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11/12/2005

Le carreleur polonais.

Il n’était pas menaçant pour notre économie, je ne sais même pas si il a entendu parler du referendum.

 

Je le connaissais depuis 2-3 ans, la cinquantaine, il venait à ma consultation à l’Hôpital.

Il vivait dans un jardin public, ou près du centre de transfusion sanguine ; je le cherchais des yeux lorsque je tournais autour de l’Hôpital pour me garer.

Il avait une copine, polonaise elle aussi, décédée dans les suites d’un infarctus il y a quelques mois.

Je l’ai perdu de vue, puis l’ai retrouvé il y quelques semaines à la clinique.

Nous l’appelions « Monsieur Z », tant son nom était imprononçable.

Son cœur s’est considérablement dégradé en peu de temps, son destin était scellé.

Un soir de la semaine dernière, il s’est dégradé, j’ai appelé le SAMU pour le transférer en soins intensifs.

Je lui ai promis de venir le voir en lui serrant la main.

Il ne m’a pas attendu, il nous a quitté il y a cinq jours.

10/12/2005

Le vernissage.

Jeudi donc, vernissage d’une expo de peinture

 

Le peintre Giraudi était à l’honneur.

 

Sally et moi sommes donc sortis, en soi même évènement remarquable à l’échelle de notre couple.

Notre dernière sortie date de septembre.

Il faut trouver une nounou pour les petits, et pour mes patients à la Clinique (je termine habituellement à 20h00).

Une fois ces deux perles rares trouvées, en avant pour le centre de Marseille, aventure en soi même là aussi.

Les travaux du Tram, les modifications du sens de certaines rues ont rendu l’accès à l’hypercentre particulièrement laborieux.

 

La galerie était bondée, d’une population assez hétéro et homoclite.

La population habituelle des vernissages, en fait.

 

Deux hommes, étaient habillés, comment dire, de manière surprenante.

L’un portait un manteau sombre, une grande écharpe en fourure gris-beige, et sur le ventre, un sac à main recouvert de fourrure beige. Sur ce dernier s’étalait un large « LV » entrecroisé, en fourrure aussi, mais plus sombre et plus rase que le reste du sac.

Ils sont rentrés, jeté un coup d’œil un peu dégoûté aux autres invités, et on glissé un « nous reviendrons dimanche, quand il y aura moins de monde » à l’Hôtesse.

 

Plus loin, d’autres convives traçaient de grandes courbes, en parlant de façon animée devant telle ou telle toile, à la recherche d’une explication métaphysique sur l’inspiration de l’artiste.

 

De partout, des conversations, des joies de se retrouver en si bonne compagnie, des entrechoquements de coupes de Champagne.

 

Un couple, environ du même âge que nous, se fraye un chemin dans la foule ; la main de la jeune femme, qui tapote tel ou tel dos pour arriver aux petits fours, scintille d’un énorme solitaire.

 

Deux hommes parlent autour d’une sculpture.

L’un écoute depuis un certain temps les explications de l’autre.

Notre hôtesse nous demande si l’on désire rencontrer le sculpteur Gantelet., en nous désignant ces derniers.

« C’est celui qui écoute, je parie ».

Elle acquiesce en souriant.

 

 

Et l’artiste dans tout cela ?

 

Il est dans un coin, toujours l’air un peu las, en chandail gris-bleu un peu usé.

Nous parlons de sa façon de travailler, ses futures expos, son passé, nos présents.

Il est toujours aussi gentil, simple et abordable.

Globalement, il est totalement coupé des réalités du monde de l’art. Le coût de revient, la présentation, l’achat et la revente de ses toiles lui importent peu. Il sait qu’il ne peut plus vendre sur les marchés du dimanche, pour ne pas se dévaloriser, et il a conscience d’avoir perdu la majorité de ses premiers acheteurs en changeant radicalement de style.

Pour lui, ce changement est inéluctable et surtout irréversible.

Ce que j’aime bien en lui, c’est qu’il ne cherche pas à intellectualiser, ni à rendre plus vendables ses toiles. Il peint par besoin, ce qu’il ressent ; toujours un peu surpris que l’on puisse acheter ses toiles.

 

En partant, nous croisons Sandrine Rollin.

J’avais déjà remarqué plusieurs de ses toiles.

