Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« 2006-04 | Page d'accueil | 2006-06 »

14/05/2006

De garde.

Vendredi, j’ai eu une garde agitée.

A l’hôpital, ce n’est pas inhabituel, mais ma nuit n’a été entrecoupée que de rares plages de sommeil.

Appel du SAMU à 20h00, pour admettre une dissection aortique. Il est un peu loin, l’hélicoptère ne peut pas décoller, il arrivera un peu plus tard dans la nuit.

A 22h30, l’homme d’une soixantaine d’année  rentre directement au bloc.

Il sort vers 4h00 (la pire des heures). L’intervention a été remarquablement courte, et le patient stable toute la nuit. En le réceptionnant, nous avons évoqué un temps bien révolu avec les infirmier(e)s.

Les plus anciennes se souvenaient qu’on ne les opérait pas, et que l’on attendait une fin quasiment inéluctable (1% de mortalité par heure dans les premiers jours). Les moins anciennes se souvenaient des premières interventions, débouchant presque toutes sur un décès, ou des séquelles importantes.

Je me souviens des interventions qui duraient 8-12 heures au début de mon internat, avec des résultats assez aléatoires.

Maintenant, l’intervention et le postopératoire sont presque « banals ».

Il faut dire que ce patient avait une vie saine, sans hypertension, sans tabac, sans facteurs de risque opératoire en somme.

C’est le chirurgien qui a trouvé la cause de la dissection : une bicuspidie aortique très calcifiée, sténosante même.

Un peu plus tard dans la nuit (23h00, la pire des heures) une infirmière me fait remarquer que le pacemaker externe d’une patiente endormie(elle n’est pas intubée) semble dysfonctionner. Je regarde ; en effet, certaines stimulations n’entraînent pas de contraction (facilement visible lorsque l’on a une pression artérielle sanglante). Je règle l’appareil, et satisfait, je le repends à la potence. Et là, plus de contraction, artère plate. Arrêt cardiaque.

Je commence à la masser, elle s’assoit l’air effaré, et gaspant pour chercher un oxygène qui ne peut plus alimenter ses organes, du fait de l’absence de débit cardiaque.

On la recouche à plusieurs pour continuer le massage.

C’est assez difficile d’agir dans l’urgence et de réfléchir en même temps et en pleine nuit. Au bout de 10-15 secondes éternelles, je vérifie les connections du pacemaker, et je remarque qu’une fiche est sortie de son emplacement.

Je la rebranche, le rythme repart, on rassure la malade qui a vécu un horrible cauchemar, mais bien réel, celui-ci.

En allant m’allonger, je me demande si je suis encore capable d’assurer des gardes en réa. Cette question est assez récurrente en ce moment, car je récupère de moins en moins bien, et je me questionne sur mes capacités à gérer des patients lourds.

Je me demande si j’ai encore les bons réflexes.

Bon, d’un autre côté, je me suis toujours posé cette question : au début à cause du manque d’expérience, puis à cause du manque de gardes (j’avais arrêté pendant 5 mois quand j’étais sur Paris), puis maintenant, après 200-220 gardes, je me demande si je ne suis pas trop vieux…

           

Je m’endors.

Je rêve que je participe à un concours hippique avec Elisabeth II.

   

Appel à 6 heures (la pire des heures) : un patient greffé cardiaque ventilé, ne ventile plus, justement.

L’infirmière a vite fait le diagnostic : le ballonnet de la sonde d’intubation s’est percé.

Et hop, petite intubation à l’aube.

Je ne me recouche pas, et commence à lire le bouquin que j’avais emmené (l’Enéide modernisée par G. Chandon).

  

Une infirmière vient me chercher : la dialyse d’une patiente vient de tomber en rade.

Il faudrait remettre un catheter veino-veineux dans une veine centrale, son abord fémoral étant de toute évidence devenu indisponible.

D’habitude j’aime bien ça.

Mais pas cette fois : nuit quasi blanche, patiente de plus de 100 Kgs, l’autre veine fémorale déjà occupée, pas de cou (du moins, on ne le voit pas sous les replis graisseux), et plein de petites excoriations potentiellement infectées sur les voies d’abord des deux sous-clavières.

