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21/10/2006
La première pierre dans le jardin.
Les habitués de ce blog doivent se souvenir des deux notes (ici et ici) que j’avais rédigées sur le rimonabant (Acomplia®), molécule « miracle » contre un syndrome forgé de toutes pièces pour l’occasion, le « syndrome cardio-métabolique ».
Je remarquais toutefois que le magnifique plan communication mis en place par Sanofi-Aventis ne parvenait toutefois pas à cacher des résultats assez maigres des essais « RIO ». Par ailleurs, la FDA (autorité de santé américaine) tarde toujours à donner son feu vert à sa commercialisation aux EU...
Le 18/10, « The heart.org » relatait la parution d’une méta-analyse dans la « Cochrane Library » confirmant cette impression.
Je n’ai jamais évoqué cette immense base de données, mais la « Cochrane Library » est en fait le temple de l’ « Evidence Based Medicine » qui représente le fondement à l’heure actuelle de la recherche médicale.
Elle est réputée pour son sérieux et sa rigueur scientifique.
L’accès au papier est malheureusement payant, je n’ai pu lire que l’abstract.
Je l’ai reproduit ci-dessous, c’est bref mais saignant.
Si on résume encore plus brutalement : les 4 études RIO, que tant de « leaders d’opinion » ont loué sans restriction sont méthodologiquement défaillantes.
En conclusion, des études jugées non rigoureuses ont montré une baisse de poids de 4.9 Kg sur un an (ce qui est loin d’être remarquable), avec des effets secondaires parfois « sérieux ».Les auteurs suggèrent de mettre en place des études dignes de ce nom pour statuer correctement sur la balance risque/bénéfice de ce traitement.
Attendons la réponse des auteurs du programme « RIO »….
Mais je crains que la suite de la carrière du rimonabant soit difficile.
°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°
Rimonabant for overweight or obesity
C Curioni and C André
Cochrane Database of Systematic Reviews 2006 Issue 4 (Status: New)
Copyright © 2006 The Cochrane Collaboration. Published by John Wiley & Sons, Ltd.
DOI: 10.1002/14651858.CD006162.pub2 This version first published online: 18 October 2006 in Issue 4, 2006
Date of Most Recent Substantive Amendment: 24 August 2006
This record should be cited as: Curioni C, André C. Rimonabant for overweight or obesity. Cochrane Database of Systematic Reviews 2006, Issue 4. Art. No.: CD006162. DOI: 10.1002/14651858.CD006162.pub2.
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Abstract
Background
Worldwide, the prevalence of obesity and overweight in industrialized countries and in a substantial number of developing countries is increasing at an alarming rate. Rimonabant is a selective cannabinoid-1 receptor antagonist that has been investigated for its efficacy in reducing body weight and associated risk factors in obese people. Phase III trials are now under way to test the use of rimonabant for long-term weight-loss. Given the prevalence of overweight and obesity, it is important to establish the efficacy and safety of rimonabant.
Objectives
To assess the effects of rimonabant in overweight and obese people.
Search strategy
MEDLINE, EMBASE, The Cochrane Library, LILACS, databases of ongoing trials and reference lists were used to identify relevant trials. The last search was conducted in June 2006.
Selection criteria
Randomised controlled trials comparing rimonabant with placebo or other weight loss interventions in overweight or obese adults.
Data collection and analysis
Two reviewers independently assessed all potentially relevant citations for inclusion and methodological quality. The primary outcome measures were weight loss change, morbidity and adverse effects occurrence.
Main results
Four studies evaluating rimonabant 20 mg versus rimonabant 5 mg versus placebo in addition to a hypocaloric diet lasting at least one year were included. Compared with placebo, rimonabant 20 mg produced a 4.9 kg greater reduction in body weight in trials with one-year results. Improvements in waist circumference, high-density lipoprotein cholesterol, triglyceride levels and systolic and diastolic blood pressure were also seen. However, the results with rimonabant 5 mg demonstrated a weight reduction which was only 1.3 kg greater when compared with placebo. No clinically relevant effects on plasma lipids and blood pressure were found. Rimonabant 20 mg caused significant more adverse effects both of general and serious nature, especially of nervous system, psychiatric or gastro-intestinal origin. Attrition rates were approximately 40% at the end of one year.
