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14/09/2008
African scam, le retour (4).
J’aime bien celui-là.
Pour une fois, il est sobre et qui plus est, non dénué de volonté éducative, puisqu’il met en garde contre « les mauvaises blagues et les arnaques sur Internet ».
Faites donc comme ce sympathique Monsieur Jacob Chevat vous dit, ne lui faites pas confiance! Cette arnaque est en effet très classique (voir ici).
« Bonjour,
Je sollicite votre partenariat pour la conduite d'une transaction qui devra être menée dans les meilleurs délais. Je suis Cadre dans un établissement financier ici en Cote d'Ivoire, je sollicite votre concours pour mener à bien un transfert de fonds.
Il n'est pas aisé je l'avoue de travailler ensemble quand on ne se connaît pas physiquement et avec les mauvaises blagues et les arnaques sur Internet, il est difficile d'établir une confiance mutuelle absolue mais cela n'est pas impossible.
Je puis cependant vous garantir que l'opération est légale et sans risque, il s'agit d'un transfert de fonds et j'aurais besoin de votre concours pour que ces fonds soient transférés sur un compte que vous fournirez , vous bénéficierez en contrepartie d'un pourcentage raisonnable des fonds.
Je vous donnerai de plus amples informations lorsque vous m'indiquerez votre accord de Principe, je voudrais insister sur le caractère hautement confidentiel de la transaction en question.
Je précise à toutes fins utiles que je n'ai pas d'antécédents avec la police ni la justice. J'attends votre prompte réponse afin de vous donner de plus amples informations..
Cordialement,
M. Chevat »
20:59 Publié dans Web | Lien permanent | Commentaires (3)
Le testament de Heiligenstadt.
J’avance bien dans la lecture de « La vie en sourdine » de David Lodge. Ce roman raconte les aventures d’un professeur de linguistique à la retraite, affublé d’une surdité particulièrement handicapante.
Comme souvent, David Lodge ouvre des portes de la connaissance en déroulant son récit.
Il fait notamment allusion à ce texte incroyable, nommé « Le testament de Heiligenstadt », écrit par Beethoven, ou il « avoue » à ses proches sa surdité.
En voici le texte poignant, copié sur wikisource :
Pour mes frères Carl et [Johann][1] Beethoven.
Ô vous ! hommes qui me tenez pour haineux, obstiné, ou qui me dites misanthrope, comme vous vous méprenez sur moi. Vous ignorez la cause secrète de ce qui vous semble ainsi, mon cœur et mon caractère inclinaient dès l'enfance au tendre sentiment de la bienveillance, même l'accomplissement de grandes actions, j'y ai toujours été disposé, mais considérez seulement que depuis six ans un état déplorable m'infeste, aggravé par des médecins insensés, et trompé d'année en année dans son espoir d'amélioration. Finalement condamné à la perspective d'un mal durable (dont la guérison peut durer des années ou même être tout à fait impossible), alors que j'étais né avec un tempérament fougueux, plein de vie, prédisposé même aux distractions offertes par la société, j'ai dû tôt m'isoler, mener ma vie dans la solitude, et si j'essayais bien parfois de mettre tout cela de côté, oh ! comme alors j'étais ramené durement à la triste expérience renouvelée de mon ouïe défaillante, et certes je ne pouvais me résigner à dire aux hommes : parlez plus fort, criez, car je suis sourd, ah ! comment aurait été-t-il possible que j'avoue alors la faiblesse d'un sens qui, chez moi, devait être poussé jusqu'à un degré de perfection plus grand que chez tous les autres, un sens que je possédais autrefois dans sa plus grande perfection, dans une perfection que certainement peu de mon espèce ont jamais connue – oh ! je ne le peux toujours pas, pardonnez-moi, si vous me voyez battre en retraite là-même où j'aurais bien aimé me joindre à vous. Et mon malheur m'afflige doublement, car je dois rester méconnu, je n'ai pas le droit au repos dans la société humaine, aux conversations délicates, aux épanchements réciproques ; presque absolument seul, ce n'est que lorsque la plus haute nécessité l'exige qu'il