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04/03/2007
Pourquoi Médecine ?
C’est en discutant de nos métiers respectifs avec un magistrat que j’ai eu l’idée de cette note.
Je ne suis pas vraiment porté sur l’introspection, ce qui fait que ce n’est qu’à l’occasion d’échanges avec d’autres que je prends le temps de me poser et de m’en poser (des questions !).
Comme pour beaucoup de confrères, j’ai été inspiré par des exemples familiaux.
Une mère sage-femme, un père absent mais chirurgien ont baigné mon enfance dans un bouillon de culture médicale mi-réel, mi-imaginaire qui n’a poussé qu’en terminale. Depuis mes premiers souvenirs, il y a dans les placards de la maison un crâne de femme, un fœtus d’un enfant mort-né que ma mère avait accouché, conservé dans une bouteille d’alcool, et un vieux stéthoscope Pilling. Tout cela était naturel pour moi, ni inquiétant, ni malsain (d’ailleurs, le crâne trône actuellement dans ma chambre).
Jusqu’à cette date, je ne me suis jamais pensé médecin, je ne voyais même pas vraiment à quoi cela pouvait correspondre. Ma seule référence était la série « Médecins de Nuit ». En définitive, cette référence ne s’est pas avérée être si mauvaise que cela, et je viens juste de découvrir que son créateur, Bernard Gridaine est le pseudonyme d’un certain Bernard Kouchner.
En terminale D (j’aurais volontiers fait C pour le prestige mais j’étais mauvais en math et en physique, ce qui était, parait-il, rédhibitoire), quand on m’a demandé ce que je voulais faire, j’ai répondu « Fac de médecine ».
C’était un peu par défaut, et aussi sous l’impulsion maternelle : « les médecins généralistes du coin vivent bien, tu n’as qu’à faire ça ».
« Vivent bien », sous entendu du point de vue pécuniaire.
Il ne faut jamais sous estimer le pouvoir attracteur de l’argent au sein d’une famille dauphinoise.
Donc va pour « Médecine ».
Donc pas de longues cogitations autour de l’altruisme, de la vocation, du sacerdoce même.
De toute façon, comme je l’ai déjà dit, la réflexion contemplative n’est pas trop mon truc.
Après, viennent la course d’obstacles de la P1 puis ensuite le travail fort peu intéressant de l’externe.
Finalement, dans mon souvenir, tout a commencé le premier jour de l’internat.
C’est ce jour ou j’ai traité mon premier patient et ou j’ai travaillé au sein d’une équipe paramédicale qui comptait sur moi que j’ai compris tout ce qu’être médecin voulait dire.
Après, tout s’enchaîne : premiers succès, échecs, regrets, morts, miracles, premières responsabilités écrasantes, minutes d’angoisse, craintes, joies, peines.
La richesse et la beauté incroyable de ce métier ne me sont apparues que lors de ces premiers mois d’internat. Avant d’avoir pratiqué, on ne sait rien et c’est à se moment qu’il faut s’accrocher à des études austères comme un rocher déchiqueté en bord de mer.
Après, il ne faut pas perdre le cap, ne jamais se laisser corrompre, et ne jamais exercer son métier comme un métier, justement, mais comme une passion.
Ce soir, j’ai regardé les oreilles douloureuses de Guillaume avec un otoscope. J’ai ensuite regardé celles du petit (« Thomas aussi bobo… »). Bien sûr, je leur ai fait regarder à chacun le tympan de son frère. Quand je sors mon stéthoscope, je fais pareil (j’insiste plus, bien sûr !!).
Une passion commence souvent par de petites choses.
20:15 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (12)
03/03/2007
Quizz : la réponse.
Bon, personne n’a trouvé...
On voit en DII un sous décalage du segment PQ qui signe une péricardite.
