Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

01/05/2005

Qui va financer ?

medium_pills_1-done.jpg« Prescrire » est arrivé dans la boite aux lettres hier.
Dans la page « Forum », un confrère cite la phrase suivante :
« Soyons réalistes, il semble difficile d'imaginer une FMC [Formation Médicale Continue, ce qui permet ne réactualiser nos connaissances] sans le support essentiel que représente l'industrie pharmaceutique ».

Qui en est l’auteur ?
Un commercial d’une grande firme pharmaceutique ?
Un grand patron, lors d’un congrès sur les antibiotiques à Saint Martin ?
Un ministre de la santé, pressé de faire des économies sur la formation médicale ?

Non, le vice-président de notre Ordre…

Au début, je n’y ai pas cru, notre confrère a certainement fait une erreur de transcription.
Que nenni.
A la référence : Bulletin de l’Ordre des Médecins 2004 ;(5) : 8-12, on trouve en effet ce texte :

Le chantier engagé inclut l'organisation du financement de l'ensemble du système.
" Soyons réalistes, il semble difficile d'imaginer une FMC sans le support essentiel que représente l'industrie pharmaceutique, explique le Dr Michel Legmann. Il faut simplement poser des conditions : par exemple, exiger qu'il y ait, lors d'une session de formation financée par un laboratoire, une distinction claire et nette entre la partie promotionnelle avec présentation des produits " maison " et la partie enseignement où des professionnels extérieurs traitent de la thérapeutique. Dès lors, je ne vois pas pourquoi un laboratoire pharmaceutique ne pourrait pas financer un colloque ou un séminaire comptabilisable au titre de la FMC. " Le décret n'interdit pas ce type de financement, mais précise qu'obligation sera faite de citer les produits en utilisant les DCI et non les appellations commerciales.


Deux remarques :

- Moins de 10% des visiteurs médicaux respectent un cahier de charges, que l’Industrie et les Autorités ont pourtant ratifié. Ce cahier des charges veillait à rendre « éthique », et le plus impartial possible les pratiques commerciales de la visite médicale (par exemple, les visiteurs médicaux ont l’obligation de présenter le rapport de la Commission de Transparence, notamment les fameuses SMR et ASMR, qui notent le médicament, selon des critères objectifs).
On me l’a présenté une fois en 2-3 ans…

- L’Etat finance nos études, ce qui permet une totale indépendance d’esprit par rapport à l’Industrie. Pourquoi ne financerait-il pas notre remise à niveau ?
Allons plus loin, pourquoi ne pas faire des économies en faisant financer par l’Industrie nos longues et coûteuses études : « Ce cours de gastro-entérologie de DC4 est aimablement sponsorisé par MAPROL, le médicament qui cicatrise l’ulcère plus vite que son ombre… »
Ca vous choque ?
Oui ?
Alors pourquoi ceci serait moins choquant pour la Formation Médicale Continue ??
Non ?
Alors arrêtez de lire ce blog, et continuez à prendre du Vioxx, en toute confiance.

En conclusion, je sais que je suis un peu pervers, mais j’imagine que la FMC, financée par l’industrie aura du mal à rester totalement objective.

Chers confrères, rassurez-vous, nos vacances "tout frais payés" ne vont pas cesser, au contraire.
Chers patients, rassurez-vous, votre médecin vous donne LE médicament dont vous avez besoin (mouarfffffff [rire diabolique]....).

-----------------------------------------------------------------

SMR et ASMR (merci à esculape.com)

"La Commission de la transparence donne au Ministre de la santé des avis sur le rapport coût/utilité des médicaments, sur l'opportunité de leur remboursement et sur toute question touchant à la consommation, au remboursement et à la prise en charge des produits pharmaceutiques remboursables. Cette commission ne délivre pas les AMM - rôle de la Commission de mise sur le marché.

On doit bien distinguer l’A.S.M.R (Amélioration du service médical rendu). du S.M.R. ( Service Médical Rendu ).

• Le SMR, établi par l’AFSSAPS évalue le produit sur les critères suivants : efficacité, sécurité, caractère préventif, symptomatique ou curatif, gravité de l’affection et intérêt en terme de santé publique. Le SMR ne compare pas le médicament par rapport aux autres produits mais permet de définir un taux de remboursement. Il s’exprime en différents niveaux : important (taux de remboursement à 65%), modéré (35%), faible (35%) ou absence de SMR.

