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24/02/2007

Pourquoi Audrey ? (2)

On va voir d’un peu plus près la composition et ce à quoi ce tableau fait référence.

 

Le châssis de la toile en coton d’un grain moyen est un carré de 60 cm sur 60 cm. Aux quatre coins on retrouve les inévitables clés en bois qui permettent de retendre la toile et qui ne demandent qu’à tomber si l’on manipule un peu trop le tableau.

Ci dessous une illustration prise dans Google.

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Le dos de la toile est signé et annoté « Alan Kinsey 2007 « Icons # 16 » Audrey Hepburn »

 

La peinture utilisée est une peinture acrylique très fine (comme je l’ai déjà dit, il n’y a quasiment pas de relief visible à jour frisant). La palette est simple : gris foncé et blanc. Plus simple que cela, c’est difficile.

Je pense qu’il a enduit la toile de blanc pour ensuite faire le fond et dessiner le visage avec le gris, quitte à affiner certains détails en passant une nouvelle couche de blanc.

 

J’ai cherché quelle composition le peintre avait bien pu utiliser.

Pas la règle des tiers, basée sur le nombre d’or puisque la toile est un carré.

J’ai quand même essayé, mais vous pouvez constater qu’aucune structure majeure du visage passe par les lignes et les points de force.

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J’ai testé cette règle sur deux autres toiles rectangulaires peintes par le même Alan Kinsey et l’on peut constater qu’elle s’applique quasi parfaitement.

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Je me suis donc demandé comment regarder cette toile.

J’ai finalement eu l’idée de la regarder comme on regarde le visage d’une femme.

D’abord les yeux immenses et tendres, puis les lèvres charnues, puis les cheveux.

Les cheveux attirent par leur traitement un peu plus complexe que le reste de la toile, notamment au dessus de l’œil gauche. Puis le regard descend en pente douce vers la droite du visage.

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Quand on relie tous ces points, on obtient grosso modo une spirale qui explique probablement en grande partie l’harmonie calme qui se dégage de la toile.

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Les poètes y verront une allusion à l’ammonite, à la mer, puis à Vénus sortant des eaux  et à l’éternel féminin qu’Elle symbolise.

Mais là, on s’enfonce dans l’exégèse. Et comme l’étymologie le dit si bien, cela risque de nous mener bien loin « hors de » la finalité de cette note.

 

La palette de couleur restreinte, la volonté de simplification du visage (le nez est quasiment absent, de même que l’ourlé des oreilles) sont une référence très claire à l’art de la sérigraphie. Ce procédé mécanique vise à reproduire en grande quantité des images aux graphiques rendus nécessairement simples par le procédé lui-même.

Or, la sérigraphie est une référence très forte au Pop-Art, et à son représentant principal, Andy Warhol.

Bon, je ne me suis pas trop creusé la tête pour pondre cela car Alan Kinsey est en pleine période Pop-Art en ce moment. Le fait que Kinsey, comme Warhol, ait travaillé dans la publicité avant de se consacrer à la peinture n'est sûrement pas totalement fortuit.

Audrey rappelle assez furieusement la série des « Mao » ou « Ten Lyses » de Warhol.

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Le Pop-Art avait pour mission de rendre l’art plus populaire, plus accessible. La grande majorité des œuvres est facilement accessible, simplifiée ou représente des objets de la vie de tous les jours que l’on ne remarque jamais (les boites de soupe Campbell, par exemple). La reproduction mécanique des images est aussi un bon moyen pour désacraliser l’art dans ce qu’il a de plus fondamental, du moins pour l’acheteur, c'est-à-dire l’unicité de l’œuvre. Enfin, le Pop-Art se moque des « icônes » de la société de consommation (comme Marylin Monroe ou Liz Taylor), là aussi en piétinant leur unicité en démultipliant de manière grotesque leur image.

Simplification de la représentation, reproduction mécanique, qu’en est-il de Audrey ?

 

Tout d’abord, le nom officiel du tableau « icons 16 » montre la volonté de l’insérer dans une série, puisqu’il est le seizième de la série « Icons ». Ensuite le choix d’une icône, ici Audrey Hepburn, est comme nous l’avons vu, très caractéristique du Pop-Art.

 

Cependant le tableau est unique. Ca, j’y tiens beaucoup, engoncé dans mon conformisme petit bourgeois. Pour ce point précis, le Pop-Art n’est pas passé par moi. Les autres toiles de la série « Icons » traitent de sujets très différents.

Certes, la toile est donc une reproduction d’une photo connue d’Audrey Hepburn, mais sa simplicité n’est qu’apparente.

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Primo, aucun procédé de reproduction mécanique visible. Peut-être que le peintre a utilisé une sorte de rétroprojecteur pour tracer les contours du visage, mais rien ne le montre à part peut-être un petit détail dont on va parler plus tard.

Tout est dessiné ou suggéré au pinceau, résultat d’un travail et d’un talent.

Secundo, le traitement des yeux ou des jeux de lumière sur les lèvres et les cheveux est loin d’être « simple », comme le montrent les agrandissements suivants.

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En somme, une sorte de faux Pop-Art qui en fait prend à contre-pied ce qui a fait le fondement de ce courant. Un pop-Art "dépopularisé", un Pop-Art bourgeois, en quelque sorte. Mais on va voir qu’il existe peut-être encore une référence graphique encore bien plus ancienne.

 

Suite et fin dans une troisième note.