Un bon moyen pour étayer cette hypothèse est d'ausculter attentivement le patient pour rechercher un frottement (il en avait un). Un autre bon signe, bien plus fréquent est la diminution de la douleur (qui peut être très intense) en position assise, le torse penché en avant). Bon, j'ai quand même contrôlé son échographie cardiaque pour éliminer un syndrome fissuraire.
Tout sur la péricardite ici.
18:25 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (4)
02/03/2007
Quizz, suite.
A la demande générale de Zeclarr, voici l’ECG d’entrée (27/02/07).
Calibration 25 mm/sec et 10 mm/mV.
Aujourd'hui, le patient va bien mieux, mais j'irai le revoir demain, car sa situation reste précaire.
Alors, qu'en pensez-vous?
Pas de piège ici, la solution saute aux yeux quand on compare les deux ECG, d'autant plus que l'anomalie commençait à apparaître.
18:00 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)
Quizz.
Homme 45-50 ans.
IDM antérieur il y a 4 mois et demi (stent sur l’IVA, la CD et la diagonale)
Deux mois de réanimation polyvalente dans les suites de l’infarctus pour un choc cardiogénique.
Un épisode d’OAP il y a un mois. Pas de facteur déclenchant ischémique, on a supposé qu’il avait fait son œdème sur un gros stress.
Il a une grosse séquelle de nécrose antérieure à l’échographie, avec une évolution anévrysmale.
Il a bénéficié de l’implantation d’un défibrillateur implantable il y a deux semaines sur des critères MADIT II.
Ce soir il décrit des précordialgies constrictives depuis quelques heures, non calmées par la TNT.
Il est semi assis dans son lit, et il a l'air de souffrir. Conscience normale, pas d'état de choc hémodynamique évident.
L'infirmier lui a mesuré la tension à 90 mm Hg de systolique (c’est habituel chez lui) et lui a collé un masque à haute concentration sur le nez.
Quel diagnostic évoque l’ECG avant de faire un examen clinique plus approfondi ?
Comment confirmer cet hypothèse au lit du patient, puis à l'aide d'un examen paraclinique?
00:25 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (5)
01/03/2007
Les juifs comtadins.
Hier, j’ai fait l’admission un patient qui portait un nom de grande ville française, disons « Michel Lyon ».
Un rapide coup d’œil au dossier infirmier me confirme qu’il est israélite.
Je me suis dit tiens, un descendant des "juifs du Pape".
Je suis allé le voir et il a confirmé mon hypothèse. Nous avons bien parlé 45 minutes de cette petite mais très ancienne communauté juive de France (probablement la plus ancienne car sa présence est attestée dans des documents impériaux romains).
En 1394, Charles VI, le Roi de France décide d’expulser les juifs de ses territoires.
Seuls demeurent les juifs résidant dans le Comtat Venaissin, alors propriété papale, j’imagine aussi que les expulsés ont du aussi y chercher refuge.
En effet, les Papes, pour des raisons clairement non humanitaires, ont décidé de tolérer une communauté juive sur leurs possessions, à condition qu’elle accepte des mesures vexatoires (port de signes vestimentaires distinctifs, obligation de vivre dans des « carrières », qui sont des quartiers réservés, ancêtres des ghettos, taxations lourdes, obligation de suivre des prêches de l’Eglise catholique…).
Ensuite la communauté va tout de même se développer jusqu’à son intégration à la France durant la période révolutionnaire (14 septembre 1791).
De cette riche histoire vont notamment rester tout un tas de patronymes assez peu usuels en dehors de cette communauté, notamment des noms de Villes : Carcassonne, Marseille, Carpentras, Beaucaire, Lyon, Lille, Crémieux, Millau… Mais on retrouve aussi d'autres patronymes à l'origine plus difficile à déterminer, par exemple les "Vidal-Naquet" dont Pierre est le plus illustre représentant.
Pour approfondir, voici un lien qui est un travail remarquablement documenté d’un chercheur du CNRS.