Brune, les yeux verts, elle est pétillante et très sympathique.

Ses toiles, souvent fleuries, étaient douces et harmonieuses, avec une dominante vert d’eau, ou au contraire, plus toniques, avec un fond rouge vif et des fleurs blanches emportées par le vent. J’aime un peu moins ses dernières œuvres. J’attends donc de voir la suite.

On a parlé de la difficulté de peindre, puis de se séparer d’une œuvre qui a fait partie de soi.

Le plus difficile, pour elle, étant de ne pas connaître leur devenir, les gens qui l’ont aimé, le cadre dans lequel elles sont exposées.

Nous lui avons promis, qu’elle pourrait accrocher chez nous une de ses toiles.

Nous lui prêterons un marteau et un clou.

Nous sommes partis avec le souvenir d’un ravissant dernier sourire.

 

14:40 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (0)

07/12/2005

Mariage moins six mois.

Nous nous sommes enfin décidés à nous marier, après 7 ans et demi de vie commune et deux enfants.

 

Enfin, c’est la version officielle. En fait, c’est surtout moi qui me suis décidé à enclencher ce processus.

En effet, nous parlions mariage depuis une dizaine de mois. Mais ma mère, défavorable au mariage en général, et à Sally en particulier, utilisait jusqu'à présent des périphrases contournées, délicieusement odieuses : « Une des amies de mon fils », « l’amie de mon fils », « la mère de mes petits enfants », puis après la sixième année : « la compagne de mon fils » puis, consécration il y  a peu : « ma belle-fille ».

Malgré ce palier ultime, elle s’opposait à toute idée de mariage, pour des raisons que ne renieraient pas ses générations d’ancêtres dauphinois.

Des raisons bassement pécuniaires.

Il y a dix mois, j’ai cédé, écoeuré de ma faiblesse, à 32 ans, devant la volonté maternelle.

Sally m’en a voulu, puis elle s’est résignée.

 

Hier, à 33 ans révolus, je me suis émancipé.

 

« Nous allons nous marier en juin ! », ai-je dit, pas peu fier, à travers le petit écran de MSN messenger (moyen moderne qui permet, si on y prend garde, d’avoir sa mère au milieu du salon tous les soirs de la semaine, et midi et soir le samedi et le dimanche).

Le silence valant acceptation, c’est parti…

 

Quelles sont les raisons de notre revirement ?

 

Pas religieuses, car nous sommes athées tous les deux, de plus, Sally a déjà été mariée dans une vie antérieure.

 

Pas un mariage d’amour non plus, car nous nous aimons sans mariage, depuis le début.

 

Bourgeois (ou conformiste), un peu car j’en ai assez de dire « ma compagne ».

 Il faut dire aussi que le fait que nos enfants soient nés « illégitimes» au regard d’une Loi quelque peu poussiéreuse m’a meurtri en 2003, à la naissance du dernier (il me semble que le code civil a été modifié depuis).

 

Fiscal, beaucoup, depuis que je travaille en libéral. Mon expert-comptable appelle cela « optimiser sa déclaration fiscale ». Jolie périphrase.

Patrimoniale aussi. Les conjoints n’ont droit à rien, en cas de décès. Certes, il existe des moyens pour assurer une transmission patrimoniale, mais ils sont imparfaits et limités.

Je compatis avec tous ceux qui ne peuvent se marier pour telle ou telle raison. Vivement que les choses changent.

 

Enfin, j’ai été assez surpris du dépit éprouvé par Sally lors de notre tentative de mariage.

Elle s’était attachée à une idée qui lui faisait horreur au début de notre relation (après une expérience malheureuse, il est vrai).

J’ai encore un peu de mal à savoir ce qui lui plait dans cette idée : le côté festif, avoir l’impression de faire partie d’une famille au sens traditionnel du terme….

Les femmes sont décidemment bien mystérieuses…

06/12/2005

Sueurs froides.

Le 29 novembre 2005.

Objet : Modification du montant des prélèvements.

 

Monsieur, je fais suite à votre appel téléphonique concernant le deuxième échéancier de l’année en cours.

Conformément à votre demande, je vous confirme le montant des prélèvements qui serant effectués pour les deux périodes concernées :

 

3407 euros au 30 novembre 2005 (a titre exceptionnel au lieu du 20 habituellement, compte tenu des retards intervenus dans nos traitements informatiques).

