24/07/2006
La veine du toxicomane.
Consultation hospitalière ce matin, un peu « cour des miracles cardiologiques », comme tous les lundis matin.
Ce matin, toutefois, deux consultations sortant un petit peu de l’ordinaire.
La première, un couple venant de Pondichéry. L’homme est en France depuis 22 ans. Il est partit trouver femme au pays récemment et a ramené sa femme en décembre dernier. Elle est enceinte et a des problèmes bénins d’extrasystoles sur cœur sain (c’est ce qu’il fallait vérifier ce matin).
On a un peu discuté de cet ancien comptoir, et j’ai appris plein de choses, notamment qu’il reste encore 20.000 français-pondichériens. Ils m’ont aussi un peu raconté leur mode de vie.
Bref encore une consultation à l’issue de laquelle mon ignorance a encore un peu régressé
Dernière consultation, un peu plus surréaliste.
Femme de 40-45 ans, sans particularité physique ou vestimentaire, venant pour un doppler veineux du membre supérieur droit.
En général, on demande ce genre d’examens dans un contexte néoplasique (recherche de phlébite paranéoplasique) ou de bilan pré/post fistule pour dialyse.
Ici, rien de tout cela, elle vient parce qu’elle a une veine apparente au pli du coude. Elle me montre, et en effet, elle a une veine médiane basilique au pli du coude un peu saillante et dépressible au toucher.
« Vous savez, c’est rien
- Mais ça me porte préjudice, et elle gonfle bien plus que cela parfois ; je suis obligée de passer de la pommade tous les soirs
- Pourquoi préjudice, elle fait mal ?
- Non, mais j’ai perdu mon emploi à cause d’elle
- ??
- J’étais assistante maternelle, et on m’a expliqué que je ne pouvais pas continuer à causes des bêtises que j’ai faites il y a 10 ans.
- Vous vous piquiez ?
- Pas moi, j’avais trop peur, un ami.
- Et alors, quel rapport avec cette veine ?
- Ils ont vu que j’étais ancienne toxico à cause d’elle.
- Je n’ai jamais entendu parler de cette histoire de veine accusatrice ; en plus, on la voit à peine…
- Mais vous l’avez vue !
- Oui, mais, vous avez pointé le doigt dessus.
- Le Pr. XXX (jamais entendu parlé de lui) m’a dit qu’on pouvait régler ça avec du laser.
- On peut, mais ça me parait fou de traiter quelque chose dont vous ne souffrez pas (ce Pr. XXX doit être encore un ami désintéressé de l’Humanité souffrante).
- J’en souffre, regardez comme elle est visible !
- Moi aussi j’en ai une, regardez, je vais la faire disparaître. Je lève le bras au dessus du cœur, et hop, vous ne la voyez plus ! »
Elle éclate en sanglots : « ça n’a donc pas de rapport avec mes bêtises ? »
- « Pourquoi pleurez-vous »
- « Parce que ça fait 10 ans que j’en avais pas parlé… »
-« C’est rien, ce qui est fait est fait, aucun intêret de revenir dessus, et foutez la paix à votre veine »…
Par curiosité, et pour ma culture générale, avez-vous déjà entendu parler d’une veine du pli du coude saillante, tendue comme un doigt accusateur de toxicomanie ancienne (genre "Ecce Homo") ?
Un réseau veineux en arbre mort, éventuellement, mais je n’ai jamais entendu parler de cette histoire…
13:00 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (3)
23/07/2006
Les figues fraîches.
Finalement, je ne vous ai même pas raconté en détail ma soirée avec P. la blonde.
Pour les lubriques, genre Ron, ou les sismologues genre Mélie (;-)), il ne s’est rien passé au-delà de la table du restaurant. Donc si vous voulez des détails croustillants, allez plutôt lire Anne Archet (en plus, elle a plus de talent littéraire dans son petit doigt que tous les Passmore, moi compris, des 20 dernières générations.).
Donc, après son SMS inattendu, et presque 3 ans depuis notre dernière rencontre, nous nous donnons rendez-vous dans un lieu emblématique de la ville. Le genre « sous la queue du cheval » des lyonnais.
Bon, manque de pot, des flics et tout un tas de sympathisants libanais battent le pavé à l’endroit choisi.
Heureusement, elle est grande et blonde. Heureusement aussi que ce n’est pas la Suède qui croule sous les bombes israéliennes.
Je la repère donc rapidement. Elle n’a pas changé du tout, de grands yeux verts (ou bleus, j’ai un doute…) et un nez se retroussant à chaque sourire. Elle passe devant moi, son petit tatouage me semble un peu passé (un petit chat de face, à la pointe de l’omoplate ; quand elle bouge le bras, on dirait qu’il avance vers nous)
J’avais initialement prévu le restaurant du Sofitel, avec sa vue magnifique. Manque de pot, complet à cause de la présence d’une forte délégation chinoise venue ici pour faire du commerce.
Ils ne vendent donc pas assez de produits en France ? Non mais, quelle idée de venir contrecarrer cette soirée!
Des chinois, des libanais, j’en deviendrais presque xénophobe….
On s’est finalement replié dans un restaurant de couscous.
(Comme quoi, je ne suis pas rancunier).
Nous nous sommes assis en terrasse. Mon Dieu qu’elle est belle….
Je pense à ma femme et mes enfants à 350 Kms de là… (un infirmier à qui j'avais raconté ce futur dîner m'avait sorti une théorie comme quoi "au delà de 150 Kms, ce n'est plus pécher")
Ce soir, Sally doit me faire confiance, car elle ne m’appelle pas une seule fois pour lui dire bonne nuit, puis à Guillaume, puis à Thomas, comme si tout le monde se couchait à des heures décalées. Ou bien elle est scotchée devant une de ses séries cultes (Lost ou Desperate Housewife). En y réfléchissant, c’est même curieux qu’elle n’ait pas appelé. A son retour, je lui demanderai ce qu’elle faisait ce soir là…
P. prend un Tajine aux fruits de mer et moi aux figues fraîches.
La conversation démarre.