m'est permis de me mêler aux autres hommes, je dois vivre comme un exilé, à l'approche de toute société une peur sans pareille m'assaille, parce que je crains d'être mis en danger, de laisser remarquer mon état – c'est ainsi que j'ai vécu les six derniers mois, passés à la campagne sur les conseils avisés de mon médecin pour ménager autant que possible mon ouïe ; il a presque prévenu mes dispositions actuelles, quoique, parfois poussé par un instinct social, je me sois laissé séduire. Mais quelle humiliation lorsque quelqu'un près de moi entendait une flûte au loin et que je n'entendais rien, ou lorsque quelqu'un entendait le berger chanter et que je n'entendais rien non plus ; de tels événements m'ont poussé jusqu'au bord du désespoir, il s'en fallut de peu que je ne misse fin à mes jours. C'est l'art et seulement lui, qui m'a retenu, ah ! il me semblait impossible de quitter le monde avant d'avoir fait naître tout ce pour quoi je me sentais disposé, et c'est ainsi que j'ai mené cette vie misérable – vraiment misérable ; un corps si irritable, qu'un changement un peu rapide peut me faire passer de l'euphorie au désespoir le plus complet – patience, voilà tout, c'est elle seulement que je dois choisir pour guide, je l'ai fait – durablement j'espère, ce doit être ma résolution, persévérer, jusqu'à ce que l'impitoyable Parque décide de rompre le fil, peut-être que cela ira mieux, peut-être non, je suis tranquille – être forcé de devenir philosophe déjà à 28 ans, ce n'est pas facile, et pour l'artiste plus difficile encore que pour quiconque – Dieu, tu vois de là-haut mon cœur ; tu le connais, tu sais que l'amour des hommes et un penchant à faire le bien y habitent, – ô hommes ! lorsqu'un jour vous lirez ceci, songez que vous vous êtes mépris sur moi ; et que le malheureux se console d'avoir trouvé un semblable, qui malgré tous les obstacles de la nature, a pourtant fait tout ce dont il était capable pour être admis au rang des artistes et des hommes de valeur – vous, mes frères Carl et [Johann], dès que je serai mort et si le Professeur Schmidt vit encore, priez-le en mon nom de décrire ma maladie, et joignez son récit à cette présente feuille, afin qu'au moins le monde se réconcilie autant que possible avec moi après ma mort – en même temps, je vous déclare ici tous deux héritiers de ma petite fortune (si l'on peut l'appeler ainsi), partagez-la loyalement, et supportez-vous et aidez-vous l'un l'autre, tout ce que vous avez fait qui me répugnait, vous le savez, vous a été pardonné depuis longtemps, toi frère Carl, je te remercie encore particulièrement pour l'attachement que tu m'as témoigné ces tout derniers temps, je vous souhaite une vie meilleure et moins soucieuse que la mienne, recommandez à vos enfants la vertu, elle seule peut rendre heureux, pas l'argent, je parle par expérience, c'est elle qui même dans la misère m'a élevé, je la remercie autant que mon art, pour m'avoir fait éviter le suicide – adieu et aimez-vous, – je remercie tous mes amis, en particulier le Prince Lichnowski et le Professeur Schmidt. – Je souhaite, si vous le voulez bien, que les instruments du Prince L. soient conservés par l'un de vous, mais qu'il ne s'élève à cause de cela aucune dispute entre vous, dès qu'ils pourront vous être utiles, vendez-les tout simplement, comme je serais heureux de pouvoir encore vous rendre service sous la tombe – s'il en va ainsi, c'est avec joie que je m'empresse vers la mort – mais si elle vient avant que je n'aie eu l'occasion de faire éclore toutes mes facultés artistiques, alors, malgré ma rude destinée, elle vient encore trop tôt, et je la souhaiterais volontiers plus tardive – pourtant, ne serais-je pas alors aussi content, ne me délivrerait-elle pas d'une souffrance infinie ? – viens quand tu veux, je vais courageusement vers toi – adieu et ne m'oubliez pas tout à fait une fois mort, j'ai mérité cela de vous, parce que j'ai souvent, dans ma vie, pensé à vous rendre heureux, soyez-le –
Ludwig van Beethoven, Heiligenstadt, le 6 octobre 1802.
