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29/05/2007

Anticoagulation, fibrillation auriculaire et sujet âgé.

Ce sont les trois ingrédients de la potion de sorcières que doivent ingurgiter presque quotidiennement les généralistes, les cardiologues et les neurologues.

 

Pourtant la question est simple : « Faut-il anticoaguler ce/cette patient(e) âgé(e) qui fait (ou a fait) une fibrillation auriculaire ? ».

D’un côté, le risque d’accident vasculaire cérébral lié à la fibrillation, de l’autre, le risque hémorragique lié à l’anticoagulation.

Un « Charybde et Scylla » médical, en somme.

 

Précisons un peu les choses avant de répondre à cette question centrale.

 

La prévalence de la fibrillation auriculaire est de 8% chez les plus de 80 ans (contre 0.4-1% tous âges confondus).

L’incidence  chez les plus de 80 ans est de 1.5% par an chez les femmes et 2% par an chez les hommes (< 0.1% par an chez les moins de 40 ans).

 

Le risque thrombo-embolique de la fibrillation non anticoagulée augmente avec l’âge (1.5% par an entre 50 et 69 ans contre 23.5% entre 80 et 89 ans dans la cohorte de Framingham).

 

Le risque d’hémorragie majeure est estimé entre 1 et 7.4% par an chez des patients en fibrillation auriculaire et anticoagulés. Par ailleurs, il augmente avec l’âge.

 

Les recommandations de 2006 sont claires : un âge supérieur à 75 ans est un facteur de risque « modéré », mais qui pousse indubitablement à anticoaguler un patient donné.

 

Au total, jusqu’à présent, nous avions tendance à anticoaguler les sujets âgés en partant du principe que c’était risqué, mais que c’est justement ces patients qui en bénéficiaient le plus.

Ensuite, tout dépendait du patient lui-même.

 

 

  • Quel est son risque de chute ? (Anticoaguler un patient qui tombe tous les 5 mètres n’est pas forcément une bonne idée…)

 

  • Quel est son degré de compréhension, ou quelle est la qualité de son entourage familial ou médical ? (La gestion d’un traitement par AVK n’est pas particulièrement simple).

 

  • Quel est son état général, (Pas d’anticoagulation chez un patient très dégradé).

 

  • A-t-il une pathologie autre qui majore le risque d’hémorragie ? (Ulcère gastro-duodénal, cancer…).

En cas de risque rédhibitoire (ou non), je les mettais sous aspirine en expliquant à la famille les raisons de ma décision. En effet, encore une fois, les recommandations poussent dans le sens d’une anticoagulation.

Car, il faut bien avouer que j’ai toujours un peu peur d’anticoaguler des patients de plus de 80 ans et que j’ai toujours recherché avec beaucoup d’application une contre indication à le faire.

 

L’étude qui vient de sortir dans le dernier « Circulation » me conforte très largement dans cette attitude (Hylek EM, Evans-Molina C, Shea C, Henault LE, Regan S. Major hemorrhage and tolerability of warfarin in the first year of therapy among elderly patients with atrial fibrillation. Circulation. 2007;115:2689 –2696).

 

Ce travail prospectif sur 472 patients âgés de plus de 65 ans retrouve un risque annuel de saignement majeur de près de 13.1% chez les plus de 80 ans (et de 4.7% entre 65 ans et 80 ans).

 

Ce risque est le plus important pour les scores « CHADS2 » élevés (insuffisance cardiaque=1 point, hypertension artérielle=1, plus de 75 ans=1, diabète=1, antécédent d’accident vasculaire cérébral transitoire ou non=2).

Pour un score CHADS2 à 3, le risque est à 19.54% par an, pour un score à 4 et plus, il est de 23.42%.

Comme vous pouvez l’imaginer, on arrive vite à des scores élevés chez nos patients âgés.

 

Ce travail montre encore une fois que la plupart des études sur lesquelles on se base pour publier des recommandations comportent peu de sujets âgés et donc qu’elles leurs sont donc peu applicables. Ainsi, si l’on regarde les études qui ont permis d’estimer un risque de saignement compris entre 1 et 7.4%, on se rend compte que l’âge moyen est compris entre 58 et 80 ans (le plus souvent, il tourne autour de 70 ans).

 

L’étude de Hylek est donc exemplaire car elle s’intéresse justement à une population, qui bien que de plus en plus nombreuse, est le plus souvent négligée, et elle permet probablement d’estimer le risque de l’anticoagulation à une plus juste valeur.

J’ose espérer qu’elle sera prise en compte pour les prochaines recommandations internationales.

 

 

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Cerise sur le gâteau, l’éditorial de l’article cite une très jolie phrase de Anthony Powell (je fais le malin, mais je n'ai pas la moindre idée de qui c'est...) sur la vieillesse :

 

"Growing old is like being increasingly penalized for a crime you haven’t committed".

09:10 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (3)

27/05/2007

Technorati’s breakdown.

