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06/03/2008

Amours.

En flirtant avec quelques couvertures dans une librairie, j’ai touché du doigt « Amours » de Jacques Attali.

Et oui, « le » Jacques Attali que nous connaissons tous.

Il nous parle de l’évolution de l’amour depuis l’origine de la vie.

Cet obscur objet du désir m’a aussi attiré par ses nombreuses et belles illustrations exemptes de vulgarité, son papier sensuel et sa composition moderne.

J’avoue que j’ai surtout été rendu curieux par le fruit de la rencontre de cet auteur, « économiste, écrivain et haut fonctionnaire », comme le précise Wikipedia et qui me semble tout de même assez austère et ce sujet qui peut conduire à tous les épanchements que l’on peut imaginer.

 

Nous n’en sommes qu’aux préliminaires pour l’instant.

Je vous raconterai l’acmé.

Mais soyez patients, je sais prendre mon temps…

 

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Amours

Jacques Attali en collaboration avec Stéphanie Bonvicini

Editions Fayard

10:14 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (7)

21/02/2008

Au détour d'une page...

... du « Seigneur de Bombay » :

 

« L'araignée tisse les tentures du palais des Césars ; la chouette fait le guet dans les tours d’Afrasiab ».

 

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Saadi, cité par Mehmet II.

 

 

 

Une très belle image de la déchéance de ce qui fut grand, et orgueilleux.

 

 

 

C’est le même Saadi qui a aussi écrit (merci Wikipedia) :

 

Les enfants d'Adam font partie d'un corps

Ils sont crées tous d'une même essence

Si une peine arrive à un membre du corps

Les autres aussi, perdent leur aisance

Si, pour la peine des autres, tu n'as pas de souffrance

Tu ne mériteras pas d'être dans ce corps

 

 

 

(Ces dernières lignes me rappellent beaucoup le « Pour qui sonne le glas », de John Donne et l’image employée par Agrippa Menenius Lanatus pour faire revenir la plèbe à la raison à la suite de la révolte de -494.)

09:05 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (1)

19/02/2008

L'ankus du roi (5)

— Le Thuu était-il si vieux et si fou, Petit Frère ? dit Bagheera doucement. Voici toujours un mort.

 

— Suivons. Mais où est la chose qui boit le sang d’éléphant, l’épine à l’œil rouge ?

 

— Le Petit Pied l’a... peut-être. Il n’y a plus, de nouveau, qu’un seul pied maintenant.

 

La trace unique d’un homme agile qui avait couru vite, un fardeau sur l’épaule gauche, persistait autour d’une longue bande basse de gazon sec en forme d’éperon, où chaque empreinte, aux yeux perçants des traqueurs, semblait marquée au fer rouge.

 

Ils ne parlèrent ni l’un ni l’autre jusqu’à ce que la trace aboutît aux cendres d’un feu de camp, caché dans un ravin.

 

— Encore ! dit Bagheera, en s’arrêtant net, comme si on l’avait changée en pierre.

 

Le corps recroquevillé d’un petit Gond gisait là, les pieds dans les cendres, et Bagheera interrogea Mowgli du regard.

 

— On a fait cela avec un bambou, dit le garçon après un coup d’œil. J’en usais avec les Buffles lorsque je servais le Clan des Hommes. Le Père des Cobras — je regrette de m’être moqué de lui — connaissait bien la race, comme j’aurais dû la connaître. N’ai-je pas dit que les hommes tuaient pour le plaisir ?

 

— En vérité, ils ont tué pour avoir des pierres rouges et bleues, répondit Bagheera. Souviens-t’en, j’ai logé moi-même dans les cages du Roi, à Oodeypore.

 

— Une, deux, trois, quatre pistes, dit Mowgli, en se penchant sur les cendres. Quatre pistes d’hommes aux pieds chaussés. Ils ne vont pas aussi vite que les Gonds. Mais quel mal leur avait fait le petit homme des bois ? Vois, ils ont parlé ensemble, tous les cinq, debout, avant de le tuer. Bagheera, retournons. Mon cœur est lourd en moi, quoiqu’il danse de haut en bas comme un nid de loriot au bout de sa branche.

 

— C’est mauvaise chasse que de laisser gibier sur piste. Suivons ! dit la Panthère. Ces huit pieds chaussés ne sont pas allés loin.

 

Ils ne parlèrent plus pendant une grande heure, tandis qu’ils relevaient la large voie des quatre hommes.

 

Le soleil était déjà clair et chaud lorsque Bagheera dit :

 

— Je sens de la fumée.

 

— Les hommes ont toujours plus envie de manger que de courir, répondit Mowgli, en décrivant des lacets parmi les buissons ras de la nouvelle Jungle qu’ils étaient en train d’explorer.

 

Bagheera, un peu sur la gauche, fit entendre un indescriptible bruit de gorge.

 

— En voici un qui ne mangera plus, dit-elle.

 

Un paquet de vêtements aux couleurs vives gisait en tas sous un buisson, et, alentour, de la farine s’était répandue.

 

— Cela a été fait à l’aide du bambou, dit Mowgli. Regarde ! Cette poudre blanche est ce que les hommes mangent. Ils ont pris sa proie à celui-là — il portait leurs vivres — et ils l’ont livré comme proie lui-même à Chil le Vautour.

 

— C’est le troisième, dit Bagheera.

 

— J’irai porter de grosses grenouilles fraîches au Père des Cobras pour l’engraisser, se dit Mowgli. Cette chose qui boit le sang d’éléphant, c’est la Mort même, et, cependant, je ne comprends toujours pas !

 

— Suivons, dit Bagheera.

