29/07/2006
Le mort en sursis.
2 fois 2 heures de sommeil cette nuit. je suis comateux aujourd'hui, et le serai demain.
Un patient de 78 ans m’a fait passer une sale nuit.
Il a été admis d’un autre hôpital pour une dissection aortique.
Primo, aucun centre privé de chirurgie cardiaque n’en voulait : trop de risque opératoire, trop de risque de végéter en réanimation.
Donc le chirurgien de mon CHU l’a récupéré, bien à contre cœur (notamment car une transplantation cardiaque était dans l’air, un jeune de 15-16 ans en bout de course), mais un peu obligé quand même.
Finalement, après pas mal de tergiversations, début de la douleur à 14h00, arrivée en réa de chirurgie cardiaque à 1h45.
Je lis le dossier avec le chirurgien, et c’est vrai que le patient ne donne pas envie de se jeter dessus : 78 ans, insuffisance rénale, insuffisance respiratoire, insuffisance cardiaque.
Nous allons voir la famille (surtout le chirurgien, je me suis contenté d’un inutile acquiescement à ses côtés, trop heureux de jouer les Ponce Pilate, pour une fois).
Il a expliqué, dans des termes à mon avis appropriés l’alternative : Quasi aucune chance de s’en sortir si on ne l’opère pas, idem si on l’opère.
On a choisi en accord avec la famille l’option numéro 1.
Bien sûr, la famille était effondrée.
D’où le contraste pathétique avec le grand-père, fatigué mais souriant dont l’aorte est entrain de se déchirer inexorablement ; curieusement, et tant mieux pour lui avec des douleurs minimes. Il m’a fait de la peine, ce petit bonhomme totalement ignorant que son destin avait probablement déjà basculé depuis 14h00. La fin de la récréation va bientôt sonner, et il continue à jouer.
J’espère aussi que ses proches ont pu cacher leurs larmes.
Vous vous demandez, pourquoi ne pas avoir tenté « l’opération de la dernière chance » ?
A jouer le tout pour le tout ?
Tout simplement car elle n’existe quasiment pas en dehors des productions hollywoodiennes, qui font totalement abstraction des suites post-opératoires, alors que ce sont elles qui sont la période la plus dangereuse pour le malade.
En général, ces interventions à visée « compassionnelle » se terminent toujours de la même façon.
Tiens, la cloche sonne.
17:55 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (10)
26/07/2006
Petite note sombre.
Petite note sombre.
Simple aller-retour en ville, cette après-midi, car l’infirmière de consultation m’avait noté en « congés annuels ». Même si elle m’a vu travailler la semaine dernière après 3 semaines de vacances, et un « à la semaine prochaine » rituel. Donc, bien entendu, je n’avais pas de patient.
Je lui fais remarquer qu’elle aurait pu se poser la question : « Pourquoi ? ca me fait un médecin de moins à m’occuper, je pourrais partir plus tôt… ». C’est sûr, faire des ECG et partir à 16h19, c’est un travail dont la pénibilité n’est approchée de loin que par celle du travail au fond des mines dans Germinal. Un médecin et un jour de moins avant la retraite, c’est toujours ça de gagné.
D’ailleurs, dans un autre hôpital, on m’a demandé si je venais le lundi 14 août.
« Euh, oui, pourquoi ?
- Parce que mardi c’est le 15.
- Ah bon ? Et alors ?
- Si tu ne venais pas, on ne serait pas venues non plus.
- Et les patients, ils font le viaduc ? Du 12 au 15 inclus sans cardiologue dans tout l’Hôpital ? D’autant plus que vendredi 11, il y aura vraisemblablement personne, à la veille d’un si grand week-end… »
Elles ne m’ont rien répondu. Je vais finir par passer pour un dangereux maniaque psychorigide.
En ville, une enseigne de pharmacie annonce 37°C. Des petits vieux avancent courbés par leurs cabas et la chaleur étouffante. Ils ont la bouche ouverte. En général, ce n’est pas bon signe, ce qui habituel chez un chien est plutôt terminal chez nous.
Sous un ciel laiteux toxique (couleur fenêtre Word mise en arrière plan), les voitures roulent à 70 Kms/H (90-20) sur l’autoroute dans sa portion intra muros. Avec la clim à fond, la consommation ne doit pas être tellement inférieure à celle habituelle. D’un autre côté, c’est toujours mieux que 90 avec la clim à fond…
Arrivé à la maison, je termine la boite « king size » de Smarties, ramenée de Suisse pour mes enfants en écoutant Alanis Morissette.
J’ai à la fois honte, mal au ventre et je suis un peu déprimé.
Vivement la fin de cette journée.
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J’ai failli oublier, ce matin, un petit moment « colorée blonde » qui ne m’a même pas trop fait rire sur le coup.
Le patient de Guyane (cf. note infra) est orpailleur, métier assez classique dans cette région.
J’avais à ma gauche une jeune généraliste qui apprend le döppler avec moi (en soi même, c’est déjà assez loufoque…).
« J’ai une usine d’orpaillage en Guyane »
« Pauvres bêtes ! », me glisse à l’oreille ma collègue.
« Pardon ?
- Pauvres bêtes, il les empaille !
- Mais non, c’est de « orpaillage », pas « empaillage » ; tu n’as jamais entendu ce terme ?
- Non, c’est quoi ? Mais tu sais, je suis blonde… »
On ne peut pas lui enlever ça, elle est lucide et mignonne.
15:55 Publié dans ma vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (5)
Boire jusqu’à la lie.
Ce matin, coup de téléphone sur le portable, en pleine vacation de döppler.
Au bout du fil, le mari de la patiente dont j’ai parlé hier.
Le centre privé d’IVG est complet, jusqu’à mi-août, ils me demandent de téléphoner pour faire accélérer un éventuel rendez vous au CHU.
Je refuse, trouve plein de raisons pour ne pas le faire. Mais personne n’est là pour me tendre la bassine pour m’en laver les mains ; la gyneco vue hier est partie en long week-end et le généraliste est aux abonnés absents.
Après 15 minutes de discussion houleuse, je m’exécute.
Ce sera demain.
Le reste de la vacation m’a peu intéressé, même le dernier patient, français vivant en Guyane, aux 9 femmes arawaks (dont les 5 veuves de son frère) et ses 29 enfants.
Là, je me gave de smarties pour oublier.
11:51 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (4)