27/02/2006
Qui va financer? (suite)
Encore un excellent article du Monde.
Il fait écho à un article de "Prescrire", que j'avais cité ici.
Encore une fois, une bonne idée initiale, remettre à niveau périodiquement les médecins, est pervertie par les principaux acteurs du système. La FMC est trop souvent une nième tribune donnée aux laboratoires pharmaceutiques, pour vanter leurs dernière panacée.
A propos, je me suis fâché avec une visiteuse médicale il y a deux semaines. Elle s'est tout d'abord un peu imposée à moi, mais comme elle avait organisé et financé un repas de service la semaine précédente, je n'ai rien dit.
Puis elle m'annonce que son diurétique anti-hypertenseur (un thiazidique) est moins hypokaliémiant que l'indapamide ancienne galénique. Petit rappel: l'indapamide est d'abord sorti sous sa forme à libération immédiate, mais de nombreuses et sévères hypokaliémies ont conduit à une modification de sa galénique, qui est devenue "LP" (à libération prolongée). Je lui ai fait remarqué que ce n'était ni pertinent (de se comparer à une "mauvaise" molécule), ni très éthique (vis à vis du labo adverse, qui a modifié sa molécule).
Ca ne lui a pas plu.
Tant pis...
Un Rapport dénonce l'opacité de la formation médicale continue
Dans un rapport transmis, mardi 21 février, à Xavier Bertrand, ministre de la santé, l'inspection générale des affaires sociale (IGAS) dresse un réquisitoire sévère contre l'organisation de la formation médicale continue (FMC). Selon le document, ce secteur, censé améliorer les pratiques médicales des professions de santé, brasse des millions d'euros dans une opacité totale, multiplie les conflits d'intérêts et n'a jamais, depuis dix ans, appliqué les textes réglementaires.
Une situation qui perdure, dans l'indifférence des pouvoirs publics, mais à la satisfaction de l'industrie pharmaceutique et des syndicats médicaux. "Les diverses tentatives de refonte du système de la FMC, initiées en 1996 (...), ont sans cesse achoppé sur des problèmes de gouvernance et de financement, sur fond de rivalités syndicales", constate l'IGAS. "Force est de constater la faiblesse problématique du rendement du service public dans ce domaine et le gaspillage des ressources investies dans l'élaboration des textes législatifs", ajoute-t-elle.
Combien de médecins la FMC concerne-t-elle, et pour quel coût ? Impossible à dire, puisqu'il n'existe pas de "données globales et fiables". L'inspection estime que seul un médecin sur cinq participe à des journées de formation, alors que celle-ci est obligatoire depuis 1996. Seuls les financements institutionnels (70 millions d'euros en 2005) sont connus. Ceux de l'industrie pharmaceutique "restent opaques". Evalués "entre 400 et 600 millions d'euros", ils constituent pourtant "le vecteur essentiel de financement de la FMC".
"Le niveau réel de financement de l'industrie est d'autant plus malaisé à cerner que la frontière entre dépenses de promotion et dépenses de formation est difficile à tracer", relève l'IGAS. Celle-ci observe que la formation des médecins libéraux est largement financée par les laboratoires pharmaceutiques, et celle des hospitaliers par l'industrie biomédicale. Tout cela concourt à un système qui ne garantit pas l'indépendance des formations et qui, "sauf à accepter que la FMC ait pour fin essentielle la promotion des produits, est en totale contradiction avec les objectifs affichés de maîtrise médicalisée des dépenses de santé".
Le rapport de l'IGAS souligne "l'omniprésence des conflits d'intérêts". Ainsi, les organisations syndicales siègent-elles dans les instances d'agrément des organismes de formation, alors qu'elles ont elles-mêmes créé leurs propres organismes. L'IGAS cite un exemple éloquent : "En 2004, près de la moitié des fonds publics de la FMC a été attribuée aux organismes de formation situés dans la mouvance du même syndicat représentatif pour une seule catégorie de médecins". "Il serait préférable, poursuit-elle, d'exclure les organisations syndicales de la gestion des appels d'offres."
Sandrine Blanchard
Article paru dans l'édition du 28.02.06
20:05 Publié dans Prescrire en conscience | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : carablogs, medecine et web
21/02/2006
Paludisme et drépanocytose.
J’ai vu une patiente de 25 ans lundi matin à la consultation. Elle est porteuse d’une drépanocytose, et en lui faisant une échocardiographie, je lui ai trouvé une atteinte cardiaque assez sévère.
En faisant des recherches sur « Pubmed », et « Google » (parfois même meilleur que Pubmed pour trouver des articles de fond…), j’ai retrouvé une association dont j’avais déjà entendu parler.