• L'A.S.M.R. apprécie l'Amélioration du Service Médical Rendu par un médicament par comparaison aux autres médicaments déjà commercialisés dans la même classe médicamenteuse. L'AFSSAPS évalue l'ASMR en 5 niveaux en terme d'amélioration de l'efficacité et/ou du profil d'effets indésirables et/ou de la commodité d'emploi.

SMR : Service médical rendu
• SMR majeur
• SMR important
• SMR Modéré
• SMR Faible
• SMR insuffisant
• SMR non précisé

ASMR : Amélioration du service médical rendu
• ASMR 1 Amélioration majeure
• ASMR 2 Amélioration importante
• ASMR 3 Amélioration modeste
• ASMR 4 Amélioration mineure
• ASMR 5 Aucune amélioration
• ASMR 6 Avis défavorable inscription Collectivité ou Sécurité Sociale
• ASMR 00 Amélioration difficile à préciser"

20/04/2005

Le cheval.

Une femme à tête de cheval est venue me voir au cabinet, lundi.
Non pas une patiente, ce serait trop beau, mais une visiteuse médicale.
J’ai demandé à ma secrétaire de faire barrage à tout visiteur médical qui se présenterait au cabinet.
Comme je l’ai déjà expliqué, ma tolérance de la désinformation quasi systématique distilée par les firmes pharmaceutiques m’a toujours hérissé le poil.
J’ai fait une exception pour elle, voici pourquoi.
Mon mentor en médecine vasculaire est un organisateur né, il aime l’événementiel, genre « Cardiologie Champagne ».

Il organise en juin prochain un congrès en Sardaigne. Pour donner une idée, la place supplémentaire pour un accompagnant est à 1218 euros.
Il a lourdement insisté pour que je vienne, et comme le programme est alléchant, j’ai accepté.

C’était il y a quelques semaines.

La semaine dernière, mon associé me passe un coup de fil :
« - J’ai croisé Mme X à l’aéroport, elle est visiteuse médicale, et se plaint que tu ne la reçoive pas…
- Ahhh, quel labo ?
- YYY, ils payent ton voyage en Sardaigne, et elle m’a dit que ce n’était pas normal de ne pas la recevoir. Ce, d’autant plus que c’est elle qui s’est occupée de ton invitation.
- Mais, j’ai vu deux visiteuses du même labo, pour ce même voyage, hier à la clinique.
- Vois avec elle.
- Elle est comment ?
- Vilaine, avec une tête de cheval… »

Je reçois donc la visiteuse, chevaline en effet, et sure d’elle.
« - Vous comprenez bien, que ce n’est pas logique de demander à partir en congrès, et de ne pas recevoir les labos…
- En l’occurrence, primo, je n’ai pas demandé à partir, à quiconque.
- Secundo, j’ai déjà longuement vu deux de vos collègues, qui elles aussi, m’ont dit être à l’origine de mon invitation.
- Ah bon ?
- Je pense qu’il faudrait améliorer la communication au sein de votre grand laboratoire pharmaceutique…
- …
- Je comprends tout à fait votre décision de ne pas recevoir les labos, vous savez, je suis marié à un cardiologue, je ne vous en veux pas du tout. »

Nous nous sommes quittés assez froidement, elle attendait que je lui propose de revenir.
Elle doit toujours attendre.
Et je suis persuadé que mon mentor, ou mon associé vont me faire tôt ou tard les commentaires.

Manquerait plus que ça, nous en sommes arrivé à devoir nous excuser de ne pas vouloir être pollué par de la publicité.
Quand au mari cardiologue, je n’ai même pas demandé qui ce pouvait être.
J’ai pensé, pendant qu’elle me parlait, qu’elle devait bien sucer, et que c’est pourquoi il l’avait gardé.
Sinon, je ne comprends pas.
Les aventures de ce genre, éphémères ou non, sont assez fréquentes. Je ne juge pas, mais je ne supporte pas que l’on se glorifie de partager le lit d’un confrère pour se mettre en avant.
Encore une/un qui croit que le statut social et l’intelligence sont sexuellement transmissibles…

Dans mon esprit, les choses sont claires, pas de labo, mais pas non plus de petits/gros cadeaux (sauf exception). Je n’arrive pas à me faire à l’hypocrisie/cynisme de la majorité de mes confrères.