Heiligenstadt, le 10 octobre 1802. – Ainsi je te fais mes adieux – et certes tristement – oui, à toi, espérance aimée – que je portais avec moi jusqu'à présent – l'espérance d'être guéri au moins jusqu'à un certain point – elle doit maintenant me quitter complètement, comme les feuilles d'automne tombent et se flétrissent, elle aussi est morte pour moi, presque comme je suis venu ici – je m'en vais – même le grand courage – qui m'animait souvent durant les beaux jours d'été – il a disparu – ô Providence ! – laisse-moi une fois goûter la joie d'un jour pur – cela fait si longtemps que la résonance intérieure de la vraie joie m'est étrangère – oh ! quand – oh ! quand, ô Dieu ! – pourrai-je dans le temple de la nature et des hommes l'éprouver à nouveau ? – Jamais ? – Non – oh ! cela serait trop difficile.
1. Les crochets indiquent que le nom du frère de Ludwig, Johann, ne figure pas sur le manuscrit (l’espace est au contraire laissé vide).
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Un site très complet sur Beethoven.
10:59 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (1)
Akira Endo.
Ce chercheur de 74 ans vient de remporter le très prestigieux « Lasker~DeBakey Clinical Medical Research Award » 2008 pour avoir un des premiers à travailler dans les années 70 sur ce qui allait devenir les statines. L'an dernier, ce prix avait récompensé deux autres pionniers dans le domaine cardio-vasculaire, plus précisémment le développement des prothèses valvulaires cardiaques, le français Alain Carpentier et Albert Starr.
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L’article du Washington Post qui en parle.
Un article de Wikipédia sur Akira Endo.
Une page consacrée à Akira Endo sur le site web de « The Lasker Foundation ».
08:36 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)
13/09/2008
L’épine dans la chair.
Le chemin de Damas, par Gustave Doré.
Voilà un article qui ne fait pas avancer la science, mais que j’ai trouvé intéressant et enrichissant.
L’auteur s’interroge mi-sérieusement sur l’hypothèse que la très fameuse « Epine (ou écharde) dans la chair » (2 Corinthiens 12:7) de Saint Paul était en fait une épilepsie.
C’est déjà drôle car on parle d’épine irritative en épileptologie (est-ce un hasard ?).
En lisant cet article, j’ai appris que l’épilepsie était appelée par les romains « morbus insputatus », la maladie devant laquelle on crache, car il était d’usage de cracher devant un épileptique afin, peut-être d’en « conjurer la contagion », comme le précise René Soulayrol.
Or, justement, dans son épître aux Galates, Saint Paul précise : « et, en votre épreuve dans ma chair, vous n’avez pas eu de mépris ni craché, mais vous m’avez accueilli comme un messager d’Elohîms, comme Iéshoua‘, le messie. » (Galates 4 :14).
Je suis allé chercher cette version, dite d’« André Chouraqui », afin de faire apparaître le mot « craché ». Mais on peut y voir une allusion au « morbus insputatus ».
René Soulayrol précise toutefois que l’épilepsie n’avait pas l’apanage d’être une maladie faisant cracher les autres au temps des romains. J’essaye d’imaginer un tuberculeux cracheur à Subure, au temps de la République. Au bout de quelques semaines, tout le quartier crache, entre les contaminés et ceux qui ont peur de l’être…
Plus intéressant, l’auteur précise que la stimulation de certaines régions cérébrales spécifiques pouvait conduire à un état d’extase, au sens religieux du terme.
Les symptômes observés étant : sensation de lévitation et « impression de bonheur ineffable et d’union avec un être supérieur » (face interne lobe temporal), abolition des frontières entre le soi et le non soi (inhibition des zones pariétales).
Saint Paul ne dit pas autre chose :
1 Il faut se glorifier... Cela n'est pas bon. J'en viendrai néanmoins à des visions et à des révélations du Seigneur.
2 Je connais un homme en Christ, qui fut, il y a quatorze ans, ravi jusqu'au troisième ciel (si ce fut dans son corps je ne sais, si ce fut hors de son corps je ne sais, Dieu le sait).
3 Et je sais que cet homme (si ce fut dans son corps ou sans son corps je ne sais, Dieu le sait)
4 fut enlevé dans le paradis, et qu'il entendit des paroles ineffables qu'il n'est pas permis à un homme d'exprimer.
