02/10/2006
la vérité sort de la bouche des...
Sénateurs!
Je vous livre quelques extraits choisis d’un rapport sénatorial fait « sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments » et déposé le 8 juin 2006.
Pour les courageux (il fait 319 pages), vous pourrez le trouver ici. En annexe, on y trouve notamment la fameuse mais rarement utilisée "Charte de la visite médicale".
Ce texte limpide expose parfaitement ce qui se passe sur le terrain, il ne m'a donc pas trop surpris. Par contre, j'ignorais combien je "valais" annuellement pour l'industrie pharmaceutique et aussi l'importance de "la part variable" dans le revenu des visiteurs médicaux. Je comprends mieux leur zèle!
Petite digression avant les bonnes feuilles de ce rapport.
Ce dimanche, un confrère m’a raconté une petite anecdote tellement énorme, mais aussi tellement vraie.
Une visiteuse médicale vient le voir, pour lui vanter les mérites d’un médicament connu comme le loup blanc : le VAS..REL.
Connu comme le loup blanc, car malgré son absence d’efficacité, il est prescrit larga manu depuis bientôt 35 ans dans des indications aussi diverses que « traitement prophylactique de la crise d’angine de poitrine » et « traitement symptomatique d’appoint des vertiges et des acouphènes ».
Elle lui a sorti : « Vous faites des échos de stress (échographie à la dobutamine), vous allez voir la différence sur le seuil ischémique avant et après l’instauration du traitement ! »
C’est un peu pour initiés, mais en gros, ça revient à dire qu’on peut dévier un fleuve avec un bâtonnet en bois d’un Magnum® au chocolat.
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La visite médicale constitue le premier moyen de promotion des médicaments pour l’industrie pharmaceutique, qui y consacre en moyenne 80 % de ses dépenses de marketing, soit l’équivalent de 8.500 euros par médecin. L’objectif de cette démarche est de « diffuser une information sur les produits pour inciter les médecins à les prescrire ».
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Leur rémunération est constituée d’une part fixe et d’une part variable, cette dernière pouvant représenter jusqu’à un tiers du revenu total avec une part fixe limitée au niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic). L’impératif commercial n’a cessé de croître dans la rémunération des visiteurs médicaux depuis une trentaine d’années : auparavant, les primes de rendement ne constituaient pas plus de 10 % du salaire.
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En France, la visite médicale influence considérablement les comportements de prescription. On évalue ainsi à 30 % l’augmentation du chiffre d’affaires sur un produit dont la promotion ciblée a été assurée auprès des médecins, soit un volume de produit élevé quand on rappelle que, selon une récente étude de la Cnam, 90 % des consultations donnent lieu à prescription de médicaments en France, contre seulement 40 % aux Pays-Bas.
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Il apparaît donc logique que les visiteurs médicaux, rémunérés au volume, vantent les avantages des médicaments sans insister sur les effets secondaires ou les nécessaires précautions d’emploi. A cet égard, la revue Prescrire estime que, lors de 74 % des visites médicales, les effets indésirables du produit sont passés sous silence et que les contre-indications et interactions médicamenteuses ne sont évoquées que lorsque le médecin pose la question, c’est-à-dire dans 76 % des cas. Ces résultats sont obtenus à partir du témoignage d’un réseau de médecins volontaires auprès de la revue.
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On observe par ailleurs certaines dérives commerciales, qui se traduisent notamment par l’organisation régulière de séminaires destinés à permettre aux délégués médicaux de déjouer les questions embarrassantes du corps médical.
Face à ces abus, près d’un tiers des médecins refusent de recevoir les délégués médicaux.
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Ainsi les visiteurs médicaux doivent remettre aux médecins, en plus de leurs propres éléments d’information, les documents officiels sur les substances qu’ils commercialisent : avis de la commission de la transparence (évaluation du SMR et de l’ASMR) et fiche technique sur les caractéristiques du produit réalisée par la HAS. Il apparaît toutefois que cette obligation n’est pas toujours respectée dans les faits, s’agissant des fiches techniques, en raison de la complexité de leur contenu.
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Les laboratoires contrôlent par ailleurs les leaders d’opinion que sont les journaux médicaux. En effet, pour qu’une publication médicale soit rentable, elle doit accepter d’être pour partie financée par la publicité. Or, les annonceurs intéressés par ce type de presse sont essentiellement les laboratoires pharmaceutiques, qui cherchent à promouvoir leurs produits auprès des professionnels de santé. Par ailleurs, les articles sont le plus souvent écrits par des spécialistes qui ont des liens d’intérêts avec les laboratoires. Ils ont alors tendance à fonder leur jugement sur des études exclusivement favorables au produit dont ils estiment légitime de promouvoir la prescription.
Claude Béraud, professeur honoraire à l’Université de Bordeaux, dresse ainsi un panorama particulièrement sévère de la presse médicale française :
« Le Syndicat national de la presse médicale et des professions de santé regroupait en 1999 soixante-seize éditeurs et 176 revues et journaux.