J’ai aussi rajouté la biographie d’un héros de la Luftwaffe, descendant de « huguenots » selon la biographie, mais dont le patronyme fleure bon le Comtat Venaissin (Hans-Joachim Marseille ici et là). Je n’ai aucune information sur son ascendance, mais je trouverais particulièrement savoureux qu’un héros de guerre du 3ème Reich ait en fait été descendant des « juifs du Pape ». Ernst Lubitsch aurait adoré.
11:30 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (3)
The man who never was (suite et fin).
Je voulais faire une note sur cet épisode rocambolesque et assez méconnu de la seconde guerre mondiale.
Mais le manque de temps et la qualité des articles de Wikipedia qui traitent de ce sujet font que je vais simplement me contenter de les lier dans cette présente non-note.
Article de Wikipedia en anglais.
Article de Wikipedia en français.
09:50 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (1)
27/02/2007
La loi du profit (3).
Même le vieux McKenzie, qui considère pourtant son jeune poulain comme son fils spirituel ne peut pas lui éviter son renvoi pour une affaire de drogue montée de toute pièces. Les informations déterrées sont trop brûlantes et pourraient remonter jusqu’à la Maison Blanche. Son épouse et sa maîtresse le quittent. Alors qu’il rumine sur ses malheurs dans le salon de son meublé minable en plein quartier latinos de LA, on frappe à la porte.
Il ouvre la peur au ventre et découvre avec stupéfaction Rosita, 16 ans, à moitié morte de faim et enceinte de 8 mois et demi qui désire donner un foyer à son futur enfant.
C’est suivi lourdement de Rosita qu’il terminera son enquête afin de laver son honneur et faire éclater la vérité.
MPharma cherche donc à étendre les indications de sa molécule miracle en finançant d’autres grandes études.
De là va venir sa perte.
Une nouvelle étude sort donc le 17 mars 2005 dans « Revue ».
Appelons cette étude « Rcb-lachute ».
Les analyses intermédiaires de Rcb-lachute montrent encore une fois une majoration du risque cardio-vasculaire.
Parmi les 12 auteurs cités par l’article, 5 sont des salariés de MPharma, et les autres reçoivent des honoraires de consultants.
Comme on ne peut plus cacher le problème, on va dire qu’il ne survient qu’après 18 mois. Comme cela, on sauve les meubles.
Le souci est que cette assertion repose sur un bidouillage statistique si manifeste, que même les membres du comité de lecture de « Revue » s’en rendent compte.
« Revue » tape sur les doigts des auteurs et publie une correction le 13 juillet 2006 qui modifie les fausses conclusions de l’étude.
Comment une revue aussi prestigieuse que « Revue » a pu ainsi publier à deux reprises des papiers aussi bidouillés et des corrections aussi tardives ?
Bonne question.
Pourquoi la FDA n'a pas exercé de contrôle plus strict ?
Autre bonne question.
Mais d’autres revues prestigieuses ont aussi laissé passé des articles scientifiquement incorrects, sans lever le sourcil.
Ainsi en 2001, des auteurs (là aussi salariés ou consultants de MPharma) ont réussi à publier une étude qui a même fait l’objet de critiques internes au sein de MPharma : « Les données ont été interprétées pour soutenir une hypothèse présupposée plutôt qu’analysées pour établir de nouvelles hypothèses ».
Une étude tellement bidouillée qu’elle a même choqué certains bidouilleurs…
Finalement, le scandale a éclaté de manière publique en septembre 2004 ou le Rcb a été retiré du marché.
Le jeune avocat vit actuellement à Beverley Hills, restauré dans son honneur et ses biens et remarié à Laura, la fille aînée du vieux McKensie. Personne ne sait ce qu’il est advenu de Rosita.
Je ne suis pas mauvais en scénariste, n’est-ce pas ?
J’ai eu l’idée cette nuit, et j’ai tout écrit en une matinée.
J’attends que des producteurs me contactent, ça ne devrait pas tarder.
°0°0°0°0°0°0°
En fait, je n’ai rien inventé si ce n’est l’histoire farfelue de notre jeune avocat.