J’ai encore vu la semaine dernière une publicité de labo, qui déclare le cœur sur la main, que le bien être de l’humanité n’est que son seul credo.
Pour faire contre point, et à ceux qui y croient encore, je reproduit un article paru sur « theheart.org », qui décrit la folle envolée des prix de médicaments pourtant assez anciens en 2004, aux Etats-Unis. La législation nous protège en France, pour l’instant.


Prescription-drug price increases in 2004 more than double inflation rate

Apr 13, 2005
Shelley Wood

Washington, DC - Prescription-drug prices, including cardiovascular drugs, soared in the US in 2004, far outstripping the general inflation rate, according to a new report from the University of Minnesota and AARP, a US nonprofit organization for people age 50 and over. The average rate of increase in drug prices compared by month with the previous year appears to have been dropping, however, since June 2004, when Medicare prescription discount cards were first introduced.
Nevertheless, the average price increase for 195 brand-name prescription drugs in 2004 was 7.1%, compared with the inflation rate of 2.7%, according to the report: "Trends in manufacturer prices of brand-name prescription drugs used by older Americans 2004 year-end update." The price increases are the biggest one-year increase seen in any of the past five years, the report notes.
Several cardiovascular drugs that were top sellers in 2003 have seen their prices rocket skyward over the past five years and continued to increase in 2004. The price of clopidogrel 75 mg (Plavix®, Sanofi-Synthelabo) and metoprolol succinate 50 mg (Toprol XL®, AstraZeneca) has increased by 45% over the five years. The price of simvastatin (Zocor®, Merck) increased by 25% over the same period.
"A typical older American (who takes three prescription drugs) is likely to have experienced an average increase in the cost of therapy of $154.68 in 2004, assuming that the drugs are brand-name products and the full price increases were passed along to the consumer," the report states.
Prices tripled over five years
Of the 195 drugs in the sample, 153 have been on the market for the past five years. "Cumulatively, the average manufacturer price increase for these 153 brand-name drugs was more than two-and-one-half times the general inflation rate 35.1% compared with 13.5%," the report states.
"The cumulative effect of these price increases can be substantial. On average, manufacturer prices of the 153 widely used prescription drugs that have been on the market since the end of 1999 have increased by more than one third (35.1%) during the subsequent five-year period, compared with a general inflation rate of 13.5%," the report summarizes. "For a typical consumer who takes three brand-name prescription drugs, the average increase in the cost of therapy for drugs used to treat chronic conditions rose by more than $700 during this five-year period."


Pour plus d'informations, la source de l'article (PDF en anglais).

28/03/2005

Compromission.

medium_me0000059107_3.jpgJ’ai déjà évoqué à plusieurs reprises les relations sulfureuses qu’entretiennent les médecins, et l’industrie pharmaceutique.
En gros, nous sommes bombardés de petits (et gros cadeaux) pour nous persuader de prescrire telle ou telle molécule.

Cela va plus loin, l’industrie a aussi la main mise sur une partie des moyens d’information des praticiens.

De quelle façon ?
- Elle rémunère les auteurs des études, et finance ces dernières (heureusement, car sinon personne ne le ferait). D’ailleurs, les résultats lui appartiennent.
- Elle permet aux journaux scientifiques de vivre grâce à des pages entières de publicité
- Elle finance entièrement des hebdomadaires pseudo scientifiques que nous recevons tous, et qui digèrent les dernières informations publiées (vous imaginez dans quel sens…). Les auteurs, souvent des « leaders » d’opinion médicale sont grassement rémunérés.
- Elle finance l’accès des médecins à ces congrès.
- Elle finance des sites Internet, eux aussi pseudo scientifiques.
- Elle finance des associations de malades, excellents leviers de pression face aux pouvoirs publics.
- …

La liste n’est pas exhaustive.

Je vais vous donner un exemple magnifique de plan de communication réussi.

