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27/02/2007

La loi du profit (3).

medium_guilty.jpgMême le vieux McKenzie, qui considère pourtant son jeune poulain comme son fils spirituel ne peut pas lui éviter son renvoi pour une affaire de drogue montée de toute pièces. Les informations déterrées sont trop brûlantes et pourraient remonter jusqu’à la Maison Blanche. Son épouse et sa maîtresse le quittent. Alors qu’il rumine sur ses malheurs dans le salon de son meublé minable en plein quartier latinos de LA, on frappe à la porte.

Il ouvre la peur au ventre et découvre avec stupéfaction Rosita, 16 ans, à moitié morte de faim et enceinte de 8 mois et demi qui désire donner un foyer à son futur enfant.

C’est suivi lourdement de Rosita qu’il terminera son enquête afin de laver son honneur et faire éclater la vérité.

 

 

MPharma cherche donc à étendre les indications de sa molécule miracle en finançant d’autres grandes études.

De là va venir sa perte.

Une nouvelle étude sort donc le 17 mars 2005 dans « Revue ».

Appelons cette étude « Rcb-lachute ».

Les analyses intermédiaires de Rcb-lachute montrent encore une fois une majoration du risque cardio-vasculaire.

Parmi les 12 auteurs cités par l’article, 5 sont des salariés de MPharma, et les autres reçoivent des honoraires de consultants.

Comme on ne peut plus cacher le problème, on va dire qu’il ne survient qu’après 18 mois. Comme cela, on sauve les meubles.

Le souci est que cette assertion repose sur un bidouillage statistique si manifeste, que même les membres du comité de lecture de « Revue » s’en rendent compte.

« Revue » tape sur les doigts des auteurs et publie une correction le 13 juillet 2006 qui modifie les fausses conclusions de l’étude.

Comment une revue aussi prestigieuse que « Revue » a pu ainsi publier à deux reprises des papiers aussi bidouillés et des corrections aussi tardives ?

Bonne question.

Pourquoi la FDA n'a pas exercé de contrôle plus strict ?

Autre bonne question.

 

Mais d’autres revues prestigieuses ont aussi laissé passé des articles scientifiquement incorrects, sans lever le sourcil.

Ainsi en 2001, des auteurs (là aussi salariés ou consultants de MPharma) ont réussi à publier une étude qui a même fait l’objet de critiques internes au sein de MPharma : « Les données ont été interprétées pour soutenir une hypothèse présupposée plutôt qu’analysées pour établir de nouvelles hypothèses ».

Une étude tellement bidouillée qu’elle a même choqué certains bidouilleurs…

 

Finalement, le scandale a éclaté de manière publique en septembre 2004 ou le Rcb a été retiré du marché.

Le jeune avocat vit actuellement à Beverley Hills, restauré dans son honneur et ses biens et remarié à Laura, la fille aînée du vieux McKensie. Personne ne sait ce qu’il est advenu de Rosita.

Je ne suis pas mauvais en scénariste, n’est-ce pas ?

J’ai eu l’idée cette nuit, et j’ai tout écrit en une matinée.

J’attends que des producteurs me contactent, ça ne devrait pas tarder.

 

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En fait, je n’ai rien inventé si ce n’est l’histoire farfelue de notre jeune avocat.

Cette histoire édifiante est vraie et elle est merveilleusement bien résumée dans un article du BMJ écrit notamment par Harlan Krumholz qui n’est pas le premier venu.

Entre 1999 et septembre 2004, la molécule impliquée a fait l’objet de 107 millions de prescriptions rien qu’aux Etats-Unis.

Actuellement 30000 procès sont en cours.

Heureusement pour nous, ces faits se déroulent à une époque lointaine et sur un autre continent dont tout le monde reconnait les abus. Il ne me semble pas possible d'observer de tes agissements dans notre bonne vieille Europe ou les firmes pharmaceutiques sont attentives au bien-être des patients et les autorités de régulation vigilantes.

 

Je vous mets quelques liens ci-dessous, je vous conseille surtout la lecture de la lettre de ce professeur de l’université de Stanford qui se plaint auprès du patron de la firme pharmaceutique des pressions que l’on a exercé sur lui et ses subordonnés. Ce document est à peine croyable.