11:45 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (2)

22/02/2007

Pourquoi Audrey ? (1)

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Je vis et travaille depuis quelques jours en compagnie d’Audrey, de son vrai nom « Icons 16 ».

Depuis son arrivée, je la regarde bien plus que ne le mériterait le petit coin de mur ou elle est accrochée.

J’imagine qu’en peinture, comme en littérature, on peut appréhender une œuvre selon plusieurs angles et surtout avec différentes profondeurs de champ. Vous verrez que l’analogie avec la photographie n’est pas anodine.

 

C’est l’affectif qui vient au premier plan quand on découvre une œuvre, on aime ou on n’aime pas.

C’est comme ça, et probablement multifactoriel : hormonal, saisonnier, dépendant de son vécu…

Puis lorsque l’on commence à s’intéresser à la peinture (par exemple), viennent toute une série de plans d’autant plus profonds que l’on connaît cet art et l’artiste.

Le problème, c’est que pour aller au-delà de l’affectif, il faut se faire une culture picturale. C’est long, rapidement décourageant du fait de l’immensité du sujet et vite incompréhensible lorsque l’on commence à lire le moindre texte de spécialistes qui se sentiraient déshonorés si ils étaient moins hermétiques. « C'est comme l'annuaire : on tourne trois pages et on décroche.", comme disait Desproges.

Quand j’étais plus jeune, j’adorais l’émission « Palettes »  d’Alain Jaubert. Elle passe parfois sur Arte, mais je n’ai plus le temps de la regarder.

Cette émission expliquait simplement, à l’aide d’une palette graphique comment regarder une œuvre, et aussi apprendre à rechercher à quoi elle fait référence.

J’ai donc essayé de faire un simili « Palette » spécial « Audrey ».

Mais comme c’est un peu long, il y aura sûrement plusieurs épisodes.

22:40 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (2)

21/02/2007

Le scaphandre et le papillon.

Encore une histoire triste ce matin, enfin deux, mais surtout une.

 

Tout d’abord une femme de 50 ans.

Il y a un an, sa vie était « formidable ».

Elle sortait d’un parking à pieds, et la barrière s’est refermée juste quand elle est passée dessous. Elle ne sait pas pourquoi le système de sécurité n’a pas marché.

Elle a pris un gros coup sur la tête et s’est affalée par terre. Les pompiers sont arrivés, et n’ont heureusement pas décelé d’anomalie.

 

Elle rentre à la maison, encore un peu secouée.

Son mari la trouve pâle, elle ne se sent pas très bien.

Ils vont chez le généraliste qui lui trouve une arythmie cardiaque.

Ils consultent rapidement un cardiologue qui diagnostique une fibrillation auriculaire.

Logiquement, il l’anticoagule avec un relais par AVK.

Il décide de temporiser en la ralentissant un peu avec de la digoxine.

La fibrillation cède en 8 jours, sans aucun problème.

 

Quelques semaines après, au cours d’une grosse colère, elle fait une poussée hypertensive qui la conduit aux urgences.

Là aussi, tout finit bien.

Puis rapidement, de retour à la maison, elle ressent une faiblesse des jambes et des douleurs diffuses.

Les choses se compliquent un peu, elle consulte de « nombreux incompétents » qui ne trouvent pas ce qu’elle a. Elle fait même un séjour en clinique, dans un service de cardiologie ou on lui dit que « le cœur va bien ».

Cette histoire traîne.

 

Finalement, je ne sais plus qui a l’idée de faire une IRM médullaire qui retrouve une compression sévère par un hématome, probablement lié aux anticoagulants.

Elle est transférée en neurochirurgie pour y être opérée en urgence.

Mais le neurochirurgien ne pourra pas faire grand-chose.

Elle restera paralysée jusqu’au niveau D3-D4.

 

Je la vois ce jour pour un bilan vasculaire d’ulcères traînants des deux jambes.

Elle s’est coincée les jambes entre les marchepieds et l’armature du fauteuil roulant, et n’ayant pas de sensibilité, elle s’est blessée profondément en voulant se dégager.

C’était il y a quelques semaines, et la situation se dégrade.

Le döppler est normal.

 

La deuxième est tout aussi tragique, et malheureusement bien plus fréquente.

Une jeune femme de 28 ans envoyée pour un bilan vasculaire pour une deuxième greffe bi pulmonaire pour cette maladie.

Par ailleurs, elle est greffée rénale.

Première perfusion à l’âge de 4 ans, première chambre implantable à l’âge de 11 ans.

Elle est lucide comme seuls le sont ceux qui vivent sous le joug de maladies chroniques graves depuis l’enfance.

 

On a parlé de sa maladie et ça m’a rappelé un souvenir d’enfance.

 

Je vivais dans une maison à la campagne près de Lyon et chaque été, les voisins recevaient leurs petits enfants. Je devais avoir 10-14 ans. Nous avions à peu près le même âge et jouions assez souvent au vélo, aux Playmobils et à la gadoue dans les fossés du petit chemin de terre. Il y avait un garçon, l’aîné et deux filles. Les deux filles étaient atteintes.

La petite se consumait d’été en été, le visage mangé par des yeux cernés et toute maigre. Un jour elle n’est plus venue dans la maison de ses grands-parents pour jouer avec nous. Puis quelques années plus tard, j’ai revu la plus grande. Elle venait de commencer sa fac avec une lucidité et un courage  inouïs. J’ai appris son décès l’année d’après.

 

Depuis, plus aucun rire ne sort de la maison d’à côté.

21:15 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (9)