Il y a environ 3 mois, j’ai été convié à une soirée rémunérée (environ 150€), afin de répondre à des questions sur un nouveau produit, non encore commercialisé.
Tester une publicité ou un argument de vente d’un produit devant un petit panel de médecins est chose assez courante.
Je me suis retrouvé autour d’une table, avec une dizaine d’amis praticiens (CCA, internes, cardiologues libéraux).
Une jeune femme, appartenant à une boite de communication, nous a présenté les caractéristiques du produit, appelons le « R ».
Il fait maigrir (il diminue la quantité de graisse abdominale, la pire, en terme de risque cardio-vasculaire), améliore les métabolismes lipidiques et glucidiques, et aide au sevrage tabagique.
En un mot, la panacée.
En fait, les arguments que l’on nous a présentés nous ont tous fait hérisser les cheveux.
Le produit agit sur tellement de paramètres, que cela ne parait pas « sérieux ».
L’expérience montre en effet que l’efficacité d’un produit est très souvent inversement proportionnelle au nombre d’effets bénéfiques escomptés.
Enfin, et surtout, ce produit n’améliore, pour l’instant, ni la morbidité (accident cardio-vasculaire, hospitalisation…), ni la mortalité, car les études idoines n’ont pas été publiées.
En gros, un effet pour l’instant purement cosmétique (encore une fois, rien d’autre n’a été prouvé), mais potentiellement très attractif sur le grand public.

On nous demande de choisir les arguments de vente les moins mauvais, sinon on passe la soirée à flinguer le produit.

Le temps passe.

Des études, toujours les mêmes, sortent régulièrement, montrant l’intérêt de R dans la réduction de la masse abdominale.
Puis viennent les articles, signés d’experts, qui nous rappellent chaque semaine la gravité d’avoir de la graisse abdominale pour le système cardio-vasculaire.
On le sait depuis longtemps (la fameuse obésité androïde), mais actuellement, on le clame sur tous les toits.
Au début, ces articles ne mentionnaient pas R, puis depuis la publication des résultats des études initiales, on le mentionne.
Stade supérieure, R fait la une du « Monde.fr », et peut-être du « Monde » tout court : « la molécule qui fait maigrir ».
Bien évidemment, le laboratoire fait la vierge effarouchée, comment peut-on dire cela ? Nous refusons de communiquer sur la perte de poids, notre produit et novateur dans la lutte contre les facteurs de risque cardio-vasculaires…
Bref, deux langages, un pour les professionnels de santé, et un autre pour le grand public : le plus en plus fréquent « Parlez-en à votre médecin ».
La communication directe, au dessus de la tête du médecin (comme aux EU) a l’immense intérêt de faire prescrire des pilules à des patients, donc dans l’immense majorité des cas, totalement ignorants d’un domaine très complexe (indication/contre-indication, balance risque-bénéfice, études statistiques, biais…).
Ce marketing se développe de façon exponentielle (Cf. « Pilule sur ordonnance : l'industrie s'essaye au marketing grand public » dans « Le Monde » du 20 Mars 2005), et est à mon avis extrêmement dangereux.
Bientôt, le patient, « sensibilisé » par tel ou tel labo va demander tel ou tel produit à son médecin. Deux solutions : le praticien cède, et le labo a gagné (mais le patient ?), ou le praticien résiste, et adieu l’effet placebo « positif » dont parlait DW Winnicott (« Le médecin se prescrit en prescrivant un traitement »), le patient n’adhérera jamais à un traitement qu’il n’aura pas initialement choisi.
L’information impartiale, c’est bien, mais la « sensibilisation » avec le numéro vert du labo, cela me semble dangereux.
Les gens n’ont pas fini de jouer aux apprentis sorciers.

Comment va se poursuivre la carrière de R ?
Probablement bien, il va obtenir son AMM, sûrement avec des réserves (genre ASMR III ou IV), mais qu’importe, personne ne les lit.
Les médecins, gavés de publicité, et poussés par leurs patients vont le prescrire « larga manu ».
Donc énormes gains, sauf si on découvre un effet secondaire « fâcheux » à moyen et long terme (comme l’Isoméride® le Staltor®, les coxibs plus récemment).
Alors, on sera bien en peine de retrouver les « leaders » d‘opinion qui nous ont si bien « sensibilisé ».