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09/02/2006

Le tabou.

Aujourd’hui j’ai brisé un grand tabou, j’ai expliqué à un de mes patients qu’un de mes confrères cardiologues était une ordure.

Ce patient a fait de la rééducation dans la clinique, après un deuxième infarctus compliqué de mort subite.

Il n’avait pas de cardio, nous avons sympathisé, et il m’a demandé de le suivre.

Après son deuxième infarctus, je lui ai fait l’épreuve d’effort systématique, recommandée par les sociétés savantes. Elle a été tout à fait rassurante.

Je le revois aujourd’hui, car il était inquiet devant une rougeur du visage, peut-être iatrogène.

Au cours de la conversation, il me dit qu’ « on » lui a fait une coronarographie dans l’intervalle de nos visites.

Il avait prévu cette visite depuis longtemps  avant l’infarctus (il aurait vu un autre que moi pour deuxième avis, cela ne m’aurait pas gêné, je ne suis pas du tout choqué par ce besoin qu’ont certains patients d’aller voir ailleurs), et « on » lui a proposé de faire un contrôle coronarographique, alors que tout allait bien.

Là, j’ai explosé, froidement, comme à mon habitude.

Le contrôle systématique (ici à 3 mois post infarctus), en dehors de certains cas très particuliers, n’est rien d’autre que du vol qualifié pur et simple (code de tarification CCAM : DDQH009, soit 288 euros).

Le principe est simple, "on" arrive toujours à trouver une lésion (même si elle n'y est pas), on la dilate, si possible avec un stent (DDAF006, soit 397.10 euros). On contrôle 6 mois-1 an après: 30% de resténose avec les stents conventionnels: nouvelle dilatation simple ou avec stent. Et ainsi de suite, une véritable rente viagère.

Entendez vous les écus qui tintent?

gling-gling

gling-gling

gling-gling....

  

Et ensuite, que faire lorsqu'il y a des stents de partout, et que tout est resténosé?

Et bien là, on ne peut même plus ponter, on ne peut que redilater, sans fin.

Mon voisin, suivi par un autre requin, a 7 stents dans les coronaires. Il en est très content: "il a fait un super travail!".

Beati pauperes spiritu.

Le pire est que la coronarographie est entachée d’un pourcentage, certes faible, mais incompressible, de complications parfois graves.

J’ai donc pris mon temps, en lui expliquant pourquoi le « on » était une ordure (très connu sur la place pour cela, d’ailleurs).

Ce n’est pas bien, mais cette fois, je n’ai pas pu me retenir (pour mon voisin, j'ai plus ou moins fait intervenir ma femme auprès de sa femme, pour le suggèrer d'arrêter la métallisation de ses coronaires...).

Le premier qui me parle d’éthique, je la lui fais bouffer.

08/02/2006

La trypanosomiase et le poipoil.

La trypanosomiase africaine, ou maladie du sommeil (Trypanosoma brucei rhodesiense et T.b. gambiense) est une parasitose qui menace 60 millions de personnes, et en touche environ 45.000 par an, en fait probablement 10 fois plus (source OMS).

 
La mortalité est de 100%, en l’absence de traitement.

Les foyers endémiques sont : Cameroun, Centrafrique, Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée, Ouganda, République unie de Tanzanie, Tchad, à un moindre degré : Bénin, Burkina- Faso, Guinée Equatoriale, Kenya, Mali, Mozambique, Togo et Zambie.

Comme vous pouvez le constater, ces pays sont éloignés, pauvres (absence de pétrole), et habités par des populations noires.
Ce qui explique, primo que personne n’entende parler de ce fléau, et que secundo, peu de gens se débattent pour le combattre.

Vous me direz qu’en occident, on se bat contre deux autres fléaux africains : le paludisme, et le HIV.

 
C’est déjà pas mal, pourrait-on dire.
Certes, mais si le palu ne touchait pas quelques touristes occidentaux chaque année, si il ne gênait pas le commerce, et si nous n’étions pas touchés par le HIV, que ferions nous réellement pour aider l’Afrique ?

Mais revenons à notre trypanosomiase.

 
N’étant pas un spécialiste de cette pathologie, je vais faire court, pour ne pas faire faux.
L’arsenal thérapeutique est particulièrement limité, il n’existe que trois traitements anciens ( la Suramine découverte en 1921, la Pentamidine découverte en 1941 et le mélarsoprol découvert en 1949).
Ces traitements ont des effets secondaires diaboliques.
Ainsi, le mélarsol, le seul utilisable dans les formes avancées, est un dérivé de l’arsenic. Dans 10% des cas, il provoque une encéphalite suraigüe, mortelle dans 60% des cas.
Autrement dit, tout le monde sert les fesses quand on débute la perfusion.
Que vient faire le « poipoil » dans cette triste histoire ?
Et bien, dans les années 90, le laboratoire Bayer, expérimente un anti cancéreux, l’eflornithine.
Malheureusement, cette molécule n’apporte rien dans le traitement du cancer, mais un certain Cyrus Bacchi découvre (je ne sais pas comment), qu’elle est efficace sur la trypanosomiase.
A la suite d’un cas de guérison exceptionnelle en Belgique, on l’appelle « the resurrection drug ».