Authors' conclusions
The use of rimonabant after one year produces modest weight loss of approximately 5%. Even modest amounts of weight loss may be potentially beneficial. The observed results should be interpreted with some caution, though, since the evaluated studies presented some deficiencies in methodological quality. Studies with longer follow-ups after the end of treatment and of more rigorous quality should be done before definitive recommendations can be made regarding the role of this new medication in the management of overweight or obese patients.
Plain language summary
Rimonabant 20 mg produces modest weight loss among adults with overweight or obesity
Rimonabant is the first drug of a new class of medications that seems to reduce body weight and improve risk factors for diseases of the blood vessels and heart in people who are overweight or obese. We found four studies which evaluated weight loss, occurrence of disorders and adverse effects of treatment. The four studies involved 6625 people comparing rimonabant 20 mg with rimonabant 5 mg and placebo, in combination with a hypocaloric diet after one or two years of treatment. Greater weight loss and improvement in risk factors were seen after 20 mg of rimonabant. These results have to be interpreted with caution though, due to high discontinuation rates of study participants and the overall low quality of the included studies.
We conclude that: 1. average weight loss with rimonabant appears modest, and 2. more rigorous studies examining the efficacy and safety of rimonabant are required to fully evaluate the benefit risk ratio of this new drug.
19:25 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)
18/10/2006
L’éloge de la tabagie.
Bonjour, noble assemblée, permettez-moi de me présenter, bien que beaucoup parmi vous me connaissent déjà.
Pour les autres, je suis la tabagie.
Je parais devant vous pour me défendre d’un bien vilain procès que certains Tartuffe voudraient m’intenter. Oh, je vois bien que certains d’entre vous qui se croient dans leur bon droit ou qui ne m’ont pas connue me lancent des regards mauvais ; les autres baissent les yeux, ceux qui ont honte d’être mes intimes, ou pire encore, ceux qui croient pouvoir se passer de moi.
Mais ceux-ci me reviendront, éperdus ; ce n’est qu’une question de temps.
De quoi avez-vous honte ?
Etes-vous donc assez bêtes pour croire les Cassandre qui me condamnent ?
Il n’y a qu’une seule Cassandre, et je l’ai bien connue. Cette petite oie a bien mal fini à force d’avoir toujours raison, et sa chère Cité s’est élevée au ciel comme toute bonne cigarette, comme un nuage de fumée.
Vous semblez surpris. Vous ne pensiez tout de même pas que je suis la fille de Nicot. Brave homme, au demeurant, qui m’a donné un essor remarquable, mais j’y reviendrai. Seule, je parvenais à atténuer les migraines de Catherine. Pardonnez-moi mon intimité avec cette grande reine de France, mais elle me doit bien cela. Son mari, qui ne me goûtait guère, a d’ailleurs fini avec un sacré mal de tête !
Mais, même si je ne fais pas mon âge, je suis immémoriale. Les premiers hommes fumaient bien avant Nicot. Déjà, un de mes premiers adeptes, un roi assyrien (je ne me souviens plus de son nom, excusez ma mémoire, cela fait si longtemps) s’est fait représenter fumant sur un petit cylindre. Vous le voyez, je suis un plaisir de Rois.
Et même au delà, puisque, pauvres mortels, qu’offrez-vous donc en offrande à toutes vos divinités depuis les Esprits de la forêt, jusqu’à Jésus-Christ, sinon de la fumée ?
Ce n’était pas encore du tabac, mais qu’importe, l’idée y était déjà.
Sautons d’un pas allègre quelques siècles, et rapprochons-nous de Nicot.
Luis de Torrès et Rodrigo de Jerez, compagnons de Colomb avaient déjà subodoré que les sauvages découverts en cette année 1492 ne sont pas ceux qui le semblent au premier coup d’œil. De rage devant tant de raffinement, les Européens, jaloux, les ont massacrés. C’est comme cela que ça s’est passé, pas autrement, je vous le dis :
"Nous observâmes avec inquiétude ce qui nous a semblé être un sacrifice rituel par le feu, car nombre de ces indigènes portaient à leur bouche des tubes ou des cylindres se consumant à leur extrémité et ils les suçaient, des tubes à travers lesquels ils aspiraient de la fumée, et de leur apparent confort nous en déduisons qu'il doit s'agir d'un rituel important dont ils semblent éprouver une satisfaction des plus grandes. Nous vîmes même d'ailleurs ces indigènes s'offrir les uns aux autres ces tubes étranges et les allumer".