Je dis à l’infirmière que la relève va se charger de ça.

Je retourne à mon bouquin.

  

La relève arrive à 8h30.

Enfin !

08/05/2006

The Constant Gardener.

J’ai trouvé une série d’articles du « Washington Post » ici et ici.

  

J’ai résumé un de ces papiers qui me semble fort intéressant.

 

Il raconte comment un laboratoire pharmaceutique a expérimenté en 1996, semble-t-il en dehors de tout cadre légal, un nouvel antibiotique (la Trovafloxacine ou Trovan®) chez de jeunes enfants nigérians souffrant de méningite.

Ce nouveau médicament a été donné à 100 enfants alors que d’autres étaient traités au même moment par MSF, à l’aide de thérapeutiques approuvées.

 

Cet essai a été qualifié par un rapport nigérian « d’illégal, avec une molécule non enregistrée », soit « un cas clair d’exploitation de l’ignorant ». Ce rapport, rédigé il y a cinq ans n'a jamais été publié. Plusieurs des rares copies disponibles ont disparu mystérieusement au cours des dernières années. Un exemplaire est cependant arrivé à la rédaction du "Post", grâce à un informateur anonyme.

Le laboratoire a déclaré avoir agit dans un « but purement philanthropique », afin d’aider les médecins sur place. Toutefois, les médecins employés par la firme semblent avoir quitté la zone à la fin de l’essai, alors que l’épidémie faisait toujours rage.

L’information n’a été qu’orale, semble-t-il (il n’existe aucun document disponible sur le consentement « éclairé » des parents).

Une lettre antidatée justifiant l’acceptation du comité d’éthique nigérian a été rédigée par l’investigateur principal de l’essai, après la fin de celui-ci. De plus, cette lettre avait un en-tête d’un comité d’éthique qui n’avait pas été encore créé à l’époque.

L’investigateur principal de l’étude déclare n’avoir jamais été mis au courant des résultats de cet essai. Il déclare par ailleurs n’avoir vu les articles scientifiques, dont il était le premier auteur que lorsque la commission d’enquête nigériane les lui a présentés.

Cette commission a estimé que cet essai a violé : la loi nigériane, la déclaration d’Helsinki (qui régule l’expérimentation médicale), et la convention des Nations-Unies sur les droits de l’enfant.

Sur 100 enfants prenant de la trovafloxacine, 5 sont décédés. Six autres sont décédés en prenant le médicament de comparaison. L’imputabilité de la trofloxacine dans ces décès n’a pas été établie.

La firme a répondu n’avoir pas été contactée par le gouvernement nigérian et donc juge inapproprié de répondre sur les conclusions du rapport.

Toutefois, elle déclare avoir agit en connaissance de cause du gouvernement nigérian, et en accord avec la loi nigériane et les textes de la compagnie régulant la sécurité des patients.

Les infirmières locales auraient donné aux parents des explications, et ses derniers auraient donné leur accord verbal. De plus le laboratoire précise que la trovafloxacine avait été étudiée largement avant cette expérimentation, et que cette molécule a obtenu le  meilleur taux de survie lors de cet essai.

Enfin, la firme déclare que la trovafloxacine a sauvé des vies et que la société désapprouve vigoureusement l’accusation d’avoir conduit cet essai de façon « non éthique ».

Le « Post » précise que le Trovan® devait rapporter 1 milliard de dollars par an, mais que la FDA n’a jamais autorisé son utilisation chez l’enfant. Chez l’adulte, ses effets secondaires (hépatiques, cas de décès inexpliqués) ont conduit à une restriction d’utilisation en 1999.

Cette molécule n’a jamais été autorisée en Europe.

**********************************

En somme, une histoire compliquée ou tout le monde se renvoie la balle, sur fond de misère africaine.

Quelques QCM suivent, pour voir si vous avez bien compris ma note(!!).

  

***

- Pourquoi le labo a expérimenté en Afrique une molécule destinée aux pays occidentaux ?