Tout n’est pas rose, les effets secondaires étant ceux d’un anti cancéreux, mais dans le désert thérapeutique de la trypanosomiase, cette molécule est une oasis.

 
En 1995, la production est néanmoins cessée, pour cause de non rentabilité.
Rassurez-vous, nos amis africains ne sont pas oubliés, le laboratoire Bayer, puis Aventis, puis Sanofi (au fil des rachats) offre le brevet de fabrication à l’OMS.
Mais l’OMS est incapable de trouver un fabricant pour une molécule chère à fabriquer, et qui ne sera jamais rentable.
On vide donc inéluctablement les stocks d’Aventis depuis 1995.
C’est là que le poipoil fait son apparition. Une autre firme pharmaceutique (BMS) découvre qu’une crème à base d’eflornithine a un effet dépilatoire « décoiffant » dans les cas d’hirsutisme facial des femmes (pathologie au combien majeure dans nos pays, presque un problème de santé publique !).
Là, c’est rentable.
BMS fabrique donc cette crème, en accord avec Sanofi.
L’OMS contacte BMS qui leur alloue 60.000 ampoules par an, pour un prix raisonnable, pour une durée…à déterminer.
De son côté, Sanofi débloque 5 millions de dollars par an pour la recherche et le développement de nouveaux anti trypanosomiques.
Ouf, on a eu chaud.
Merci les poipoils !!
Comme d’habitude, les morales de cette histoire :
- Mieux vaut être riche que pauvre, occidental qu’africain (ce n’est pas nouveau).
- Les firmes pharmaceutiques sont là pour s’enrichir, ne croyez donc pas leurs publicités humanistes. Par ailleurs, je ne leur reproche pas cette recherche du profit, ce sont des industries comme les autres. Mais il faut le savoir une bonne fois pour toutes, pour ne pas être déçu.
-L’OMS est, comme d’habitude un tigre aux dents de papier, incapable de faire fabriquer 60.000 ampoules, par faute d’un manque de moyens. Toutefois, sans son action efficace, les firmes n’auraient pas lâché du lest. Une bien belle victoire à la Pyrrhus.

-Dormez tranquilles, nous ne risquons rien en France. Dans le cas contraire, on aura vite fait de trouver une molécule efficace, et sans effets secondaires. Non, mais oh !!

       

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PS: c'est un article dans "Prescrire" du mois de février qui m'a donné l'envie d'écrire cette note. Mais il existe des dizaines de pages web sur le net.

A vous de "googler"!

11:55 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (3)

07/02/2006

Hasta siempre!

J’ai terminé en garde « Les rois maudits », dans « la plus totale indifférence », comme on aurait dit, si j’avais été plusieurs.

Le dernier tome, « Quand un roi perd la France », est un récit des premières années du roi « Jean le Bon », sa lente descente aux enfers, et celle du Royaume, puisqu’ils sont indissociablement liés.

A la mort de Robert d’Arras, à la fin du tome précédent, l’auteur a visiblement perdu l’envie d’écrire.

 

  

Et moi de lire.

 

Enfin, n’exagérons pas, la fin est bien écrite, mais n’est plus animée par le souffle des pages précédentes.

Mais, hormis ce dernier tome, j’ai pris un plaisir immense à lire cette épopée.

Je poursuis la bio du « Che » (« Ernesto Guevara connu aussi comme le Che » de Paco Ignacio Taibo II (Ed. Métailié/Payot).).

Ce médecin (et oui…), spécialisé dans l’allergie est porteur d’un asthme ancien et sévère. Seule une volonté presque inhumaine va lui permettre de mener la vie de guérillero qu’on lui connaît.

Là, il vient de débarquer à Cuba avec Fidel Castro et 80 autres. Ils doivent lutter contre les 35.000 hommes de Batista, cachés dans un maquis inhospitalier.

  Le « Che » doit se faire des intra-veineuses d’adrénaline (quand il arrive à s’en procurer) pour faire céder ses crises d’asthme !! 

Il soigne d’abord les blessés les plus graves, qu’ils soient de l’armée de Batista, ou des siens (quand il est le médecin de l’expédition, avant d’être nommé « commandant » par Fidel Castro).

Dans les coups de force, son courage est légendaire.

Le récit est bien enlevé, et plaisant.

Comme d’habitude, en lisant le récit du début d’une lutte contre l’oppression telle que celle-çi, je mesure la distance qui sépare les idéaux initiaux des résultats à long terme.

L’enfer est décidemment pavée de bonnes intentions.

19:10 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (0)