Quel merveilleux texte: fumer, « une satisfaction des plus grandes », « un rituel» !
Tout est dit.
Ensuite, j’ai conquis le Monde, et les hommes ont honoré celui qui m’avait fait connaître : la nicotine était nommée.
J’étais un remède universel, une thériaque contre tous les maux. Et contrairement à cette illustre mais bien vaine panacée, point besoin de dizaines d’ingrédients pour soigner. Un seul, la nicotinia me suffisait.
Je ne vais pas me gargariser de mes conquêtes, vous seriez lassés.
Mais que ferait Humphrey Bogart de ses dix doigts sans moi ? Imaginez-vous une femme fatale avec une pâquerette dans les doigts à la place de son porte cigarette ? Sans moi, le cinéma serait bien fade.
Encore un exemple, le dernier.
Que propose-t-on au condamné à mort, avant de le faire basculer dans le néant, sinon une dernière cigarette ? On ne lui offre ni fleur, ni femme !
Que font beaucoup après l’amour ?
Fumer, sinon quoi faire, mâcher du chewing-gum ?
Imaginez ces milliers de couples de ruminants couchés dans leurs draps de soie !
Ridicule !
Un dernier mot sur ceux qui me décrient tant, les médecins.
Comme je l’ai déjà dit, il m’ont adoré, avant de me brûler (ce qui en soit même n’est pas si désagréable). De panacée je suis devenu un « facteur de risque ».
Quel vilain mot, quelle vilaine évolution. De plaisir royal, voire divin, je suis devenu un « risque » !
Donc, vous, médecins, qui me condamnez, 1/3 d’entre vous me fréquentez en cachette de vos patients, comme si vous aviez honte de moi. Ensuite vous vous aspergez d’eau de toilette bon marché puis mâchez, encore une fois, du chewing-gum. Ruminants vous êtes, ruminants vous resterez !
Vous m’écœurez, car vous mordez la main qui vous nourrit. Imaginez vos salles d’attente bien pleines, sans moi : vides comme le désert de Gobbi. Adieu Cayenne, piscine, maîtresse !
Tout cela, vous me le devez, ne l’oubliez jamais !
Vous connaissez le pari de Pascal ?
J’ai le même, en mieux.
Supposons que ma cigarette tue. Je dis « supposons », car la science ne l’a montré que récemment, et mon ami Philippe Maurice m’a dit que toutes les études de mortalité étaient biaisées. La science est comme la fumée d’une cigarette, elle aspire à s’élever droit, mais est déviée par le moindre zéphyr.
Donc, supposons que ma cigarette tue.
Et bien tant mieux !
On dit que je suis responsable de 60.000 décès par an en France, autant de voitures en moins dans les embouteillages le matin et le soir, autant de personnes en moins devant vous dans la file d’attente devant un guichet de la Poste ou devant le Virgin du coin pour acheter un billet pour aller voir Madonna !
Je sais, je sais, ne me remerciez pas, je sais rester modeste.
Prenons un peu d’ampleur.Le problème grandissant de la surpopulation, de la diminution des ressources terrestres ?
J’éliminerais donc 4.9 millions de personnes dans le Monde, et probablement deux fois plus dans 20 ans. Et vous me reprochez de vicier votre air ? Alors que, bien au contraire, je le purifie en limitant le nombre d’êtres humains pollueurs !
Le réchauffement climatique ?
Je suis encore là !
Moins d’hommes, moins d’activité industrielle, moins de voitures, donc moins de gaz à effet de serre.
Je vous le dis solennellement : je suis la solution de bon nombre de vos problèmes ; bien plus, je suis votre avenir.
Et puis, au niveau individuel, que voulez-vous ? Devenir immortel ?
Primo, vous ne l’êtes pas, secundo, si c’est pour finir seul au monde dans une maison de retraite subventionnée, non-merci. Avec moi, vous finissez dans la fleur de l’âge, aimé et entouré puis pleuré de vos proches, avant d’être un fardeau pour votre famille.
Maintenant, supposons que ma chère cigarette ne tue pas.
Alors, pourquoi cette chasse aux sorcières ?
D’ailleurs, que fait-on à ses malheureuses, sinon les brûler ?
Vous le voyez, je ne suis coupable de rien et je rends des services immenses mais méprisés par la communauté.
Un bon geste, ne me condamnez pas ; mieux, réhabilitez-moi !
Vous n’en auriez pas une ?