 

Article BMJ Krumholz

Article 1 NEJM

Article 2 NEJM

Lettre professeur Stanford

Le site du produit avec la ligne de conduite du laboratoire (notamment "Scientific Excellence" et "Patients First")

La loi du profit (2).

medium_cour.jpgLes choses se compliquent pour le jeune et brillant avocat. Primo, la jeune et jolie veuve, devenue sa maîtresse est en fait jalouse et possessive a fait déposer une tête de cheval mort dans le lit conjugal. Ce qui a été difficile à expliquer à Madame (un pari entre amis…). Secundo, « Pic à glace », son inséparable compagnon se suicide au gaz après s’être tiré trois balles dans la tête et tertio, l’histoire de MPharma et du Rcb devient de plus en plus embrouillée.

L’étude Rcbgénial est finalement achevée. Elle montre que le Rcb ne fait pas mieux que la molécule de référence, mais qu’elle a beaucoup moins d’effets secondaires. Du moins en dehors de la sphère cardiovasculaire, puisque là, il existe un risque relatif de 5 en défaveur du Rcb (RR de 5.00, intervalle de confiance de 95%, 1.68 à 20.13).

Comment gommer de point de détail dans la publication finale ?

C’est là que les cadres de MPharma vont montrer leurs talents.

  • Dans la publication, la collecte des événements cardio-vasculaires va être arrêtée 1 mois avant la date de la fin de collecte des autres évènements indésirables. Ca fera toujours quelques infarctus de moins (3 exactement)…

  • On va créer des sous groupes favorables afin de noyer le poisson (du genre « indication d’aspirine en prévention » ou ces 3 infarctus, si ils avaient été finalement pris en compte, auraient été « dilués »).

  • On va présenter les résultats cardio-vasculaires en considérant le groupe « produit de référence » comme le groupe ou l’on intervient. Dans le groupe Rcb, le risque cardiovasculaire est de 5.0, dans le groupe de référence, il est de 0.2 (effet protecteur, donc). On va donc dire que c’est la molécule de référence qui protège le cœur et les vaisseaux et non que c’est le Rcb qui est délétère. Vous avez compris ? C’est subtil, mais efficace. Bien sûr, le produit de référence n’a jamais montré nulle part d’effet protecteur (le 0.2 étant probablement le fruit du hasard), mais on s’en fiche, personne ne va remarquer ça... Bien sûr, pour tous les autres effets secondaires, ou le Rcb fait mieux, on va présenter les résultats de manière habituelle : groupe Rcb=groupe ou l’on intervient, groupe « produit de référence »= groupe contrôle.

Rcbgénial est finalement publié dans une grande revue le 23 novembre 2000, appelons la simplement « Revue ».

MPharma commande près de 1 million de « reprints » à Revue, pour diffuser la bonne parole au Monde entier. Revue se pose quelques questions et publie finalement un avertissement le…29 décembre 2005. Vaut mieux tard que jamais ?

En 2001, une autre revue se pose aussi quelques questions, mais finalement le problème est peu débattu.

A cette époque, quelques médecins posent de bonnes questions, notamment sur le miraculeux effet protecteur de la molécule de référence, mais MPharma n’hésite pas à les intimider en faisant pression sur leurs supérieurs (« …il y aura des conséquences pour vous et votre faculté »).

Message reçu, la caravane continue à passer.

 

Suite et fin au prochain épisode...

La loi du profit (1).

medium_gratte-ciel200.jpgImaginez un grand cabinet d’avocats situé dans une mégalopole aux gratte-ciel racés de la côte Est. Un nom qui s’étale en lettres dorées : McKenzie, Brackman, Cheney and Kuzak (vous voyez à quoi je fais référence ?).

En tout cas, ça vous fait déjà plus rêver qu’un petit cabinet d’avocats situé au rez-de chaussée d’une maisonnette de Puteaux, annoncé par un plaque en plexi noire rayée : Algoud, Berey et Boitton.

Une jeune et jolie femme habillée de noir rentre dans une vaste salle de réunion dont les murs disparaissent derrière une bibliothèque contenant tous les arrêts de la Cour Suprême depuis 1492, reliés de cuir liégé vert.

Entre deux sanglots, elle raconte sa triste histoire.

