21/06/2006
Vacances et mariage

Du 10 au 13 juin : rien (je n’ai jamais dit que ma vie était palpitante).
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14 juin : dernière consultation avant les vacances. Mon degré d’empathie est à zéro, et j’écoute distraitement les patients qui ont le malheur d’être tombé sur ce jour. Les médecins de ces patients aussi : j’engueule copieusement un interne de néphrologie et un assistant de neurologie pas foutus d’écrire une lettre convenable pour la consultation de leurs malades. Je me souviens d’avoir dit à l’un que j’aurais aimé avoir un courrier médical « plus informatif que le plan de Lyon » pour une pauvre dame qui ne savait pas pourquoi on l’avait envoyé me voir. Enfin, cerise sur le gâteau : un patient que je suis depuis 3-4 ans pour une maladie de Marfan fait irruption dans la salle d’attente, et me demande un certificat médical « immédiatement ». Il a bien choisi son jour, lui ! Surtout lui, en fait : il n’honore aucun de ses rendez-vous, et arrive toujours au débotté avec des exigences (certificats ou ordonnances à rédiger immédiatement).
- « Docteur, je voudrais un certificat pour les services sociaux », un peu impérieux, pas le moins du monde gêné d’avoir fait irruption dans la consultation.
- « Un certificat pour dire quoi ? », un peu sec
- « Pour les services sociaux »
- « Oui, j’ai compris, mais pour dire quoi ? »
- « Pour les services sociaux, pour leur parler de la maladie que j’ai en moi »
- « Oui, mais un certificat répond à une question précise, avez-vous un papier le demandant »
- « Je l’ai oublié à la maison, mais il me faut ce certificat pour les services sociaux»
- « uhmmm », je lis son dossier et je note que je lui ai remis une ordonnance pour son scanner annuel de contrôle à notre dernière visite en février 2006.
« Donnez-moi le scanner que vous avez fait ».
- « Mais je ne l’ai pas fait… »
- « COMMENT ? MAIS VOUS ETES INCONSCIENT, QUAND JE DEMANDE UN EXAMEN, JE VEUX QUE VOUS LE PASSIEZ. ET NE ME DITES PAS QUE VOUS N’AVEZ PAS EU LE TEMPS DEPUIS FEVRIER ! »
- « euh, mais…. ». Il se tasse un peu sur sa chaise.
- « VOUS N’AVEZ DONC AUCUN RESPECT POUR VOUS-MEME ET VOTRE FAMILLE ! SI VOTRE AORTE EXPLOSE, QUI VA S’OCCUPER D’EUX ? »
- « et bien, mais…. ». Il se tasse un peu plus sur sa chaise.
- « NE PAS AVOIR FAIT CE SCANNER EST TOTALEMENT INACCEPTABLE ! ».
- « je vais le faire aujourd’hui, faites moi une ordonnance ! ». Franchement pâle, soutenu par ses vêtements.
- « Vous le ferez dans le mois qui suit et me le montrerez à mon retour de vacances ». - « Pas avant ?».
- « vous n’avez donc pas eu assez de temps depuis juin ? ». Il se lève et nous nous serrons la main. « Et votre certificat ? ».
- « On verra la prochaine fois Docteur, la prochaine fois… ».
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15 et 16 juin : récupération des invités, des victuailles, stress grandissant (qui passe l’alliance à qui en premier, quel doigt au fait ? Il ne faudra pas faire de discours au moins ? Ou est la mairie…).
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17 juin : le grand jour. Rien à dire, tout a été parfait. On a trouvé la mairie sans problème, j’ai fait un discours de deux phrases, je ne me suis pas trompé de doigt, ni de préséance). Un petit coup de Code Civil pour la route (j’ai presque écrasé une larme en écoutant le 371-1 :
art 212 :
« Les époux se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance »
art 213 :
« Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l’éducation des enfants et préparent leur avenir »
art 214 al 1 :
« Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives »
art 215 :
« Les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie »
Cela sous-tend l’idée du devoir de cohabitation. Si pour des raisons professionnelles, par exemple, les époux sont tenus de posséder deux domiciles distincts, l’intention matrimoniale implique la communauté de vie.
art 371-1 (Loi du 4 mars 2002) :
« L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité »
La nuit de noces ne devait pas avoir lieu : nous devions rentrer à la maison pour garder les enfants et coucher sur le canapé (ma mère et grand-mère couchant dans notre lit). En effet, elles n’avaient pas jugé bon de nous proposer de garder les petits pour nous permettre de passer une nuit de noces digne de ce nom. Mariage inutile, une mésalliance par ailleurs, devant se terminer inéluctablement par un divorce. Heureusement, la famille de la mariée nous a fait une surprise en nous proposant de garder les enfants et en nous réservant une suite au Sofitel (lieu de la réception). Ahhh, la plus belle nuit de ma vie : lit immense, vue splendide, pétales de roses fraîches jusqu'au lit et dessus, salle de bains luxueusement sobre… Le lendemain, la mariée était aphone à cause de la climatisation de la salle de réception. Heureux hasard, j’ai pu faire le barbot toute la journée du lendemain !