Cette histoire édifiante est vraie et elle est merveilleusement bien résumée dans un article du BMJ écrit notamment par Harlan Krumholz qui n’est pas le premier venu.
Entre 1999 et septembre 2004, la molécule impliquée a fait l’objet de 107 millions de prescriptions rien qu’aux Etats-Unis.
Actuellement 30000 procès sont en cours.
Heureusement pour nous, ces faits se déroulent à une époque lointaine et sur un autre continent dont tout le monde reconnait les abus. Il ne me semble pas possible d'observer de tes agissements dans notre bonne vieille Europe ou les firmes pharmaceutiques sont attentives au bien-être des patients et les autorités de régulation vigilantes.
Je vous mets quelques liens ci-dessous, je vous conseille surtout la lecture de la lettre de ce professeur de l’université de Stanford qui se plaint auprès du patron de la firme pharmaceutique des pressions que l’on a exercé sur lui et ses subordonnés. Ce document est à peine croyable.
12:45 Publié dans Prescrire en conscience | Lien permanent | Commentaires (4)
La loi du profit (2).
Les choses se compliquent pour le jeune et brillant avocat. Primo, la jeune et jolie veuve, devenue sa maîtresse est en fait jalouse et possessive a fait déposer une tête de cheval mort dans le lit conjugal. Ce qui a été difficile à expliquer à Madame (un pari entre amis…). Secundo, « Pic à glace », son inséparable compagnon se suicide au gaz après s’être tiré trois balles dans la tête et tertio, l’histoire de MPharma et du Rcb devient de plus en plus embrouillée.
L’étude Rcbgénial est finalement achevée. Elle montre que le Rcb ne fait pas mieux que la molécule de référence, mais qu’elle a beaucoup moins d’effets secondaires. Du moins en dehors de la sphère cardiovasculaire, puisque là, il existe un risque relatif de 5 en défaveur du Rcb (RR de 5.00, intervalle de confiance de 95%, 1.68 à 20.13).
Comment gommer de point de détail dans la publication finale ?
C’est là que les cadres de MPharma vont montrer leurs talents.
- Dans la publication, la collecte des événements cardio-vasculaires va être arrêtée 1 mois avant la date de la fin de collecte des autres évènements indésirables. Ca fera toujours quelques infarctus de moins (3 exactement)…
- On va créer des sous groupes favorables afin de noyer le poisson (du genre « indication d’aspirine en prévention » ou ces 3 infarctus, si ils avaient été finalement pris en compte, auraient été « dilués »).
- On va présenter les résultats cardio-vasculaires en considérant le groupe « produit de référence » comme le groupe ou l’on intervient. Dans le groupe Rcb, le risque cardiovasculaire est de 5.0, dans le groupe de référence, il est de 0.2 (effet protecteur, donc). On va donc dire que c’est la molécule de référence qui protège le cœur et les vaisseaux et non que c’est le Rcb qui est délétère. Vous avez compris ? C’est subtil, mais efficace. Bien sûr, le produit de référence n’a jamais montré nulle part d’effet protecteur (le 0.2 étant probablement le fruit du hasard), mais on s’en fiche, personne ne va remarquer ça... Bien sûr, pour tous les autres effets secondaires, ou le Rcb fait mieux, on va présenter les résultats de manière habituelle : groupe Rcb=groupe ou l’on intervient, groupe « produit de référence »= groupe contrôle.
Rcbgénial est finalement publié dans une grande revue le 23 novembre 2000, appelons la simplement « Revue ».
MPharma commande près de 1 million de « reprints » à Revue, pour diffuser la bonne parole au Monde entier. Revue se pose quelques questions et publie finalement un avertissement le…29 décembre 2005. Vaut mieux tard que jamais ?
En 2001, une autre revue se pose aussi quelques questions, mais finalement le problème est peu débattu.