Son mari, bien plus âgé qu'elle est mort d’un infarctus du myocarde après avoir pris pendant quelques semaines un médicament sorti récemment. Et comme on en parle de plus en plus dans des forums d’usagers sur le net et que l’affaire prend de l’ampleur, elle aimerait bien que le laboratoire adoucisse son chagrin par des espèces sonnantes et trébuchantes.

Parce que « Voyez-vous, vivre avec ce bon à rien n’a pas toujours été facile ; alors, pour une fois qu’il pourrait se rendre utile à quelque chose…. ».

Un jeune avocat idéaliste s’implique totalement dans cette lutte de David contre Goliath, afin de défendre la pauvre veuve contre l’infâme industrie. Et aussi parce que son ex-femme l’a saigné lors du divorce (d’un autre côté, elle l’a surpris au lit avec une presque mineure, heureusement que l’état civil mexicain manque singulièrement de rigueur…) et que la nouvelle a des goûts de luxe. Il se lance donc dans de dangereuses et trépidantes aventures afin de mettre à jour la Vérité à l'aide de son inséparable ami muet "Pic à glace"

Une firme pharmaceutique bien connue (appelons la « MPharma ») sort en 1999 une molécule qui va révolutionner le traitement de la douleur (appelons la « Rcb »). Aussi efficace que les produits existants, mais sans leurs effets secondaires parfois dramatiques.

Pour résumer, le jackpot.

Dès le début, en 1996-1997, une étude réalisée sur des volontaires sains montre toutefois une toute petite inquiétude de rien du tout. Rcb modifie un équilibre entre deux molécules qui pourrait majorer le risque de thrombose, et donc d’accident cardio-vasculaire. Les cadres de MPharma demandent aux auteurs d’être moins explicite dans leurs conclusions.

Par exemple la phrase « La biosynthèse systémique de XXX…a été diminuée par Rcb » a été remplacée par « Rcb pourrait jouer un rôle dans la biosynthèse systémique de XXX ». Ca fait moins peur, hein ?

Curieusement, les auteurs, employés par MPharma, ont obtempéré.

Ils ont néanmoins poursuivi leurs investigations dans ce domaine, sans toutefois que cela ait d’influence sur la mise sur le marché de Rcb.

MPharma, malgré la connaissance de ce risque potentiel n’a curieusement pas mis en place d’études spécifiques qui auraient permis de le démontrer. Enfin, si. MPharma a financé plusieurs études largement trop petites pour mettre en évidence ce risque. MPharma a ensuite poolé (anglicisme qui signifie littéralement « noyer des statistiques dans l’eau d’une piscine », méfiez vous toujours des résultats poolés…) ces études, forcément rassurantes mais petites, pour en faire une grosse, forcément bien plus rassurante. MPharma en a même fait un argument publicitaire : « Regardez, Rcb n’a aucune action négative sur le cœur, c’est génial !».

En janvier 1999, MPharma lance sa « grande » étude sur Rcb, celle qui va démontrer à tous à quel point Rcb est fabuleuse. Appelons cette étude « Rcbgénial ».

(Vous arrivez à suivre dans ces abréviations ? De toute façon, je continue quand même.).

Rcbgénial inclut 8000 patients. C’est énorme. Mais MPharma prend bien soin de ne pas analyser spécifiquement les risques cardio-vasculaires et de ne pas inviter de cardiologue au comité de surveillance de l’étude. On ne sait jamais…

Mais malgré toutes ces précautions, une première analyse de sécurité (novembre 1999) met en évidence un risque cardiovasculaire significativement majoré de 79% dans le groupe Rcb, par rapport à la molécule de référence.

Le comité de sécurité demande une nouvelle analyse intermédiaire en décembre 1999, qui confirme ce risque.

On ne va pas arrêter une si belle étude pour si peu, tout de même. Le comité préconise donc de la poursuivre et de mettre en place une analyse qui examinera cette majoration du risque cardio-vasculaire. En gros, les chiens aboient, la caravane boursière passe.

Heureusement, le responsable du comité de surveillance (censé être indépendant) a été « sensibilisé » au bien-être de MPharma puisque ses proches ont reçu 55000 euros d’actions et lui-même a été récompensé par un contrat de consultant pendant 2 années.

Suite de ce passionnant feuilleton un peu plus tard…

 

26/02/2007

Genèse 3 :19

Grâce au blog de Loïc Le Meur, j’ai découvert celui de Jacques Attali. Curieux détour me direz-vous, en effet.