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18 juin : un couple s’est formé, mais pas celui qu’on attendait. Vraiment pas.
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19, 20 et matin du 21 juin : récupération. Mariée toujours aphone, réputation énorme.
11:25 Publié dans ma vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (1)
18/06/2006
C'est fait!
21:45 Publié dans ma vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (9)
09/06/2006
La cardio-ethnologie
C’est un domaine qui n’existe pas encore, et pourtant dont je voulais parler depuis longtemps.
J’ai toujours remarqué que les patients avaient tendance à aller voir des cardiologues de leur origine ethnique/confession religieuse.
Bon, a priori, ce n’est pas étonnant.
Un patient cardiaque, par définition inquiet, va rechercher à se rassurer auprès d’un médecin qu’il pense être semblable à lui, de la même culture, et donc à même de mieux le comprendre.
Un jour, j’attendais dans la salle d’attente de deux confrères d’origine arménienne.
Les patients défilaient devant la secrétaire : Topalian, Harutunian, Boyadjian, Krikorian, Vosgarichian, Stepanian, Derbedrosian,…
J’avais l’impression de parcourir l’annuaire téléphonique d’Erevan ! Aznavour aurait fait son entrée en susurrant un langoureux « Aznavourian », je n’en aurais pas été beaucoup plus surpris.
Pareil pour les juifs : a patient juif, médecin généraliste et cardiologue juifs le plus souvent.
Est-ce un bien ?
Je me suis souvent demandé quelle était la motivation profonde d’un tel communautarisme. Je crois que la communion d’esprit, et l’empathie que l’on est en droit d’espérer d’un semblable en est le moteur principal.
De plus, ce n’est sûrement pas un communautarisme pour pouvoir vivre selon les préceptes/les coutumes de sa communauté. Même chez les juifs, de loin la communauté aux traditions les plus élaborées, et difficiles à suivre dans notre société, le soin est le même que pour tous les autres. Idem pour les musulmans ; il n’existe pas de manière juive ou musulmane ou arménienne de soigner une angine de poitrine.
Quant aux approches différentielles que le soignant doit avoir vis-à-vis de telle ou telle personne de telle ou telle communauté, un praticien les apprend tout au long de son cursus hospitalier.
Je crois plutôt, malheureusement, que le patient espère être mieux pris en compte du fait même de sa spécificité. Je serai mieux soigné par un médecin de ma communauté, car il va plus me prendre en compte. Sous entendu, plus qu’un patient non membre, et de façon corollaire, la crainte d’être moins bien pris en compte par un médecin extra communautaire.
Je pense que c’est une grave erreur.
Primo, car encore une fois, il n’existe pas de modus operandi différent pour soigner les patients d’origines différentes.
Secundo, je ne pense pas qu’un médecin « favorise » tel ou tel patient appartenant au même groupe que lui. Cela va contre la sacro-sainte égalité de tous devant les soins.
Surtout comment, et pourquoi favoriser un patient d’origine arménienne noyé parmi toute une clientèle de « –ians ».
Tertio, le communautarisme peut avoir des effets pervers.
Un exemple récent.
Un patient sépharade bien typique, ponté il y a peu.
Les points serrés, le regard noir, il me dit vouloir changer de cardiologue.
Ce dernier est lui aussi un sépharade bien typique.
Il est reconnu par tous comme étant compétent et adorable vis-à-vis de ses patients (quelque soit leur origine)..
Je demande au monsieur la raison d’un tel rejet.
« Il se disait mon frère, mon ami, et il n’est même pas venu me voir quand j’étais hospitalisé ».
Primo, ce cardiologue utilise ces qualificatifs larga manu, que vous soyez juif, lapon, ou tahitien. Il est d’autant plus convainquant qu’il a le geste rond et la tape sur l’épaule très facile. Il use de son charme, ça marche, ses patients l’adorent et c’est justifié.
Mais le patient que j’avais devant moi, lui, il s’estimait trahi. Un véritable coup de poignard dans le dos. Quasiment une déception amoureuse.
C’est dangereux, car il était prêt à aller voir le premier rigolo venu qui lui aurait fait un peu de charme. C’est aussi dangereux car on ne peut pas soigner correctement un proche. Soigner possède une part irréductible de dirigisme et de coercition.
Finalement, ce matin, ils se sont téléphonés et sont redevenus frères, comme avant, du moins jusqu’à la prochaine séance de « comediante ! tragediante ! ».
21:15 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : carablogs, medecine et web