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13/02/2008

Le coq aux hormones.

Hier visite du secteur convalescence avec le médecin généraliste. Moment toujours agréable et fructueux.

Nous discutons avec la jeune et jolie infirmière (24 ans), et la non moins jeune et jolie aide-soignante (je la connais moins).

Je sors en 10 minutes 2 remarques un peu grivoises, et mon confrère me rappelle que j’en ai sortie une en faisant un döppler, peu avant dans la matinée.

Ce n’est pas du tout mon habitude.

Remarque immédiate de l’IDE pince sans rire: « Uhmm, ta femme est partie faire du ski avec les enfants ».

C’est fou comme certaines femmes nous simplifient à l’extrême. Elles ne croient discerner en nous que la surface sombre et agitée, parfois simple clapotis, parfois gigantesques creux, d’une mer dont les profondeurs seraient tiraillées par de vastes courants hormonaux perpétuels.

Ce n’est même pas réducteur, c’est insultant.

Nous ne sommes pas des coqs aux hormones !

 

Et puis d’abord sa remarque ironique est erronée, ce que je mets sur le compte de sa jeunesse : mon épouse n’est pas encore au ski, elle est partie passer d’abord une semaine à la campagne avec les petits.

 

 

 

 

 

(D'un autre côté, c'est vrai que depuis son départ, je trouve que beaucoup de jeunes femmes sont mignones, voire même le sont devenues...).

Petit scarabée devient grand.

Depuis plusieurs mois, je fais mes döppler à l’Hôpital en compagnie d’un interne.

Au début, il se contentait de regarder, maintenant, il fait tout et c’est moi qui regarde et corrige parfois le tir.

Je suis très fier de lui car il a acquis les techniques de base en peu de temps, même si je n’ai pas la prétention de croire que je lui ai tout appris (nous ne travaillons ensemble que 2 vacations par semaine). La seule chose que je suis le seul à lui avoir apprise est toutefois un fondamental parmi les fondamentaux du döppler : toujours commencer par le côté gauche du patient pour ne pas se mettre du gel sur la manche (et l’inverse pour un médecin gaucher).

Il a même pris de la bouteille et hier m’a renvoyé magnifiquement dans les cordes.

 

Fin de vacation, dernier patient.

4h30 du soir comme disent les cadres infirmiers et les anesthésistes.

C’est un vieux monsieur sourd comme un pot, adressé par le service de psychiatrie pour un döppler des troncs supra aortiques.

L’interne commence.

Même si la garde de la nuit d’avant a été très calme, j’ai un petit coup de barre.

Je lui tapote sur l’épaule : « Allez, fils, dépêche toi ! »

Il me répond avec son sourire en coin et sans quitter l’écran des yeux : « Mais il faut encore que je lui explique ce qu’est l’épaisseur intima-media sur l’écran, et la progression de l’athérosclérose !».

J’éclate de rire et le traite d’ordure. C’est exactement ce que j’avais fait à une très  charmante jeune femme au cours du döppler précédent…

 

Ne croyez pas que je ne fasse plus que les charmantes jeunes femmes, et lui laisse tous les autres, j’ai juste un peu plus de chance que lui ;-)).

07:00 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (1)

12/02/2008

La dissection.

Relève en début de garde de réanimation de chirurgie cardiaque, il y a quelques semaines.

 

Le dernier patient nous regarde d’un œil morne, avec un langage borgne et un bras gauche paralysé. Il s’en sort bien, selon le médecin qui me fait la relève.

Il est en effet à j3-j4 d’une d’intervention qui a duré 9 heures.

Le médecin qui me fait la relève et le chirurgien qui l’a opéré et qui passait par là sont tout farauds de sa prise en charge. Ce dernier ne résiste pas à l'envie de me faire un petit dessin de son exploit (les chirurgiens adorent faire de petits crobards pour aider à notre compréhension, souvent plus lente).

Ce chirurgien a donc repoussé de ses petits bras musclés les limites de la chirurgie cardiaque en réopérant ce patient pour une récidive de dissection aortique, 9 mois après la première.

Il y a 9 mois, donc, dissection aortique de type Stanford A. Un premier chirurgien décide d’innover en utilisant une technique mixte (endoprothèse + réimplantation des trons supra aortiques). Je ne détaille pas, mais ce type de prise en charge est assez à la mode en ce moment.

Le problème est que cette technique ne protège pas des récidives en amont. Et c’est ce qui est donc arrivé.

Un second chirurgien, de la même équipe, arrive donc à la rescousse et bataille 9 heures durant contre la dissection et l’endoprothèse au beau milieu.

 

En les voyant tous les deux si fiers (pour le second, chirurgien, il avait quand même de bonnes raisons), je me suis demandé si une prise en charge classique n’aurait pas résolu définitivement le problème il y a 9 mois.

Une prise en charge bien codifiée, et dont la réalisation a fait d’immenses progrès depuis l’époque où j’ai débuté mon internat. Qui plus est, ces techniques « classiques » restent à ma connaissance le traitement de référence de la dissection aortique de type A.

 

Evidemment, le progrès médical passe par des médecins novateurs qui savent tourner le dos à une technique établie afin d’en développer une autre, qui deviendra elle-même une technique de référence en cas de succès.

Depuis tout temps, donc, les médecins sacrifient une poignée de patients sur l’autel de la déesse du progrès médical. Ce doit être un héritage du minotaure. C’est comme cela, et sauf évolution biotechnologique majeure, il en sera toujours ainsi.

Certains patients en stade terminal, et pour qui la médecine éprouvée ne peut plus rien font la queue pour embarquer pour le palais de Minos. Cela, je le comprends parfaitement. Mais quand il existe un traitement curateur de référence ? Faut-il toujours innover ? Ou s’arrête la volonté inflexible de faire progresser la médecine, et ou débute l’orgueil ?

 

Ce soir, l’ubris de ces deux praticiens m’a retourné le cœur. Jamais ils n’ont remis en question leur prise en charge, jamais ils n’ont regardé leur patient avec compassion.

Peut-être que dans quelques années, l’avenir leur donnera raison, et que cette prise en charge deviendra la référence.

Mais alors leurs lauriers auront pour moi le goût de la cendre.

Peut-être que dans quelques années, l’avenir leur donnera tort. Ils ne se souviendront alors plus de ce patient, ou alors comme d’une bonne histoire de chasse.

21:30 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (5)