Trois types de publications sont à la disposition des professionnels :
« 1. La presse médicale quotidienne, diffusée en grande partie gratuitement, est d’une insigne médiocrité sur le plan scientifique. Elle est pourtant la plus lue par les professionnels, en raison de sa gratuité et parce qu’elle défend tous les corporatismes médicaux. Les articles qui ont un objectif thérapeutique sont le plus souvent sans intérêt médical, car il s’agit tantôt de publicités rédactionnelles, tantôt de simples opinions d’auteurs trop sensibles aux arguments de l’industrie pharmaceutique et parfois même rémunérés pour rédiger ces articles. Ces écrits ne sont pas soumis à la critique d’un comité de lecture ;
« 2. Les revues de médecine générale, vendues principalement sur abonnement, n’échappent pas à l’influence des firmes. Leur indépendance n’est pas assurée, car leur équilibre financier dépend du volume de la publicité que leur confient les laboratoires. Leur niveau est variable, mais il tend à s’améliorer. Le contrôle des articles, signés parfois par des universitaires renommés, reste insuffisant ;
« 3. Les revues spécialisées, qui concernent les disciplines classiques (cardiologie, gastroentérologie, etc.), sont habituellement d’un assez bon niveau. Elles sont lues par les spécialistes hospitaliers et une partie des médecins libéraux. Elles apportent une information contrôlée par des comités de lecture parfois sévères. »
La revue Prescrire constitue une forme d’exception dans cet ensemble. Fondée en 1980, elle a bénéficié pendant une dizaine d’années d’une subvention du ministère de la santé. Depuis douze ans, elle est désormais exclusivement financée par les abonnements et totalement indépendante de l’industrie pharmaceutique. Prescrire compte aujourd’hui près de 30.000 abonnés, en majorité des médecins et des pharmaciens, mais aussi quelques laboratoires.
La situation française, dans laquelle la presse médicale n’est pas en vente libre, doit toutefois être relativisée au regard de l’influence de l’industrie pharmaceutique sur la presse aux Etats-Unis. Il est en effet devenu impossible aujourd’hui, pour une revue aussi prestigieuse que le New England Journal of Medicine, de publier l’avis d’un expert indépendant.
17:55 Publié dans Prescrire en conscience | Lien permanent | Commentaires (11)
29/09/2006
Les bienveillantes.
Sur les conseils d’un infirmier de nuit, j’ai commencé à lire ce bouquin dont on parle beaucoup.
J’ai lu hier au soir le premier chapitre (« Toccata »).
J’ai trouvé ce début très bon, glaçant et envoutant.
Mais j’ai été interrompu par un accident de lunettes (celles de la photo, en haut).
Alors que je nettoyais un verre, la monture s’est brisée en deux parties, à une jonction du serre-nez.
Le titane ultra léger, c’est bien, mais c’est au détriment de la solidité....
Je suis allé voir un ophtalmo aujourd’hui et n’ai pas payé.
La phrase précédente n’est possible, voire même imaginable que parce qu’entre confrères, on se rend service.
C’est un ancien « santard » qui a fait ses études à Lyon, environ 10 ans avant moi. Nous avons beaucoup discuté des moeurs curieuses des autochtones (il est du Nord). J'en ferai peut-être une note, un jour.
Demain première heure, opticien pour me faire faire 2 montures.
Et là, croyez moi, ils vont me faire payer !
Après, week-end tous frais payés par l’industrie pharmaceutique dans un palace à Antibes. Pour ne pas être hypocrite à moitié, j'ai acheté un bon paquet de SICAV basées sur cettte industrie(+20.96% depuis 12 mois), dont je dis pourtant tant de mal!
Je crois que je suis paré pour "Les Bienveillantes"!
Les Bienveillantes
Jonathan Littell
Eds Gallimard
903 pages
19:20 Publié dans ma vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (3)
Casse toi, c’est pas cardio ! (2)
Pendant que l’interne qui était avec moi lui trouve une place en cardio, j’écris un mot sur le dossier.
Donc a priori, il ne s’agit pas d’un trouble du rythme, ou un trouble conductif. Le malaise vagal me semble aussi improbable.
Mais bon, étant donné ses antécédents (cardio-vasculaires et autre), et sa petite tension ; je ne me voyais pas de le faire repartir à la maison.
J’appelle une copine neuro (qui le suit depuis plusieurs années) et on évoque une comitialité. Elle passera le voir en hospitalisation.
Mercredi dernier, je le vois en consultation avec un holter ECG normal.
L’échographie cardiaque faite en externe n’est pas dans le dossier.
Deux phrases succinctes suivent mon mot :
« Surveillance en soins intensifs=RAS
Prévoir Holter ECG, échographie cardiaque et consultation cardiologique en externe »
Je trouve excellent que l’on demande à un patient hospitalisé en service de cardiologie de voir un cardio en externe !
La neuro l’a examiné et a demandé un électro-encéphalogramme en externe, puisque le patient a été mis dehors au bout de 48 heures. Il l’a passé, mais personne ne l’a vu car le patient n’a pas compris qu’il fallait de nouveau consulter.
Bilan d’une hospitalisation en CHU=rien, retour à la case départ dans mon bureau de consultation.
Enfin si, il a passé une échographie cardiaque et un électro-encéphalogramme en externe. A priori, seul le holter ECG a été fait en interne.
Ont-ils même pensé à le muter en neurologie, pour poursuivre le bilan, puisque ce n’était pas un problème cardiologique ?
A mon avis non.
Leur intérêt pour ce type de patient un peu compliqué, et surtout non coronarien est depuis longtemps « en externe ».
Qu’on ne me parle pas d’économie de santé !
Quarante huit heures d’hospitalisation en CHU pour ne pas résoudre un problème coûtent certes moins cher que d’essayer de le résoudre ; mais ce n’est plus de la médecine.
Petite note pour ceux qui me connaissent: "l'autre côté" (le mien) n'a pas fait mieux il n'y a pas si longtemps que ça....
16:05 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)