5 Je me glorifierai d'un tel homme, mais de moi-même je ne me glorifierai pas, sinon de mes infirmités.
6 Si je voulais me glorifier, je ne serais pas un insensé, car je dirais la vérité; mais je m'en abstiens, afin que personne n'ait à mon sujet une opinion supérieure à ce qu'il voit en moi ou à ce qu'il entend de moi.
7 Et pour que je ne sois pas enflé d'orgueil, à cause de l'excellence de ces révélations, il m'a été mis une écharde dans la chair, un ange de Satan pour me souffleter et m'empêcher de m'enorgueillir.
(2 Corinthiens 12:1-7, version Louis Segond)
Enfin, j’ai découvert que Sainte Thérèse d’Avila, Dostoïevski et d’autres auraient aussi souffert de ces syndromes d’épilepsie à crise extatique (ici et ici). Le web fourmille de débats passionnés sur qui était épileptique et qui ne l’était pas et si la croyance est comitiale.
Traiter la foi par un antiépileptique ?
Je n’irais pas jusque là. Etant donné les effets secondaires de ces molécules, ce ne serait pas raisonnable en terme de santé publique.
En tout cas, je pense que le prochain grand mystique a bien plus de chance d’être originaire d’un pays en voie de sous développement que de nos pays dits « développés ». Pas à cause de nos « pseudo sagesses » et « fausses idoles », stigmatisées par Benoît XVI, mais plutôt car tout mystique en puissance dans notre monde occidental surmédicalisé a de grandes chances de se retrouver sous phénobarbital ou valproate de sodium avant de voir son premier ange annonciateur. Parions donc que la prochaine religion dominante sera africaine.
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Soulayrol R. Saint Paul ou « l’épine dans la chair ». Epilepsies. Janvier, Février, Mars 2006 ; 18(1) : 47-50.
Comprendre les épilepsies pour mieux les traiter (Document Inserm)
17:40 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)
Une histoire simple.
Discuter avec ses patients est une expérience riche et sans cesse renouvelée.
C’est ce qui fait une bonne partie de l’intérêt du métier. L’histoire que je vais raconter n’est pas extraordinaire, sa valeur tient dans le seul fait qu’elle représente une portion de vie. Je n’en tire aucune morale, aucune leçon, faites de même.
Ce patient octogénaire vif et rondouillard sort d’une chirurgie cardiaque lourde, il est entouré et aimé de sa famille. Je l’ai suivi en préopératoire, et j’ai été très content de le retrouver en bonne forme ensuite.
Comme toujours, chez mes patients, je leur demande « ce qu’ils font/ont fait dans la vie ».
« J’ai fait l’Indochine, puis 45 ans comme manutentionnaire ». Son adolescence a été houleuse, fils d’un petit fonctionnaire départemental, il trafiquait et volait avec ses copains. Difficile de croire ça quand on le voit, débonnaire, l’œil rieur, malgré son âge et sa maladie. Il se fait embarquer par la police, et reçoit la visite de son père au poste.
« Qu’est-ce que tu vas faire, maintenant ? ». Il ne savait pas. Son père lui a alors dit : « tu as le choix, la prison, ou tu t’embarques pour l’Indochine comme volontaire, pour te battre là-bas ».
Il a pris la seconde option et s’est engagé comme parachutiste à l’âge de 18 ans. Il a sauté vingt fois, sans jamais tomber sur un ennemi : « ils partaient en nous voyant, et il ne restait que les femmes, on pouvait quand même pas leur tirer dessus ! ».« On sautait beaucoup pour parader, pour faire plaisir aux généraux qui nous attendaient en bas».
Quand il n’était pas au front, il faisait le chauffeur, ce qui lui permettait de faire des virées avec ses copains. « On chassait, on péchait à la dynamite ».
Les filles de là-bas, il en a eu des tas. « Ils étaient tellement pauvres qu’une tablette de chocolat suffisait pour avoir une ou deux filles ».
Il a quand même participé à des combats, et a sauté sur une mine, heureusement sans gravité (il m'a montré sa blessure).
Au bout de trois ans, il est rentré en France, et son père l’a fait rentrer dans une administration. Il n’a jamais plus fait de conneries, a rencontré sa femme, aujourd’hui décédée, et a mené sa petite vie pépère, loin de son passé turbulent de petit délinquant et de para. Vous ne vouliez pas rester dans l'armée ? « Ca va pas, non ?!».
