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23/07/2006
Les figues fraîches.
Finalement, je ne vous ai même pas raconté en détail ma soirée avec P. la blonde.
Pour les lubriques, genre Ron, ou les sismologues genre Mélie (;-)), il ne s’est rien passé au-delà de la table du restaurant. Donc si vous voulez des détails croustillants, allez plutôt lire Anne Archet (en plus, elle a plus de talent littéraire dans son petit doigt que tous les Passmore, moi compris, des 20 dernières générations.).
Donc, après son SMS inattendu, et presque 3 ans depuis notre dernière rencontre, nous nous donnons rendez-vous dans un lieu emblématique de la ville. Le genre « sous la queue du cheval » des lyonnais.
Bon, manque de pot, des flics et tout un tas de sympathisants libanais battent le pavé à l’endroit choisi.
Heureusement, elle est grande et blonde. Heureusement aussi que ce n’est pas la Suède qui croule sous les bombes israéliennes.
Je la repère donc rapidement. Elle n’a pas changé du tout, de grands yeux verts (ou bleus, j’ai un doute…) et un nez se retroussant à chaque sourire. Elle passe devant moi, son petit tatouage me semble un peu passé (un petit chat de face, à la pointe de l’omoplate ; quand elle bouge le bras, on dirait qu’il avance vers nous)
J’avais initialement prévu le restaurant du Sofitel, avec sa vue magnifique. Manque de pot, complet à cause de la présence d’une forte délégation chinoise venue ici pour faire du commerce.
Ils ne vendent donc pas assez de produits en France ? Non mais, quelle idée de venir contrecarrer cette soirée!
Des chinois, des libanais, j’en deviendrais presque xénophobe….
On s’est finalement replié dans un restaurant de couscous.
(Comme quoi, je ne suis pas rancunier).
Nous nous sommes assis en terrasse. Mon Dieu qu’elle est belle….
Je pense à ma femme et mes enfants à 350 Kms de là… (un infirmier à qui j'avais raconté ce futur dîner m'avait sorti une théorie comme quoi "au delà de 150 Kms, ce n'est plus pécher")
Ce soir, Sally doit me faire confiance, car elle ne m’appelle pas une seule fois pour lui dire bonne nuit, puis à Guillaume, puis à Thomas, comme si tout le monde se couchait à des heures décalées. Ou bien elle est scotchée devant une de ses séries cultes (Lost ou Desperate Housewife). En y réfléchissant, c’est même curieux qu’elle n’ait pas appelé. A son retour, je lui demanderai ce qu’elle faisait ce soir là…
P. prend un Tajine aux fruits de mer et moi aux figues fraîches.
La conversation démarre.
Première partie, sa vie privée.
Point d’interrogation général pour moi (PIG dans Thérapie ; c’est d’ailleurs elle qui m’avait conseillé de lire ce livre. Je viens de m’en souvenir en écrivant ces lignes…).
Comment une fille aussi jolie, gentille et pas bête du tout (ce n’est pas un critère absolu, mais elle est médecin) n’a jamais réussi à trouver une stabilité sentimentale depuis tant de temps (10-12 ans depuis que je la connais). Peut-être est-elle particulièrement difficile à vivre dans la sphère privée ? D’un autre côté, je me dis que la Vie fait bien les choses ; si seul(e)s les non-avantagé(e)s-par-la-Nature avaient du mal à trouver le bonheur, le taux de suicide serait rédhibitoire. Il faudrait alors créer des armées entières de sapeurs-pompiers, et de psychiatres de garde (jeune homme/femme, à la voix douce, se promenant le plus souvent dans les services d’urgence, seul le port dans la main droite d’un dossier médical permet de l’identifier comme appartenant au corps médical).
Intervalle de « Survie » de ses copains : de deux semaines à deux ans. Je n’ai pas osé lui demander la médiane, la moyenne et l’écart-type. Un beau matin, elle se lève et balance souvent sans sommation : « j’en ai marre, je te quitte ». En général, ils le prennent assez mal.
Deuxième partie, après les tajines : ma célèbre image du "loup et le chien", pour la consoler d’être célibataire.
Je sais, je sais, je ressors cette fable toutes les fois. Mais comme je n’ai jamais expliqué ma théorie sur ce blog (merci Google), à défaut d’avoir cité la fable dans un commentaire de la note « Blancs, bruns et blonds. », la voici :
Les individus se divisent grosso modo en deux groupes (faisons simple, sinon simpliste) : les chiens, c'est-à-dire ceux qui ont une vie de couple stable, et les loups, les autres.
Les premiers sont bien nourris, régulièrement, sans grande complication. Mais ils sont attachés.
Les seconds sont quasiment toujours morts de faim, mais ils sont libres.
Choix cornélien. Envie perpétuelle d’être dans l’autre groupe, ou d’être dans le sien sans les inconvénients, mais ce qui est quasiment impossible. Lisez la fable, absolument tout y est : la flatterie pour manger…
A la fin de la fable « Cela dit, maître Loup s’enfuit, et court encor. ». Je lui serine cette histoire depuis 11 ans : qu’elle profite bien de sa liberté…
Mais sans grand succès, car elle se morfond toujours, même si elle reconnaît des avantages au célibat.