           

A.    Pour faire bénéficier aux enfants africains des dernières nouveautés thérapeutiques, avant même leur commercialisation en Occident.

B.     Pour pénétrer le marché africain, et ravir la première place du palmarès des antibiotiques aux préparations magistrales des marabouts.

C.     Parce qu’en cas de problème, une demi-chèvre remplacera bien un petit enfant mort d’effets secondaires.

D.    Parce que l’application de la législation nigériane est inversement proportionnelle aux dessous de table.

E.     Parce que le marché de la méningite est en pleine expansion dans les pays occidentaux.

***

- Pourquoi la lettre du comité d’éthique est fausse ?

A.    Parce que le comité d’éthique n’existait pas encore, ce qui le rendait incorruptible.

B.     Ce n’est pas un faux, c’est une anticipation.

C.     Parce que le Mze, il a dit que ce papier était important pour les autres Mze de son pays.

D.    C'est pas moi qui l'ai écrite, ni les articles d'ailleurs, je sais ni lire, ni écrire!

E.     Ce n’est pas un faux, on l’a écrite à l’insu de mon plein gré (comme les articles).

***

- Pourquoi cette démarche est éthique et désintéressée ?

A.    Parce les familles des enfants n’ont pas eu à payer un traitement coutant 5.93 dollars par comprimé.

B.     Parce que le comité d’éthique l’a dit dans une lettre

C.     Parce que les médecins de la firme ont aidé à combattre une grave épidémie de méningite, et cela même si ils ont du revenir au pays précipitamment (par peur de la contamination, et ils ont préféré  laisser leur trovafloxacine pour l’entier bénéfice des petits africains -quel cœur, tout de même-).

D.    Tout a été fait selon les règles. On a expliqué tous les effets secondaires potentiels aux familles. A propos, vous savez comment on dit "hépatite fulminante parfois mortelle" en yorouba?

E.     Ethique, on ne sait pas, mais désintéressé, c’est certain. Aucun intérêt pour ces gosses !

***

07/05/2006

Sortie du dimanche.

Ce jour, nous sommes allés à la journée « portes ouvertes » d’un régiment de blindés, non loin de chez nous.

Journée ensoleillée, des gros engins de partout, les petits étaient aux anges.

Bon, pour être honnête, c’est surtout la petite kermesse et ses châteaux gonflables qui leur ont plu.

Guillaume n’a voulu faire aucune attraction tenue par les militaires. Dommage, les petits, grimés et en tenue de camouflage faisaient des petits parcours assez sympas (tyrolienne, camouflage et infiltration, lancer de grenades (factices !) et tirs à blanc). Les militaires s’occupaient vraiment bien des gamins.

Le clou de la journée était le char Leclerc, dont le régiment est richement doté. On pouvait monter sur l’engin, et même se mettre à la place du pilote. Le moteur, énorme, est extractible comme un vulgaire poste de radio, pour en faciliter l’entretien

C’est un engin vraiment énorme, mais le plus impressionnant a été de le voir à l’œuvre.

Les militaires ont joué ce qu’on pourrait appeler une scénette de rue !

Un barrage de miliciens, quelque part en ex-Yougoslavie, de braves pioupious français pris pour cible.

Ils font appel à 2 chars Leclerc qui nettoient (on devine la voiture qui passe sous les chenilles du char lancé à pleine vitesse -je sais, la photo ne rend pas du tout cette impression- !) le barrage. Les photos sont éloquentes.

Ce qui m’a le plus impressionné, c’est la vitesse et la puissance de cet engin. Je n’ai même pas vu l’impact, bien qu’à une dizaine de mètres, et juste à l’aplomb de la carcasse.

En gros, un gros bruit de moteur, un swoooch et plus de voiture !

Bon, dans pas longtemps, ces militaires vont être déployés en Afrique et en ex-Yougoslavie pour des missions de maintien de la paix. Espérons qu’ils reviendront tous sains et saufs.

Cadeau bonus, en exclusivité : l’intérieur d’un canon de Leclerc !