Une des notes du grand Jacques est encore plus curieuse pour un homme qui semble bien éloigné de l’univers de MySpace.

Sa note du 20/02 donne un lien (manifestement il ne sait pas encore bien manier l’hypertexte) qui conduit vers un site assez macabre : mydeathspace.com.

Ce site recense des utilisateurs décédés de MySpace.


La collecte d’information se fait grâce à un formulaire en ligne appelé sobrement « Submit a new death ».
Les utilisateurs de MySpace étant plutôt jeunes, la lecture de ce site est particulièrement déprimante.


Les causes de mortalité sont finalement assez peu variées mais assez caractéristiques des pays occidentaux : accidents de la route, suicides, overdoses, quelques maladies mortelles rares. Comme on est aux Etats-Unis, et qu’il faut bien qu’ils se démarquent, il y a un taux de tués par arme à feu qui est effrayant.

 

Le site donne la possibilité de visualiser les pages des défunts : dernières notes avant leur décès, mots d’amis venus se recueillir sur ce jardin du souvenir virtuel.

 

Jacques Attali termine sa note par cette réflexion :

« La plupart des autres sites de communautés contiennent aussi de tels cimetières virtuels. Beaucoup de blogs ont aussi cessé de fonctionner pour les mêmes raisons et flottent dans l’univers virtuel ; de même, et c’est plus vertigineux encore , les espaces créés sur Second Life continuent d’exister après la mort de leurs créateurs.

Dans un monde d’extrême précarité, l’éternité virtuelle est comme une illusion suprême. ».

 

Je suis un peu étonné de cet étonnement.

N’est ce pas la destinée humaine de disparaître totalement, hormis dans le souvenir assez bref des proches, eux aussi destinés à trépasser ?

Sauf justement certains qui ont laissé depuis la nuit des temps leur empreinte par une œuvre pérenne : une découverte, un monument, un livre.

La nouveauté est plutôt là : c’est la possibilité pour tout un chacun d’avoir une part « d’éternité virtuelle ».

 

Une sorte de droit à l’éternité opposable, en somme.

21:01 Publié dans Web | Lien permanent | Commentaires (4)

25/02/2007

The man who never was

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(à suivre…)

22:22 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (2)

Pourquoi Audrey ? (3).

Dernière partie, de loin la plus hypothétique.

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La partie la plus travaillée représente ses cheveux, juste au dessus de l’œil gauche.

Cette partie attire le regard car on y trouve des points de peinture grise et blanche que l’on ne retrouve nulle par ailleurs dans le tracé très linéaire du visage.

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D’ailleurs, sur la photo c’est là que la lumière arrive..

Comment représenter la lumière et ses jeux sur les surfaces représentées dans un tableau ?

Le problème est aussi ancien que l’art pictural.

Dans le tableau, le fort contraste entre les deux teintes aide beaucoup. Les zones claires semblent lumineuses par rapport aux grises.

Mais cette petite mèche de cheveux a bénéficié en plus d’une attention bien particulière.

Ce « pointillisme » augmente encore l’impression lumineuse. Si l’on regarde un objet fortement éclairé, et à une certaine distance, la zone la plus exposée va être floue.

C’est, je pense ce qu’a voulu rendre Alan Kinsey.

Je devine vos pensées : Bah, n’importe quoi, c’est de la sur-interprètation, et ça ne s’est jamais vu !

En êtes-vous bien si sûrs ?

Cherchons un exemple simple... Allez prendre dans le frigo un de vos yaourts préférés . Si le pot est en verre, l’étiquette a de grandes chances de représenter cette image. C'est la "laitière" de Nestlé, en fait, originellement de Vermeer.

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Prenez une grosse loupe et regardez ce qu’il y a sur la table au premier plan.

Une corbeille de pain en plein soleil.

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Et qu’y voit-on ?

Des tâches de lumière qui rendent le pain un peu flou mais lumineux.

Quand on connaît Vermeer et sa méticulosité (on arrive à reconnaître des ouvrages sur un tableau de Vermeer car on arrive à y lire quelques lignes !), on peut s’étonner de ce flou.