°O°O°O°O°O°O°O°O°O°O°O°O°
Merci à Erasme.
Merci au site de l'OMS.
Merci à ce site.
Edition: correction des nombreuses fautes de frappe ;-)
15:00 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (9)
17/10/2006
La cérémonie
Ca m’a rappelé la mienne, et le cérémonial très précis en général (bien que très variable selon les facultés).
Le candidat arrive environ 30 minutes avant l’heure prévue, pour tester la connexion entre le portable et le projecteur. L’assesseur, corse par tradition et par cooptation vérifie que tout est en ordre et donne les dernières consignes. Ensuite, il nous aide à enfiler la toge noire avec épaulette d’hermine. En l’ajustant, au besoin à l’aide d’épingles à nourrice, il glisse à l’oreille du candidat avec un accent inimitable : « L’entretien de la toge coûte cher, et nous n’avons pas de budget… ».
Comprenne qui pourra !
Généralement, tout à son stress, on lui glisse 40-50 euros dans la main. Quatre à 5 thèses par semaine, 20 par mois, soient 800-1000 euros par mois.
Un véritable gouffre, cette toge qui est en fait une ignoble pelure qui n’a pas vu un pressing depuis son tissage dans les années 70. Ou passe donc tout cet argent ? Le nez rubicond et les extrémités tremblantes, les grosses gourmettes (ou est invariablement inscrit le prénom « ANGE ») et les lourdes cartes en or massif et en relief de la Corse pendues au cou de chaque assesseur pourraient être une piste intéressante. Mais en général, on pense plus à la cérémonie à venir qu’à s’offusquer de cet impôt révolutionnaire, de cette offre « que l’ont ne peut pas refuser ». Le dernier qui a essayé a trouvé le soir même dans son lit une tête de cheval mort.
La salle est lambrissée, sauf le mur du fond ou s’étale une fresque qui n’a d’hellénistique que le nom et qui aurait été peinte par un disciple aveugle de Alma-Tadema.
Une estrade supporte une table massive en bois sombre, entourée de chaises pour le jury et le candidat. Sur la table trône un buste d’Hippocrate. Comme personne ne sait à quoi ressemblait le grand homme, il s’agirait en fait du buste du grand oncle par alliance du cousin germain (bien que né à Calvi) de l’appariteur.
L’ensemble est séparé du public par une barrière en bois.
L’assesseur annonce le jury, le public se lève, les membres herminés déboulent à la queue leu leu.
Brève phrase introductive du président du jury : « Nous sommes ici pour examiner le travail de Monsieur X., en vue de lui accorder le titre de Docteur en Médecine. Veuillez commencer ».
La présentation sur Power Point dure environ 20 minutes. En général, les jurys les plus âgés en profitent pour se curer le nez.
Ensuite, le candidat monte sur l’estrade et s’assoit au milieu du jury pour répondre aux questions.
Le plus jeune agrégé commence ; en général c’est le plus pervers, avec les questions les plus délicates. Avant d’entrer dans le vif du sujet, chaque membre du jury fait un panégyrique du candidat («l’interne le plus çi, le plus ça qu’il m’ait été donné de voir… »).
Dans mon cas, un des membres me connaissait à peine, il a quand même brodé un éloge de 5 minutes.
Quel numéro d’acteur !
Invariablement, le Président du jury termine et pose en général les questions les plus gentilles (il est souvent à l’origine du travail, il n’a pas trop intérêt à le démolir…).
Puis le jury sort pour délibérer.
Comme la messe est dite par avance, je me suis toujours demandé ce qu’ils pouvaient se raconter : week-end en mer, au ski, dernières frasques d’untel…
Le jury revient. Le public se lève, et reste debout.
Petit speech du Président qui dit que le jury a accordé le titre du Docteur de Médecine à Monsieur Untel avec mention (le plus souvent très honorable). Il invite enfin le maintenant Docteur en Médecine à prêter serment en levant la main sur le front dégarni d’Hippocrate (de son vrai nom Ange Petrucciani, mais personne d’autre ne le sait…).
Ensuite, en général, c’est là que la famille pleure de joie et de fierté.
Ca finalement, tout ce décorum ne sert qu’à une seule chose, comme l’a si joliment dit un de mes anciens patrons (et membre du jury) :
« Alors, j’ai réussi à faire pleurer mémé?
- Oui, Monsieur
- C’est l’essentiel. »
Tout est dit.
12:55 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (7)