Il s’agit de deux maladies touchant sensiblement la même population, celle de l’Afrique sub-saharienne. Ces deux maladies sont le paludisme et la drépanocytose.
Le paludisme, vous connaissez, c’est une maladie parasitaire qui entraîne une destruction des globules rouges, et une cascade thrombotique et immunitaire parfois fatale.
Parfois est un euphémisme.
Depuis que vous avez commencé à lire cette note, soit environ 1 minute, 5 hommes, femmes ou surtout enfants sont décédés du paludisme quelque part dans le Monde.
La drépanocytose est une maladie génétique qui entraîne une modification de l’hémoglobine. Cette hémoglobine déficiente, nommée "S", provoque une modification des globules rouges. Ces derniers prennent la forme d'une faucille, d'ou l'autre nom de la drépanocytose: l'anémie falciforme.
Cette pathologie est potentiellement grave. La mort peut survenir en période pédiatrique (en cas de drépanocytose homozygote notamment), ou entraîner des accidents vasculaires répétitifs si le patient parvient à l’âge adulte (souvent drépanocytose hétérozygote).
Ce qui est intéressant dans cette histoire est que la drépanocytose, qui est donc en générale délétère, a un effet protecteur diminuant la sévérité du paludisme. A priori, pour faire simpliste, l'hématozoaire du paludisme déteste les globules rouges en forme de faucille. Il ne peut donc pas infester un patient drépanocytaire de manière massive, ce qui diminue assez nettement le risque de décès
Ce qui fait qu’en zone d’endémie palustre, la population porteuse du gène est en quelque sorte favorisée par rapport aux autres ; par conséquent, elle s’accroit plus.
Ainsi, en Ouganda, par exemple, 46% de la population est hétérozygote, sous la pression du paludisme. Aux Etats-Unis, cette anomalie ne touche « que » 8% de la la population noire américaine, pourtant de même souche.
Mais ne nous trompons pas, la drépanocytose est une sale maladie, qui d'ailleurs, par la morbi-mortalité engendrée a tendance à disparaître (moins de porteurs, donc moins de transmission, et ainsi de suite) dans les zones géographiques… non impaludées.
Voilà, c’était le petit conte du mardi soir (post garde), j’espère que ça vous a plu.
De nombreux sites se penchent sur ce problème, en voici deux : ici, et ici.
20:25 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : carablogs, medecine et web
Che: suite et fin.
J’ai terminé en garde cette nuit la biographie de Che écrite par Paco Ignacio Taibo II (lointain cousin mexicain du défunt pape du même nom ?).
Le Che est mort exécuté par des rangers boliviens dans une petite école de La Higuera, petite localité de la précordillère andine le 9 octobre 1967 à l’âge de 39 ans.
Malgré une tendance hagiographique certaine, cette biographie est très plaisante à lire. Une grande partie du texte est composé de paragraphes entiers des carnets de route, et des écrits plus politique du « Che ».
Sa pensée et ses écrits sont clairs, précis et emprunts d’une bonne dose d’humour et d’autodérision. Bref, à cent lieux de ce que j’aurais pu imaginer de la part d’un guérillero « marxiste-léniniste ». D’un autre côté, il faut bien dire que la majorité de mes notions sur la pensée marxiste-léniniste provient des œuvres de Giovanni Guareschi, et notamment d’un film de 1965 : « Il Compagno Don Camillo » (Don Camillo à Moscou).
Bref, j’ai de la marge !
Ce qui marque surtout, c’est son engagement total et désintéressé pour une cause à laquelle il croit sans douter. Mais à un moment je me suis demandé si la guérilla n’était pas devenu un but en soit même, et non plus un moyen de propager ses idées. Là est probablement le plus grand reproche que l’on puisse lui faire (indépendamment de ses idéaux que l’on peut ou non soutenir).
En effet, il agissait plus en destructeur qu’en constructeur. Comme un enfant qui détruit une ville faite avec des pièces de bois d’un jeu de construction, puis qui est lassé rapidement par la reconstruction.
Il a, certes, fait construire des hôpitaux, ouvert des écoles, et « forcé » ses compagnons à suivre des cours (quechua et…français avant la campagne bolivienne) ; mais j’ai le sentiment que c’était pour mieux « affuter » ses guérilleros.
Par contre, on ne peut lui enlever une éthique irréprochable au combat : soin aux blessés ennemis, interdiction des brimades et tortures, et enfin libération systématique des prisonniers non coupables de crimes envers la population.
Donc un personnage attachant, mais présentant de larges parts d’ombre, que cette bonne biographie a tendance à laisser dans l’ombre, justement.
Photo trouvée ici.
J'ai aussi trouvé dans ce site très riche en photos, celle-çi: le"Che", prisonnier, quelques heures avant son éxécution.
17:40 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (1)