En fait, c’est comme cela qu’il pensait le mieux dompter la lumière. Par ailleurs, quand on sait qu’il utilisait une « camera obscura », ou chambre noire pour reproduire ces scènes d’intérieur, on comprend mieux le flou provoqué par un rayon lumineux sur l’écran de cet instrument d’optique.

C’est pour cela que je me suis demandé si Kinsey n’avait pas utilisé un tel système pour représenter Audrey.

Je n’ai absolument aucun doute sur le fait qu’il connaisse l’œuvre de Vermeer ou même le nombre d’or.

Etre artiste ne signifie pas créer à partir du néant, cela suppose un minimum de connaissances sur l’histoire de l’art, et sur les artifices qu’ont utilisés les anciens pour représenter la nature ou l’abstrait.

Même les génies ne créent pas « ex nihilo ».

Mais cela est un autre débat, lui aussi sans fin.

 

J’espère que cela  vous a plu.

Comme d’habitude, j’ai pris beaucoup de plaisir à vous en parler et à faire quelques recherches sur un tel micro-sujet.

 

Il n’y a pas que la Médecine dans la vie.



14:45 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (4)

C’est Beyrouth !

Vendredi, je discutais politique avec un patient devant une conférence de presse de Jean-François Bayrou.

Le patient, magistrat « de gauche » m’annonce tout de go qu’il votera pour lui.

Moi, je lui dis pour qui je voterai, et la discussion s’amorce. Je suis tout de même surpris d’un tel vote.

En fait, ses idées sont  autant à gauche que les miennes, mais jusqu’à présent il votait socialiste.

Il termine une longue liste de bonnes raisons (notamment le retour des éléphants qu'il appelle les crocodiles) par un définitif « C’est pourquoi je voterai Beyrouth ! ».

On s’est regardé et on a éclaté de rire pendant au moins cinq minutes. J’étais presque inquiet pour sa sternotomie toute fraîche.

24/02/2007

Pourquoi Audrey ? (2)

On va voir d’un peu plus près la composition et ce à quoi ce tableau fait référence.

 

Le châssis de la toile en coton d’un grain moyen est un carré de 60 cm sur 60 cm. Aux quatre coins on retrouve les inévitables clés en bois qui permettent de retendre la toile et qui ne demandent qu’à tomber si l’on manipule un peu trop le tableau.

Ci dessous une illustration prise dans Google.

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Le dos de la toile est signé et annoté « Alan Kinsey 2007 « Icons # 16 » Audrey Hepburn »

 

La peinture utilisée est une peinture acrylique très fine (comme je l’ai déjà dit, il n’y a quasiment pas de relief visible à jour frisant). La palette est simple : gris foncé et blanc. Plus simple que cela, c’est difficile.

Je pense qu’il a enduit la toile de blanc pour ensuite faire le fond et dessiner le visage avec le gris, quitte à affiner certains détails en passant une nouvelle couche de blanc.

 

J’ai cherché quelle composition le peintre avait bien pu utiliser.

Pas la règle des tiers, basée sur le nombre d’or puisque la toile est un carré.

J’ai quand même essayé, mais vous pouvez constater qu’aucune structure majeure du visage passe par les lignes et les points de force.

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J’ai testé cette règle sur deux autres toiles rectangulaires peintes par le même Alan Kinsey et l’on peut constater qu’elle s’applique quasi parfaitement.

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Je me suis donc demandé comment regarder cette toile.

J’ai finalement eu l’idée de la regarder comme on regarde le visage d’une femme.

D’abord les yeux immenses et tendres, puis les lèvres charnues, puis les cheveux.

Les cheveux attirent par leur traitement un peu plus complexe que le reste de la toile, notamment au dessus de l’œil gauche. Puis le regard descend en pente douce vers la droite du visage.

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Quand on relie tous ces points, on obtient grosso modo une spirale qui explique probablement en grande partie l’harmonie calme qui se dégage de la toile.

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Les poètes y verront une allusion à l’ammonite, à la mer, puis à Vénus sortant des eaux  et à l’éternel féminin qu’Elle symbolise.

Mais là, on s’enfonce dans l’exégèse. Et comme l’étymologie le dit si bien, cela risque de nous mener bien loin « hors de » la finalité de cette note.