A cette époque, quelques médecins posent de bonnes questions, notamment sur le miraculeux effet protecteur de la molécule de référence, mais MPharma n’hésite pas à les intimider en faisant pression sur leurs supérieurs (« …il y aura des conséquences pour vous et votre faculté »).
Message reçu, la caravane continue à passer.
Suite et fin au prochain épisode...
12:00 Publié dans Prescrire en conscience | Lien permanent | Commentaires (0)
La loi du profit (1).
Imaginez un grand cabinet d’avocats situé dans une mégalopole aux gratte-ciel racés de la côte Est. Un nom qui s’étale en lettres dorées : McKenzie, Brackman, Cheney and Kuzak (vous voyez à quoi je fais référence ?).
En tout cas, ça vous fait déjà plus rêver qu’un petit cabinet d’avocats situé au rez-de chaussée d’une maisonnette de Puteaux, annoncé par un plaque en plexi noire rayée : Algoud, Berey et Boitton.
Une jeune et jolie femme habillée de noir rentre dans une vaste salle de réunion dont les murs disparaissent derrière une bibliothèque contenant tous les arrêts de la Cour Suprême depuis 1492, reliés de cuir liégé vert.
Entre deux sanglots, elle raconte sa triste histoire.
Son mari, bien plus âgé qu'elle est mort d’un infarctus du myocarde après avoir pris pendant quelques semaines un médicament sorti récemment. Et comme on en parle de plus en plus dans des forums d’usagers sur le net et que l’affaire prend de l’ampleur, elle aimerait bien que le laboratoire adoucisse son chagrin par des espèces sonnantes et trébuchantes.
Parce que « Voyez-vous, vivre avec ce bon à rien n’a pas toujours été facile ; alors, pour une fois qu’il pourrait se rendre utile à quelque chose…. ».
Un jeune avocat idéaliste s’implique totalement dans cette lutte de David contre Goliath, afin de défendre la pauvre veuve contre l’infâme industrie. Et aussi parce que son ex-femme l’a saigné lors du divorce (d’un autre côté, elle l’a surpris au lit avec une presque mineure, heureusement que l’état civil mexicain manque singulièrement de rigueur…) et que la nouvelle a des goûts de luxe. Il se lance donc dans de dangereuses et trépidantes aventures afin de mettre à jour la Vérité à l'aide de son inséparable ami muet "Pic à glace"
Une firme pharmaceutique bien connue (appelons la « MPharma ») sort en 1999 une molécule qui va révolutionner le traitement de la douleur (appelons la « Rcb »). Aussi efficace que les produits existants, mais sans leurs effets secondaires parfois dramatiques.
Pour résumer, le jackpot.
Dès le début, en 1996-1997, une étude réalisée sur des volontaires sains montre toutefois une toute petite inquiétude de rien du tout. Rcb modifie un équilibre entre deux molécules qui pourrait majorer le risque de thrombose, et donc d’accident cardio-vasculaire. Les cadres de MPharma demandent aux auteurs d’être moins explicite dans leurs conclusions.
Par exemple la phrase « La biosynthèse systémique de XXX…a été diminuée par Rcb » a été remplacée par « Rcb pourrait jouer un rôle dans la biosynthèse systémique de XXX ». Ca fait moins peur, hein ?
Curieusement, les auteurs, employés par MPharma, ont obtempéré.
Ils ont néanmoins poursuivi leurs investigations dans ce domaine, sans toutefois que cela ait d’influence sur la mise sur le marché de Rcb.
MPharma, malgré la connaissance de ce risque potentiel n’a curieusement pas mis en place d’études spécifiques qui auraient permis de le démontrer. Enfin, si. MPharma a financé plusieurs études largement trop petites pour mettre en évidence ce risque. MPharma a ensuite poolé (anglicisme qui signifie littéralement « noyer des statistiques dans l’eau d’une piscine », méfiez vous toujours des résultats poolés…) ces études, forcément rassurantes mais petites, pour en faire une grosse, forcément bien plus rassurante. MPharma en a même fait un argument publicitaire : « Regardez, Rcb n’a aucune action négative sur le cœur, c’est génial !».