10:49 Publié dans Des patients... | Lien permanent | Commentaires (2)
12/09/2008
Le Canard de la semaine.
Je n’ai pas encore terminé la lecture du Canard Enchaîné de cette semaine, mais je voulais vous signaler deux pépites.
La première est une caricature de Lefred-Thouron, située en une et dont le titre est « Sait-on jamais ».
Cette excellente caricature a plusieurs degrés de lecture, dont certains franchement politiquement incorrects, et c’est ce qui en fait toute sa valeur.
J’aimerais avoir un accès à un univers parallèle pour connaître les réactions qu’elle aurait engendrées si ce dessin avait été à la une du « Figaro », par exemple (à vrai dire, je ne sais même pas si il y a régulièrement une caricature à la une de ce journal). Mais bon, c’est une image, vous avez compris le fond de ma question.
J’en tire deux conclusions très générales.
La première est qu’une grande partie du message véhiculé par une œuvre, et donc des réactions suscitées ne dépend pas de l’œuvre elle-même, mais du contexte l’environnant.
La seconde concerne la circularité des positions politiques/philosophiques au sein d’une population. Les extrémités d’une droite se rejoignent et forment un cercle.
Seconde pépite, un article de Hervé Liffran titré « Levez la pa-patte et dites : je le jure ».
Le journaliste se paye la tête d’un magistrat qui aurait fait comparaître un labrador comme témoin dans une sombre affaire criminelle. Ce même magistrat avait tenté de faire perquisitionné les locaux du Canard en mai 2007.
On comprend alors aisément pourquoi cet article est si bon et écrit avec autant de verve.
A lire absolument.
08:37 Publié dans Divers et variés | Lien permanent | Commentaires (5)
11/09/2008
Certains articles sont plus égaux que d’autres.
Je viens de lire deux articles intéressants, publiés en ligne le 8 septembre par Circulation.
Je ne parlerai pas du premier, mais je conseille de le lire à ceux qui s’intéressent à la médecine vasculaire. Le sujet de ce travail est la récidive d’une thrombose veineuse profonde des membres supérieurs et la survie des patients dans les suites d’une première thrombose.
Le second corrèle le taux de citation d’articles cardio-vasculaires parus dans trois revues prestigieuses entre 2000 et 2005 à la nature des sources de financement.
Plus un article est cité, plus il a des chances d’avoir une influence importante sur la pratique médicale.
Les auteurs classent les sources en trois catégories : organisations à but non lucratif (l’Etat fédéral, certaines fondations), à but lucratif (principalement l’industrie pharmaceutique) et les sources dont les fonds sont mixtes.
Je ne vais pas paraphraser l’article, mais donner quelques résultats intéressants :
Le nombre médian de publications annuelles citant les articles choisis par les auteurs (en tout 303 articles) est de 29 pour les sources à but non lucratif, 37 pour les sources mixtes et 46 pour les sources à but lucratif.
Si on s’intéresse aux essais qui démontrent la supériorité d’un nouveau médicament par rapport à un traitement de référence, on obtient respectivement 25, 36 et 52. C'est-à-dire un rapport de 2
Très curieusement (expression purement rhétorique), si on s’intéresse aux essais « négatifs », c'est-à-dire montrant la supériorité du traitement de référence, on obtient respectivement : 41, 13 et 33.
L’explication des auteurs est intéressante : la puissance financière des firmes pharmaceutiques permettent de diffuser les résultats de « leurs » études auprès des « leaders d’opinion », dans la presse médicale et autre, de financer des études ancillaires…
Les firmes font donc tout pour faire parler de leurs produits, on le savait déjà. Mais ce que ce travail pointe est qu’elles sont parfaitement capables de « tailler » la recherche clinique comme le ferait un jardinier d’un arbuste. C'est-à-dire couper les branches indésirables et favoriser d’autres, plus prometteuses, en tout cas pour l’industriel.
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Conen D, Jose Torres J, and Ridker PM. Differential Citation Rates of Major Cardiovascular Clinical Trials According to Source of Funding. A Survey From 2000 to 2005. Circulation 2008: published online before print September 8, 2008, 10.1161/CIRCULATIONAHA.108.794016.
