j’ai vu deux visiteuses du même labo, pour ce même voyage, hier à la clinique.
- Vois avec elle.
- Elle est comment ?
- Vilaine, avec une tête de cheval… »
Je reçois donc la visiteuse, chevaline en effet, et sure d’elle.
« - Vous comprenez bien, que ce n’est pas logique de demander à partir en congrès, et de ne pas recevoir les labos…
- En l’occurrence, primo, je n’ai pas demandé à partir, à quiconque.
- Secundo, j’ai déjà longuement vu deux de vos collègues, qui elles aussi, m’ont dit être à l’origine de mon invitation.
- Ah bon ?
- Je pense qu’il faudrait améliorer la communication au sein de votre grand laboratoire pharmaceutique…
- …
- Je comprends tout à fait votre décision de ne pas recevoir les labos, vous savez, je suis marié à un cardiologue, je ne vous en veux pas du tout. »
Nous nous sommes quittés assez froidement, elle attendait que je lui propose de revenir.
Elle doit toujours attendre.
Et je suis persuadé que mon mentor, ou mon associé vont me faire tôt ou tard les commentaires.
Manquerait plus que ça, nous en sommes arrivé à devoir nous excuser de ne pas vouloir être pollué par de la publicité.
Quand au mari cardiologue, je n’ai même pas demandé qui ce pouvait être.
J’ai pensé, pendant qu’elle me parlait, qu’elle devait bien sucer, et que c’est pourquoi il l’avait gardé.
Sinon, je ne comprends pas.
Les aventures de ce genre, éphémères ou non, sont assez fréquentes. Je ne juge pas, mais je ne supporte pas que l’on se glorifie de partager le lit d’un confrère pour se mettre en avant.
Encore une/un qui croit que le statut social et l’intelligence sont sexuellement transmissibles…
Dans mon esprit, les choses sont claires, pas de labo, mais pas non plus de petits/gros cadeaux (sauf exception). Je n’arrive pas à me faire à l’hypocrisie/cynisme de la majorité de mes confrères.
J’ai encore vu la semaine dernière une publicité de labo, qui déclare le cœur sur la main, que le bien être de l’humanité n’est que son seul credo.
Pour faire contre point, et à ceux qui y croient encore, je reproduit un article paru sur « theheart.org », qui décrit la folle envolée des prix de médicaments pourtant assez anciens en 2004, aux Etats-Unis. La législation nous protège en France, pour l’instant.
Prescription-drug price increases in 2004 more than double inflation rate
Apr 13, 2005
Shelley Wood
Washington, DC - Prescription-drug prices, including cardiovascular drugs, soared in the US in 2004, far outstripping the general inflation rate, according to a new report from the University of Minnesota and AARP, a US nonprofit organization for people age 50 and over. The average rate of increase in drug prices compared by month with the previous year appears to have been dropping, however, since June 2004, when Medicare prescription discount cards were first introduced.
Nevertheless, the average price increase for 195 brand-name prescription drugs in 2004 was 7.1%, compared with the inflation rate of 2.7%, according to the report: "Trends in manufacturer prices of brand-name prescription drugs used by older Americans 2004 year-end update." The price increases are the biggest one-year increase seen in any of the past five years, the report notes.
Several cardiovascular drugs that were top sellers in 2003 have seen their prices rocket skyward over the past five years and continued to increase in 2004. The price of clopidogrel 75 mg (Plavix®, Sanofi-Synthelabo) and metoprolol succinate 50 mg (Toprol XL®, AstraZeneca) has increased by 45% over the five years. The price of simvastatin (Zocor®, Merck) increased by 25% over the same period.
"A typical older American (who takes three prescription drugs) is likely to have experienced an average increase in the cost of therapy of $154.68 in 2004, assuming that the drugs are brand-name products and the full price increases were passed along to the consumer," the report states.
Prices tripled over five years
Of the 195 drugs in the sample, 153 have been on the market for the past five years. "Cumulatively, the average manufacturer price increase for these 153 brand-name drugs was more than two-and-one-half times the general inflation rate 35.1% compared with 13.5%," the report states.
"The cumulative effect of these price increases can be substantial. On average, manufacturer prices of the 153 widely used prescription drugs that have been on the market since the end of 1999 have increased by more than one third (35.1%) during the subsequent five-year period, compared with a general inflation rate of 13.5%," the report summarizes. "For a typical consumer who takes three brand-name prescription drugs, the average increase in the cost of therapy for drugs used to treat chronic conditions rose by more than $700 during this five-year period."
Pour plus d'informations, la source de l'article (PDF en anglais).
12:55 Publié dans Prescrire en conscience | Lien permanent | Commentaires (2)