 

1000 euros au 20 décembre 2005.

 

Le solde restant dû sur l’année de 1830 euros ne pourra pas faire l’objet d’un prélèvement. Par conséquent, il vous appartiendra de le régler par tout moyen à votre convenance avant le 15 février 2006, en indiquant bien votre numéro de cotisant et le code « 0562 » (qui nous pemettra d’identifier votre paiement).

 

Je vous rappelle que le montant de vos charges sociales obligatoires 2004 est actuellement taxé d’office et vous invite à me transmettre la copie de l’annexe A de votre déclaration fiscale imprimé 2035.

Dans le cas où vous ne pourriez pas acquitter la totalité de ce solde à la date indiquée, je vous informe d’ores et déjà de la possibilité de formuler auprès du secteur « délais » d l’URSSAF une proposition concrète de paiement échelonné.

 

Je vous précise également que des majorations de retard seront appliquées sur le montant des cotisations non réglées au 15 février 206, dont vous pourrez solliciter ultérieurement la remise.

 

Je reste à votre disposition pour tout renseignement complémentaire et vous prie d’agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.

 

P/le Directeur

Le responsable de secteur.

 

 

 

 

J’ai reçu ce courrier inquiétant le vendredi 2 décembre.

Des gouttes de sueur froide ont perlé le long de mon front.

Il faut dire que l’URSSAF a une sale réputation d’arbitraire, d’opacité, et de rapacité.

J’ai débuté le 01/01/05, je n’ai donc encore rien déclaré à l’URSSAF, et je leur ai déjà payé forfaitairement 456 euros. Par ailleurs, je ne les ai jamais appelés pour modifier mon "deuxième échéancier de l'année en cours".

Et là, près de 6200 euros !

Je téléphone, assez fébrile, pour m’entendre dire qu’il s’agissait d’une erreur !

Correction, L’URSSAF, n’est pas arbitraire, opaque et rapace, elle est aussi complètement bordélique.

 

05/12/2005

Rouge, bordeau

Ce matin, consultations et échographies cardiaques à l’Hôpital.

Marie-Jo, mon infirmière habituelle, 50-55 ans, mince, nerveuse, et râleuse m’accueille encore avec ses jérémiades.

 

« Qu’est-ce qui ne va pas encore, la noiraude…. », ai-je envie de lui dire.

On a fracturé son vestiaire, et dérobé sa carte de crédit.

Je compatis, tout en serrant mon portefeuille dans ma poche révolver.

 

Une élève infirmière est là, aussi.

20 ans, mignonne comme un cœur, elle s’est serrée contre moi dans la pénombre de la salle, tout au long de la matinée d’échographies.

Pour mieux voir l’écran, je présume.

Elle a un copain de 30 ans (« jamais je ne pourrais sortir avec un garçon de mon âge »), et me donnait bien plus que mes 33.

Elle me dit, sûre de son inexpérience, qu’elle ne touchera jamais un homme marié.

Ca tombe bien, je ne le suis pas.

Je sais, c’est un peu jésuite ; mais on peut toujours rêver.

Elle m’a laissé songeur, cette petite de 20 ans.

La fuite des années me parait vertigineuse; lui aurais-je tant appris si elle avait été vilaine ?

 

Une femme d'une trentaine d'années déboule dans la salle en tanguant des hanches, risquant dangereusement de heurter les montants de la porte.

« Vous êtes à quel terme ? »

Elle s’étouffe.

Je sais déjà que ma gaffe est irréparable.

« Vous me décevez, Docteur, j’ai pourtant perdu 10 kilos.

- pardon, je suis désolé

- ce n’est pas grave, au supermarché, tout le monde veut me laisser passer devant… ».

 

En quittant l’hôpital, je suis coincé dans un embouteillage.

Mon esprit vagabonde autour de son petit minois, et ce petit corps caché par une si peu sage blouse d’infirmière. En se penchant pour ramasser un coin de couverture, j’ai entraperçu une tache bordeau lovée au creux de son décolleté.

Ma file avance, je comprends pourquoi ce ralentissement.

Un jeune homme gît dans une coque, sur le terre-plein de la deux fois trois voies, entouré d’une équipe affairée du SAMU.