Un « bug » assez rigolo sur la nouvelle version de Technorati.

 

Jusqu’à présent, mon « Authority » était aux environs de 30-35 en fonction du nombre de liens dirigés vers mon blog, et mon classement aux environs de 150.000.

Situation stable depuis des mois.

J’ai remarqué que, depuis quelques jours, mon « Authority » avait grimpé à 49 et mon classement à moins de 100.000.

 

Dans les 100.000 premiers blogs !

Champagne !

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Et bien non, Technorati s’est mis en fait à comptabiliser les clics des usagers de Hautetfort lorsque je poste un commentaire et que mon blog apparaît sur leur page dans la colonne « Derniers blogs mis à jour ».

 

Cette note va encore me faire gagner 10 ou 15.000 places.

Cliquez, cliquez, et bientôt, comme le dit Loic Lemeur, c’est moi qui aurai la plus grosse…

 

Pour donner un ordre d'idée, le blog de Ron l'infirmier, le blog médical/paramédical le plus connu de l'hexagone a une "Authority" de 189 et un classement de 22.652

18:20 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0)

L’affaire de la rosiglitazone.

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 (Photo tirée du site du New-York Times. Au centre, Steven E. Nissen)

 

 

Le 21 mais 2007, le NEJM a publié en avant première sur le net une méta-analyse de 42 essais (environ 27000 patients) sur le risque cardio-vasculaire d’un anti-diabétique sorti en 1999, la rosiglitazone.

Ce travail montre une augmentation significative de 43% du risque d’infarctus (p=0.03) et une augmentation non significative de 64% du risque de décès (p=0.06). Fait intéressant, les auteurs ont trouvé les données de ce travail sur le site web de GSK (le laboratoire qui commercialise la rosiglitazone). GSK avait en effet décidé d’ouvrir ses données au public il y a trois ans pour plus de transparence (en fait, c’était une décision de la justice américaine). Dans les jours qui suivent, l’action de GSK chute de 9% et des dizaines d’articles alarmistes sont publiés dans des journaux grand public (j’en ai compté 13 dans le « Washington Post » et le « New-York Times »).

 

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Les « leaders d’opinion » médicaux s’étripent joyeusement dans des éditoriaux de revues médicales (le « Lancet » est entré dans la danse le 23 mai) et  l’histoire est remontée au Sénat américain ou se pose la question de la compétence de la FDA.

On exhume de vieux articles (ici et ici) qui prédisaient déjà de tels résultats et les Cassandres d’hier sont devenus les visionnaires d’aujourd’hui.

Bref, une belle cacophonie (ici et ici).

Quelles conclusions provisoires tirer d’une telle affaire ?

- Elle est une nouvelle fois la preuve que le suivi post commercialisation est déficient. Se rendre compte de la potentielle dangerosité d’une molécule près de 8 ans après sa sortie et des millions de prescriptions (alors que la fréquence d’effets secondaires graves serait bien moindre) me parait anormal.

- Les « leaders d’opinion » médicaux sont divisés en deux camps : ceux qui travaillent avec GSK et qui pensent que l’article du NEJM est irresponsable, et les autres qui sont rendus inquiets par ses conclusions. Ce n’est pas une caricature, comme l’atteste cet article de « Theheart.org » daté du 24/05/07 (« The rosiglitazone aftermath: Legitimate concerns or hype? »).

- Le marketing est tout puissant. Cette molécule a soulevé des questions de sécurité (par exemple celui ci datant de 2002 et celui la pointé en mars 2006 par les autorités sanitaires) quasiment depuis sa commercialisation, mais a néanmoins eu un énorme succès commercial (3.2 milliards de dollars de chiffre d’affaire dans le monde l’an dernier).

(Cf. la série d’articles de « Prescrire » sur la rosiglitazone, notamment celui-ci publié en 2002, qui reprend les conclusions de différents journaux datant de 2000-2002).

 

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 (Article de la revue "Prescrire" de mars 2005)

 

- C’est quand même curieux qu’un laboratoire pharmaceutique qui ait en sa possession des données d'une telle importance pour la santé publique ne les publie pas, non?

- Je pense que cette affaire va clore rapidement les timides velléités de transparence des laboratoires pharmaceutiques. Les fameuses données non publiées que possèdent tous les laboratoires le resteront donc probablement. Quand on signe un contrat d’investigateur pour une étude, il est bien précisé que les données appartiennent au labo qui reste seul juge pour les rendre publiques ou non. Bien évidemment, les données défavorables ont tendance à rester cachées. Ce n’est qu’à l’occasion de procès (par exemple celui du « Vioxx ») qu’elles sont exhumées.

- Conclusion du point précédent : et si on favorisait la recherche publique ?

- Les laboratoires sont de plus en plus dépendants de la vente d’une seule molécule (les fameux « blockbusters»), donc de plus en plus fragiles,  et donc, in fine, de plus en plus agressifs pour que ces molécules (efficaces ou non, dangereuses ou non) se vendent.