En janvier 1999, MPharma lance sa « grande » étude sur Rcb, celle qui va démontrer à tous à quel point Rcb est fabuleuse. Appelons cette étude « Rcbgénial ».
(Vous arrivez à suivre dans ces abréviations ? De toute façon, je continue quand même.).
Rcbgénial inclut 8000 patients. C’est énorme. Mais MPharma prend bien soin de ne pas analyser spécifiquement les risques cardio-vasculaires et de ne pas inviter de cardiologue au comité de surveillance de l’étude. On ne sait jamais…
Mais malgré toutes ces précautions, une première analyse de sécurité (novembre 1999) met en évidence un risque cardiovasculaire significativement majoré de 79% dans le groupe Rcb, par rapport à la molécule de référence.
Le comité de sécurité demande une nouvelle analyse intermédiaire en décembre 1999, qui confirme ce risque.
On ne va pas arrêter une si belle étude pour si peu, tout de même. Le comité préconise donc de la poursuivre et de mettre en place une analyse qui examinera cette majoration du risque cardio-vasculaire. En gros, les chiens aboient, la caravane boursière passe.
Heureusement, le responsable du comité de surveillance (censé être indépendant) a été « sensibilisé » au bien-être de MPharma puisque ses proches ont reçu 55000 euros d’actions et lui-même a été récompensé par un contrat de consultant pendant 2 années.
Suite de ce passionnant feuilleton un peu plus tard…
10:40 Publié dans Prescrire en conscience | Lien permanent | Commentaires (1)
26/02/2007
Genèse 3 :19
Grâce au blog de Loïc Le Meur, j’ai découvert celui de Jacques Attali. Curieux détour me direz-vous, en effet.
Une des notes du grand Jacques est encore plus curieuse pour un homme qui semble bien éloigné de l’univers de MySpace.
Sa note du 20/02 donne un lien (manifestement il ne sait pas encore bien manier l’hypertexte) qui conduit vers un site assez macabre : mydeathspace.com.
Ce site recense des utilisateurs décédés de MySpace.
La collecte d’information se fait grâce à un formulaire en ligne appelé sobrement « Submit a new death ».
Les utilisateurs de MySpace étant plutôt jeunes, la lecture de ce site est particulièrement déprimante.
Les causes de mortalité sont finalement assez peu variées mais assez caractéristiques des pays occidentaux : accidents de la route, suicides, overdoses, quelques maladies mortelles rares. Comme on est aux Etats-Unis, et qu’il faut bien qu’ils se démarquent, il y a un taux de tués par arme à feu qui est effrayant.
Le site donne la possibilité de visualiser les pages des défunts : dernières notes avant leur décès, mots d’amis venus se recueillir sur ce jardin du souvenir virtuel.
Jacques Attali termine sa note par cette réflexion :
« La plupart des autres sites de communautés contiennent aussi de tels cimetières virtuels. Beaucoup de blogs ont aussi cessé de fonctionner pour les mêmes raisons et flottent dans l’univers virtuel ; de même, et c’est plus vertigineux encore , les espaces créés sur Second Life continuent d’exister après la mort de leurs créateurs.
Dans un monde d’extrême précarité, l’éternité virtuelle est comme une illusion suprême. ».
Je suis un peu étonné de cet étonnement.
N’est ce pas la destinée humaine de disparaître totalement, hormis dans le souvenir assez bref des proches, eux aussi destinés à trépasser ?
Sauf justement certains qui ont laissé depuis la nuit des temps leur empreinte par une œuvre pérenne : une découverte, un monument, un livre.
La nouveauté est plutôt là : c’est la possibilité pour tout un chacun d’avoir une part « d’éternité virtuelle ».
Une sorte de droit à l’éternité opposable, en somme.
21:01 Publié dans Web | Lien permanent | Commentaires (4)