 

La palette de couleur restreinte, la volonté de simplification du visage (le nez est quasiment absent, de même que l’ourlé des oreilles) sont une référence très claire à l’art de la sérigraphie. Ce procédé mécanique vise à reproduire en grande quantité des images aux graphiques rendus nécessairement simples par le procédé lui-même.

Or, la sérigraphie est une référence très forte au Pop-Art, et à son représentant principal, Andy Warhol.

Bon, je ne me suis pas trop creusé la tête pour pondre cela car Alan Kinsey est en pleine période Pop-Art en ce moment. Le fait que Kinsey, comme Warhol, ait travaillé dans la publicité avant de se consacrer à la peinture n'est sûrement pas totalement fortuit.

Audrey rappelle assez furieusement la série des « Mao » ou « Ten Lyses » de Warhol.

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Le Pop-Art avait pour mission de rendre l’art plus populaire, plus accessible. La grande majorité des œuvres est facilement accessible, simplifiée ou représente des objets de la vie de tous les jours que l’on ne remarque jamais (les boites de soupe Campbell, par exemple). La reproduction mécanique des images est aussi un bon moyen pour désacraliser l’art dans ce qu’il a de plus fondamental, du moins pour l’acheteur, c'est-à-dire l’unicité de l’œuvre. Enfin, le Pop-Art se moque des « icônes » de la société de consommation (comme Marylin Monroe ou Liz Taylor), là aussi en piétinant leur unicité en démultipliant de manière grotesque leur image.

Simplification de la représentation, reproduction mécanique, qu’en est-il de Audrey ?

 

Tout d’abord, le nom officiel du tableau « icons 16 » montre la volonté de l’insérer dans une série, puisqu’il est le seizième de la série « Icons ». Ensuite le choix d’une icône, ici Audrey Hepburn, est comme nous l’avons vu, très caractéristique du Pop-Art.

 

Cependant le tableau est unique. Ca, j’y tiens beaucoup, engoncé dans mon conformisme petit bourgeois. Pour ce point précis, le Pop-Art n’est pas passé par moi. Les autres toiles de la série « Icons » traitent de sujets très différents.

Certes, la toile est donc une reproduction d’une photo connue d’Audrey Hepburn, mais sa simplicité n’est qu’apparente.

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Primo, aucun procédé de reproduction mécanique visible. Peut-être que le peintre a utilisé une sorte de rétroprojecteur pour tracer les contours du visage, mais rien ne le montre à part peut-être un petit détail dont on va parler plus tard.

Tout est dessiné ou suggéré au pinceau, résultat d’un travail et d’un talent.

Secundo, le traitement des yeux ou des jeux de lumière sur les lèvres et les cheveux est loin d’être « simple », comme le montrent les agrandissements suivants.

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En somme, une sorte de faux Pop-Art qui en fait prend à contre-pied ce qui a fait le fondement de ce courant. Un pop-Art "dépopularisé", un Pop-Art bourgeois, en quelque sorte. Mais on va voir qu’il existe peut-être encore une référence graphique encore bien plus ancienne.

 

Suite et fin dans une troisième note.

11:45 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (2)

22/02/2007

Pourquoi Audrey ? (1)

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Je vis et travaille depuis quelques jours en compagnie d’Audrey, de son vrai nom « Icons 16 ».

Depuis son arrivée, je la regarde bien plus que ne le mériterait le petit coin de mur ou elle est accrochée.

J’imagine qu’en peinture, comme en littérature, on peut appréhender une œuvre selon plusieurs angles et surtout avec différentes profondeurs de champ. Vous verrez que l’analogie avec la photographie n’est pas anodine.

 

C’est l’affectif qui vient au premier plan quand on découvre une œuvre, on aime ou on n’aime pas.

C’est comme ça, et probablement multifactoriel : hormonal, saisonnier, dépendant de son vécu…

Puis lorsque l’on commence à s’intéresser à la peinture (par exemple), viennent toute une série de plans d’autant plus profonds que l’on connaît cet art et l’artiste.

Le problème, c’est que pour aller au-delà de l’affectif, il faut se faire une culture picturale. C’est long, rapidement décourageant du fait de l’immensité du sujet et vite incompréhensible lorsque l’on commence à lire le moindre texte de spécialistes qui se sentiraient déshonorés si ils étaient moins hermétiques. « C'est comme l'annuaire : on tourne trois pages et on décroche.", comme disait Desproges.