Première partie, sa vie privée.
Point d’interrogation général pour moi (PIG dans Thérapie ; c’est d’ailleurs elle qui m’avait conseillé de lire ce livre. Je viens de m’en souvenir en écrivant ces lignes…).
Comment une fille aussi jolie, gentille et pas bête du tout (ce n’est pas un critère absolu, mais elle est médecin) n’a jamais réussi à trouver une stabilité sentimentale depuis tant de temps (10-12 ans depuis que je la connais). Peut-être est-elle particulièrement difficile à vivre dans la sphère privée ? D’un autre côté, je me dis que la Vie fait bien les choses ; si seul(e)s les non-avantagé(e)s-par-la-Nature avaient du mal à trouver le bonheur, le taux de suicide serait rédhibitoire. Il faudrait alors créer des armées entières de sapeurs-pompiers, et de psychiatres de garde (jeune homme/femme, à la voix douce, se promenant le plus souvent dans les services d’urgence, seul le port dans la main droite d’un dossier médical permet de l’identifier comme appartenant au corps médical).
Intervalle de « Survie » de ses copains : de deux semaines à deux ans. Je n’ai pas osé lui demander la médiane, la moyenne et l’écart-type. Un beau matin, elle se lève et balance souvent sans sommation : « j’en ai marre, je te quitte ». En général, ils le prennent assez mal.
Deuxième partie, après les tajines : ma célèbre image du "loup et le chien", pour la consoler d’être célibataire.
Je sais, je sais, je ressors cette fable toutes les fois. Mais comme je n’ai jamais expliqué ma théorie sur ce blog (merci Google), à défaut d’avoir cité la fable dans un commentaire de la note « Blancs, bruns et blonds. », la voici :
Les individus se divisent grosso modo en deux groupes (faisons simple, sinon simpliste) : les chiens, c'est-à-dire ceux qui ont une vie de couple stable, et les loups, les autres.
Les premiers sont bien nourris, régulièrement, sans grande complication. Mais ils sont attachés.
Les seconds sont quasiment toujours morts de faim, mais ils sont libres.
Choix cornélien. Envie perpétuelle d’être dans l’autre groupe, ou d’être dans le sien sans les inconvénients, mais ce qui est quasiment impossible. Lisez la fable, absolument tout y est : la flatterie pour manger…
A la fin de la fable « Cela dit, maître Loup s’enfuit, et court encor. ». Je lui serine cette histoire depuis 11 ans : qu’elle profite bien de sa liberté…
Mais sans grand succès, car elle se morfond toujours, même si elle reconnaît des avantages au célibat.
A la fin, on a attaqué le dessert en parlant d’adultère. Promis, je ne sais pas qui a lancé le sujet. Le fondant au chocolat, le thé à la menthe et surtout l’alcool de figues à 40°C ont un peu embrouillé ce passage de la soirée. Je ne me souviens de pas grand-chose jusqu’à la bise au pied de son hôtel. J’avais emmené mon cartable, et je ne savais pas trop quoi en faire au moment critique. Note pour la prochaine fois dans 3 ans : ne pas apporter d’objet encombrant (parapluie, cartable, appareil à ECG…). A vrai dire, mes mains auraient été libres, et l’esprit un peu plus clair, je n’aurais pas été plus à l’aise.
Le « au revoir » a été fort bref, et je m’en suis retourné le pas empesé, avec mon cartable, et ma petite chemise à carreaux, comme un écolier gêné qui aurait raté son premier baiser. Le ridicule ne tue pas, heureusement. D’un autre côté, elle n’a pas fait grand-chose pour influer sur la fin de la soirée. Voyons les choses du bon côté, elle m’a ainsi évité un choix de conscience douloureux.
L’honneur est sauf, la morale aussi.
Mais la fragrance du péché est bien plus douce que celle de la figue fraîche.
On verra bien dans 3 ans.
22:55 Publié dans ma vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (8)
22/07/2006
5h40
…Rêves…
Appel téléphonique : un patient retrouvé mort en chambre
« ¼ d’heure avant sa mort, il était vivant » (c’est bien souvent le cas).
Je me lève difficilement, avale un double expresso bien tassé pour me réveiller définitivement et je me rends dans le service.
En y allant, j’appréhende déjà le coup de fil à la famille. Je me trompe d'étage, car contrairement à ma croyance tenace d'alors, le "B2G" se situe bien au second, et non au quatrième (d'un autre côté, le service se serait alors probablement appelé "B4G").
J’arrive sur les lieux du crime.
Il est en effet bien mort.
65-70 ans, en position fœtale, maigre, quelques rares cheveux roux sur le caillou.
Il ne respire pas la bonne santé, c’est le moins que l’on puisse dire.
Discussion avec l’infirmière et l’aide soignante : Quand ? Comment ? Pourquoi ?...
5h55
On se rend tous compte d'un seul coup que ce n’était pas moi qu’il fallait appeler, mais le médecin de la garde générale.
Ce mort n'est pas à moi!
Je reste stoïque, malgré la caféinémie qui monte en flèche.
Je retourne me coucher.
…yeux ouverts…(probablement les expressos)
7h30
Je me relève pour manger un morceau de pain ; j'ai faim car les aides soignantes ont oublié de me garder mon plateau repas hier au soir.
Je me plante devant l'ordi, réponds aux commentaires d'Esculape et Mélie et tape cette note.
...
07:45 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (1)