 

Ils n’avaient pas fait un mille de plus qu’ils entendirent Ko, le Corbeau, en train de chanter un chant de mort au sommet d’un tamaris, à l’ombre duquel trois hommes étaient couchés. Un feu mourant fumait au centre du cercle, sous un plat de fer qui contenait une galette noircie et brûlée de pain sans levain. Près du feu gisait flamboyant au soleil l’ankus de rubis et de turquoises.

 

— La chose va vite en besogne. Tout se termine ici, dit Bagheera. Comment ceux-ci sont-ils morts, Mowgli ? Ils ne portent ni marque ni meurtrissure.

 

Un habitant de jungle arrive à en savoir, par expérience, aussi long que la plupart des médecins sur les plantes et les baies vénéneuses. Mowgli flaira la fumée qui montait du feu, rompit un morceau de pain noirci, le goûta, et, le recrachant :

 

— La pomme de mort, toussa-t-il. Le premier a dû la mêler aux aliments destinés à ceux qui l’ont tué comme ils avaient tué d’abord le Gond.

 

— Bonne chasse, en vérité ! Les meurtres se suivent de près, dit Bagheera.

 

La « pomme de mort » est le nom que la Jungle donne à la pomme épineuse ou datura, le poison le plus prompt de toute l’Inde.

 

— Et quoi, maintenant ? dit la Panthère. Allons-nous nous entre-tuer, toi et moi, pour cet égorgeur à l’œil rouge, là-bas ?

 

— Parle-t-il ? murmura Mowgli. L’ai-je offensé en le jetant ? Entre nous deux il ne peut faire de mal, car nous n’avons pas les mêmes désirs que les hommes. Si on le laisse ici, il continuera certainement à tuer les hommes, l’un après l’autre, aussi vite que les noix tombent par le grand vent. Je ne souhaiterais pas cependant les voir mourir six par nuit.

 

— Qu’importe ! Ce ne sont que des hommes. Ils se sont entre-tués, et ils ont été contents, dit Bagheera. Le premier petit homme des bois chassait bien.

 

— Ce n’en sont pas moins des enfants, et un enfant se noierait pour mordre un rayon de lune dans l’eau. Toute la faute est à moi, dit Mowgli, qui parlait comme s’il savait le fond de toutes choses. Je n’apporterai plus jamais de choses étrangères dans la Jungle, fussent-elles aussi belles que des fleurs. Ceci — il souleva l’ankus avec méfiance — va retourner au Père des Cobras. Mais il faut d’abord que nous fassions un somme, et nous ne pouvons nous coucher auprès de ces dormeurs-là. Il nous faut aussi l’enterrer, lui, de peur qu’il ne se sauve et n’en tue six encore. Creuse-moi un trou sous cet arbre.

 

— Mais, Petit Frère, dit Bagheera, en se dirigeant vers l’endroit indiqué, je t’assure que ce n’est pas sa faute, à ce buveur de sang. Tout le mal vient des hommes.

 

— C’est tout un, répondit Mowgli. Creuse le trou profond. Lorsque nous nous réveillerons, je le reprendrai pour le rapporter.

 

 

Deux nuits plus tard, tandis que le Cobra Blanc honteux, spolié, solitaire, roulait des pensées de deuil dans les ténèbres du caveau, l’ankus de turquoises vola en sifflant par le trou du mur, et s’abattit avec fracas sur la couche de monnaies d’or.

 

— Père des Cobras, dit Mowgli (il avait soin de rester de l’autre côté du mur), tâche de trouver dans ton peuple quelqu’un de jeune et de bien armé qui t’aide à garder le Trésor du Roi, afin que nul homme ne sorte plus vivant d’ici.

 

— Ah ! ah ! ainsi, le voilà de retour. Je l’avais bien dit, que c’était la Mort. Comment se fait-il que tu sois encore vivant ? marmotta le vieux Cobra, en s’enroulant amoureusement autour du manche de l’ankus.

 

— Par le Taureau qui me racheta, je n’en sais rien ! Cette chose a tué six fois en une nuit. Ne la laisse plus sortir.

 

 

 

 

LA CHANSON DU PETIT CHASSEUR

Mor le Paon, les Singes Gris dorment encor — tout est sombre,
Chil n’a point fauché le ciel sur cent brasses de longueur,
Par la Jungle doucement flotte un soupir, glisse une ombre —
C’est la peur, ô Petit Chasseur, c’est la Peur !
Doucement, dans la clairière, elle fuit, épie, espère,
Le murmure monte et s’étend, chuchoteur ;
Ton front se mouille et se glace, à l’instant ce bruit qui passe —
C’est la peur, ô Petit Chasseur, c’est la Peur !

Avant que du haut du mont la lune ait sabré la roche,
À l’heure où trempé, défait, s’égoutte le poil pleureur,
Écoute à travers la nuit : un souffle halète, approche —
C’est la Peur, ô Petit Chasseur, c’est la Peur !
À genoux, bande la corde ; qu'en sifflant la flèche morde ;
Plonge ta lance au fourré vide et moqueur ;
Ta main faiblit, se dénoue et le sang quitte ta joue —
C’est la Peur, ô Petit Chasseur, c’est la Peur !

Quand la trombe voit le ciel, quand le pin glisse et s’écroule,
Quand cingle et claque le fouet de l’ouragan aboyeur,
Dans les cuivres du tonnerre une voix plus haute roule —
C’est la Peur, ô Petit Chasseur, c’est la Peur !
La crue écume et s’encaisse, le bloc oscillant s’affaisse,
Chaque brin d’herbe est un spectre en la livide lueur,
Ta gorge sèche se scelle et ton cœur battant martèle :
C’est la Peur, ô Petit Chasseur, c’est la Peur !

 

(Fin)

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Le Second Livre de la Jungle. 1894

Rudyard Kipling.

08:35 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (0)