Quand j’étais plus jeune, j’adorais l’émission « Palettes »  d’Alain Jaubert. Elle passe parfois sur Arte, mais je n’ai plus le temps de la regarder.

Cette émission expliquait simplement, à l’aide d’une palette graphique comment regarder une œuvre, et aussi apprendre à rechercher à quoi elle fait référence.

J’ai donc essayé de faire un simili « Palette » spécial « Audrey ».

Mais comme c’est un peu long, il y aura sûrement plusieurs épisodes.

22:40 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (2)

21/02/2007

Le scaphandre et le papillon.

Encore une histoire triste ce matin, enfin deux, mais surtout une.

 

Tout d’abord une femme de 50 ans.

Il y a un an, sa vie était « formidable ».

Elle sortait d’un parking à pieds, et la barrière s’est refermée juste quand elle est passée dessous. Elle ne sait pas pourquoi le système de sécurité n’a pas marché.

Elle a pris un gros coup sur la tête et s’est affalée par terre. Les pompiers sont arrivés, et n’ont heureusement pas décelé d’anomalie.

 

Elle rentre à la maison, encore un peu secouée.

Son mari la trouve pâle, elle ne se sent pas très bien.

Ils vont chez le généraliste qui lui trouve une arythmie cardiaque.

Ils consultent rapidement un cardiologue qui diagnostique une fibrillation auriculaire.

Logiquement, il l’anticoagule avec un relais par AVK.

Il décide de temporiser en la ralentissant un peu avec de la digoxine.

La fibrillation cède en 8 jours, sans aucun problème.

 

Quelques semaines après, au cours d’une grosse colère, elle fait une poussée hypertensive qui la conduit aux urgences.

Là aussi, tout finit bien.

Puis rapidement, de retour à la maison, elle ressent une faiblesse des jambes et des douleurs diffuses.

Les choses se compliquent un peu, elle consulte de « nombreux incompétents » qui ne trouvent pas ce qu’elle a. Elle fait même un séjour en clinique, dans un service de cardiologie ou on lui dit que « le cœur va bien ».

Cette histoire traîne.

 

Finalement, je ne sais plus qui a l’idée de faire une IRM médullaire qui retrouve une compression sévère par un hématome, probablement lié aux anticoagulants.

Elle est transférée en neurochirurgie pour y être opérée en urgence.

Mais le neurochirurgien ne pourra pas faire grand-chose.

Elle restera paralysée jusqu’au niveau D3-D4.

 

Je la vois ce jour pour un bilan vasculaire d’ulcères traînants des deux jambes.

Elle s’est coincée les jambes entre les marchepieds et l’armature du fauteuil roulant, et n’ayant pas de sensibilité, elle s’est blessée profondément en voulant se dégager.

C’était il y a quelques semaines, et la situation se dégrade.

Le döppler est normal.

 

La deuxième est tout aussi tragique, et malheureusement bien plus fréquente.

Une jeune femme de 28 ans envoyée pour un bilan vasculaire pour une deuxième greffe bi pulmonaire pour cette maladie.

Par ailleurs, elle est greffée rénale.

Première perfusion à l’âge de 4 ans, première chambre implantable à l’âge de 11 ans.

Elle est lucide comme seuls le sont ceux qui vivent sous le joug de maladies chroniques graves depuis l’enfance.

 

On a parlé de sa maladie et ça m’a rappelé un souvenir d’enfance.

 

Je vivais dans une maison à la campagne près de Lyon et chaque été, les voisins recevaient leurs petits enfants. Je devais avoir 10-14 ans. Nous avions à peu près le même âge et jouions assez souvent au vélo, aux Playmobils et à la gadoue dans les fossés du petit chemin de terre. Il y avait un garçon, l’aîné et deux filles. Les deux filles étaient atteintes.

La petite se consumait d’été en été, le visage mangé par des yeux cernés et toute maigre. Un jour elle n’est plus venue dans la maison de ses grands-parents pour jouer avec nous. Puis quelques années plus tard, j’ai revu la plus grande. Elle venait de commencer sa fac avec une lucidité et un courage  inouïs. J’ai appris son décès l’année d’après.

 

Depuis, plus aucun rire ne sort de la maison d’à côté.

21:15 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (9)