A la fin, on a attaqué le dessert en parlant d’adultère. Promis, je ne sais pas qui a lancé le sujet. Le fondant au chocolat, le thé à la menthe et surtout l’alcool de figues à 40°C ont un peu embrouillé ce passage de la soirée. Je ne me souviens de pas grand-chose jusqu’à la bise au pied de son hôtel. J’avais emmené mon cartable, et je ne savais pas trop quoi en faire au moment critique. Note pour la prochaine fois dans 3 ans : ne pas apporter d’objet encombrant (parapluie, cartable, appareil à ECG…). A vrai dire, mes mains auraient été libres, et l’esprit un peu plus clair, je n’aurais pas été plus à l’aise.
Le « au revoir » a été fort bref, et je m’en suis retourné le pas empesé, avec mon cartable, et ma petite chemise à carreaux, comme un écolier gêné qui aurait raté son premier baiser. Le ridicule ne tue pas, heureusement. D’un autre côté, elle n’a pas fait grand-chose pour influer sur la fin de la soirée. Voyons les choses du bon côté, elle m’a ainsi évité un choix de conscience douloureux.
L’honneur est sauf, la morale aussi.
Mais la fragrance du péché est bien plus douce que celle de la figue fraîche.
On verra bien dans 3 ans.
22:55 Publié dans ma vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (8)
22/07/2006
5h40
…Rêves…
Appel téléphonique : un patient retrouvé mort en chambre
« ¼ d’heure avant sa mort, il était vivant » (c’est bien souvent le cas).
Je me lève difficilement, avale un double expresso bien tassé pour me réveiller définitivement et je me rends dans le service.
En y allant, j’appréhende déjà le coup de fil à la famille. Je me trompe d'étage, car contrairement à ma croyance tenace d'alors, le "B2G" se situe bien au second, et non au quatrième (d'un autre côté, le service se serait alors probablement appelé "B4G").
J’arrive sur les lieux du crime.
Il est en effet bien mort.
65-70 ans, en position fœtale, maigre, quelques rares cheveux roux sur le caillou.
Il ne respire pas la bonne santé, c’est le moins que l’on puisse dire.
Discussion avec l’infirmière et l’aide soignante : Quand ? Comment ? Pourquoi ?...
5h55
On se rend tous compte d'un seul coup que ce n’était pas moi qu’il fallait appeler, mais le médecin de la garde générale.
Ce mort n'est pas à moi!
Je reste stoïque, malgré la caféinémie qui monte en flèche.
Je retourne me coucher.
…yeux ouverts…(probablement les expressos)
7h30
Je me relève pour manger un morceau de pain ; j'ai faim car les aides soignantes ont oublié de me garder mon plateau repas hier au soir.
Je me plante devant l'ordi, réponds aux commentaires d'Esculape et Mélie et tape cette note.
...
07:45 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (1)
21/07/2006
De garde ce soir.
De garde, donc, avec deux patients sous ma responsabilité (au lieu des 10 habituels).
A cause des vacances, de la canicule, on n’opère que les cas urgents.
La nuit devrait être tranquille.
Sauf que…
L’un des deux est le « cardiologue cardiaque ».
Tout d’abord, un aspect de la vie des médecins que je n’ai jamais abordé.
Je profite donc de cette note pour, en quelque sorte, rassurer les patients non-médecins.
Médecins et non-médecins sont certes, inégaux devant la maladie, mais pas en faveur de ceux que l’on pourrait croire.
Etre médecin est clairement un facteur de risque de complications à tout acte diagnostic ou thérapeutique.
Peut-être notre envie de trop vouloir bien faire devant un confrère malade, peut-être les interférences que le patient-médecin ne va pas manquer de produire dans le bon déroulement de la prise en charge, ou pour les croyants en un ciel ironique et distant, un pied de nez à l’avantage a priori logique d’être médecin et patient ; font que le patient-médecin est souvent parmi les plus mal géré par ses confrères.
C’est connu, j’ai des dizaines d’exemples en tête.
Je ne parle même pas du patient-médecin qui par sa formation sait tout de sa maladie, même les aspects les plus terribles, que l’on cache habituellement par humanité à nos autres patients.
Reprenons le cours de l’histoire.
Le « cardiologue cardiaque », entouré de toute la sollicitude de ses confrères (copains de promo) et du chirurgien cardiaque (ami et ancien correspondant) passe au bloc hier.
Comme je l’ai déjà dit, l’intervention était à haut risque.
Elle se passe néanmoins bien, la CEC est arrêtée, les canules ôtées et le thorax fermé. L’aide opératoire du chirurgien part (peut-être pour enfin pouvoir regarder l’enregistrement du dernier « l’île de la tentation »). Les cardiologues décident de faire une ETO pour vérifier la valve. C’est tout à fait inhabituel, on le fait en général à j7. Mais bon, c’est un copain de 30 ans.
A l’ETO, stupeur et tremblements, une des deux ailettes de la valve est bloquée en position fermée. Après un bref conciliabule, le chirurgien ré-ouvre avec son instrumentiste comme aide-opératoire. Cette dernière fait un geste un peu brusque, et arrache le pontage aorto coronarien qui datait de 2001. Hémorragie, ischémie, le chirurgien refait un petit pont et restaure la situation.
Bilan des courses : 2 CEC, re-pont, patient-médecin pas flambant.
Bref, encore un beau cas de l’adage « un médecin est un mauvais patient ».
20:20 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (3)