Flinterman LE, van Hylckama Vlieg A, Rosendaal FR, and Doggen CJM. Recurrent Thrombosis and Survival After a First Venous Thrombosis of the Upper Extremity. Circulation 2008: published online before print September 8, 2008, 10.1161/CIRCULATIONAHA.107.748699.
22:07 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (1)
Le chien
Francisco de Goya. Le chien (Peintures noires)
10:08 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (3)
10/09/2008
Stress
Stress Stress Stress Stress Stress Stress Stress Stress Stress Stress Stress Stress …
(et je ne peux même pas vous en parler)
20:50 Publié dans ma vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (5)
09/09/2008
L’apprenti sorcier.
Blanche Neige et les sept nains. ©Disney
Parfois, les médecins se souviennent de leur lointain passé chamanique, et de l’époque où ils composaient des potions improbables ou des remèdes de bonne femme pour tenter de soigner les maux de leurs congénères. Des milliers d’années d’atavisme médical ne s’oublient pas aussi facilement.
Il y a peu, je suis tombé sur la recette d’une potion tout à fait infernale.
Cette ordonnance, délivrée sans problème apparent par la pharmacie du coin tente de traiter une petite dame octogénaire hypertendue et qui a apparemment une insuffisance cardiaque à fonction systolique peu altérée.
Regardons cette ordonnance potion:
KARDEGIC 160MG, 1 sachet le matin
ODRIK 2MG, 1 gélule le matin et le soir
CO-OLMETEC 20MG/12,5MG, 1 comprimé le matin
PROCORALAN 5MG, 1 comprimé le matin et le soir
LASILIX 40MG, 1 comprimé le matin
KALEORID LP 600MG, 1 comprimé le matin
ALDALIX 50MG/20MG, 1 gélule le matin
ZYLORIC 200MG, 1 comprimé le matin
LANGORAN LP 40MG, 1 gélule le matin et le soir
IKOREL 10MG, 1 comprimé le matin et le soir
STILNOX 10MG, 2 comprimés la nuit
DOLIPRANE 1000MG, 1 comprimé le matin, à midi et le soir
LYSANXIA 10MG, 1 comprimé le matin, à midi et le soir
On y trouve 22 comprimés gélules ou sachets à prendre par jour, soient 14 principes actifs différents.
L’Odrik et le Co-olmetec sont respectivement un IEC et une association ARA2+furosémide que l’on associe qu’exceptionnellement, en tout cas pas dans son cas.
On trouve des diurétiques dans 4 médicaments : furosémide dans le Lasilix (40 mg) et l’Aldalix (20 mg), hydrochlorothiazide dans le Co-olmetec (12.5 mg) et spironolactone dans l’Aldalix (50 mg).
Trois anti-angoreux à l’efficacité, comment dire, « cliniquement subjective » (Procoralan, Langoran et Ikorel) mais dont deux sont clairement hypotenseurs (Ikorel et Langoran). Le problème est aussi que cette patiente n’est a priori pas coronarienne.
Je passe pudiquement sur l’association Lysanxia et Stilnox qui fait un sacré cocktail pourvoyeur de chutes en association avec 6 médicaments anti-hypertenseurs, ou hypotenseurs (Odrik, Co-olmetec, lasilix, aldalix, langoran, ikorel)
Pourquoi le Kardégic ? Rien dans le dossier ne l’explique. La faire saigner plus abondamment en cas de chute ? Possible.
Pourquoi le Kaélorid ? Là c'est facile: pour contrecarrer les effets secondaires du furosémide et de l’hydrochlorothiazide qui sont très hypokaliémiants ! Personnellement, je n’aurais pas osé associer du potassium, avec trois molécules qui augmentent la kaliémie : de la spironolactone, un ARA2 et un IEC. En somme, j’appuie à fond sur le frein et l’accélérateur en même temps. Chaud devant mémé !
Le Zyloric ? Et bien, là aussi, c'est facile: c’est pour diminuer l’acide urique que font monter le furosémide et l’hydrochlorothiazide.
Je n’ai pas non plus traqué toutes les interactions à l’aide d’un logiciel spécifique, si vous en voyez d’autres, à vot’ bon cœur !
J’en tire deux conclusions : la polymédication est toujours en 2008 un fléau qui dévaste nos ordonnances, et le corps humain est vraiment très résistant !
Blanche Neige et les sept nains. ©Disney
17:01 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (14)