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20/02/2008

La consultation.

Consultation particulièrement intéressante aujourd’hui, j’ai même eu à réfléchir.

 

Quand je dis « réfléchir », j’entends que j’ai dû aller au-delà des habituels arcs réflexes qui me permettent de répondre à la plupart des problèmes posés à ma consultation.

Ce n’est pas tant que ces problèmes n’en soient pas de vrais, ni que je me crois supérieurement intelligent. L’intelligence, comme la réflexion n’a strictement rien à voir là dedans. C’est que par nature, par mimétisme avec son organe de prédilection, le cardiologue est en fait un immense arc réflexe.

Je généralise mon cas sans aucune hésitation. Je suis à l’unisson avec mes pairs.

Une stimulation, une réponse, directe sans passer par le cerveau. Tel est notre mode de fonctionnement.

Le cœur a notamment le réflexe de Bezold-Jarisch, nous nous en avons quelques-uns : le réflexe oculo-sténotique, le réflexe oedemato-diurétique…

Je ne le considère pas de façon péjorative. Ce système nous permet de réagir vite et fort, exactement comme le cœur. Bien sûr, ce n’est pas toujours adapté, et certains de nos confrères s’étonnent de notre manque de finesse et de discernement, de notre absence de prise en compte des autres facteurs « extra-cardiologiques ».

 

Mais réfléchir, prendre en compte, pondérer, c’est déjà perdre du temps.

Par ailleurs, ne dit-on pas que le cœur a ses raisons que la raison ignore ?

 

Donc pourquoi raisonner ?

17:35 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)

Mon Dieu, que la nuit du dimanche est longue

Les filles de nuit sont nulles, et le médecin de garde hier, pas mieux.

Combien de fois n’ai-je pas entendu cela au petit matin  en salle de détente devant le café soluble et les biscottes sans sel?

 

Mais ces récriminations ataviques ont depuis aujourd’hui une base scientifique.

Une étude publiée dans le JAMA du jour montre en effet des différences assez nettes dans le pronostic d'un arrêt cardio-circulatoire en fonction de l’heure de survenue.

 

Le registre étudié regroupe 86748 arrêts survenus dans 507 centres hospitaliers américains entre 2000 et 2007.

 

 

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18% de différence relative et 5.1% de différence absolue pour la survie jusqu'à la sortie de l’Hôpital, ce n’est pas anodin…

 

Il existe aussi une différence significative entre la semaine et le samedi-dimanche pour les arrêts survenus de jour (respectivement 20.6% de survie, vs 17.4%), alors qu’il n’en existe pas pour les arrêts survenus la nuit (respectivement 14.6% vs 14.8%).

 

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Nouvelle petite prière à rajouter au bréviaire du patient croyant:

« Mon Dieu, mon Dieu, faites que je fasse mon arrêt durant les heures ouvrables ».

 

(Quelques autres petites prières :

 

 

« Mon Dieu, mon Dieu, faites que si mon chirurgien est alcoolique, il ait eu le temps de boire un verre ce matin. »

 

« Mon Dieu, mon Dieu, faites que mon médecin n’ait pas de pension alimentaire à payer

 

« Mon Dieu, mon Dieu, faites que l’interne soit francophone. »

 

« Mon Dieu, mon Dieu, faites que les endoscopies ne soient pas en rupture de stock de Diprivan, comme la dernière fois. »

 

« Mon Dieu, mon Dieu, faites que l’anesthésiste n’ait pas oublié ce qu’il a appris avant ses RTT. »

 

« Mon Dieu, mon Dieu, faites que ma maladie ne soit pas trop rare et intéressante. »

...)

 

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Shelley Wood. Nighttime, weekends the worst times for cardiac arrest, in-hospital . theheart.org. [HeartWire > News]; February 19, 2008. Accessed at http://www.theheart.org/article/844421.do on Feb 20, 2008.

 

 

Peberdy M, Ornato JP. Larkin GL, et al. Survival from in-hospital cardiac arrest during nights and weekends. JAMA 2008; 299:785-792.

 

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« 

 45 Depuis la sixième heure jusqu'à la neuvième, il y eut des ténèbres sur tout le service

 

46 Et vers la neuvième heure, le patient s'écria d'une voix forte: Éli, Éli, lama sabachthani? c'est-à-dire: Mon Dieu, mon Dieu, où est l’interne de garde ?

 

47 Quelques-unes de celles qui étaient là, l'ayant entendu, dirent: Il appelle l’interne de garde.

 

48 Et aussitôt l'une d'entre elles courut chercher un défibrillateur et prendre deux rectangles de gel, qu’elle lui colla sur la poitrine.

 

49 Mais les autres disaient: Laisse, tire un tracé et voyons si l’interne viendra le défibriller.


50 Le patient poussa de nouveau un grand cri, et rendit l'esprit. 

 
51 Et voici, la porte de la chambre de garde s’ouvrit, depuis le haut jusqu'en bas, la terre trembla, les rochers se fendirent,

 

52 les draps s'ouvrirent, et le corps de l’interne de garde qui était profondément endormi ressuscita.

»

 

 

 

Petite variation sur le même thème, très très librement inspirée de Matthieu 27:45-52 (Louis Segond, toujours)

 

12:55 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)

Silence gêné.

Fin de la vacation de döppler au CHU.

Tous les appareils sont occupés.

La dernière patiente est littéralement au fond de son lit médicalisé.

 

Il faut démonter les barrières, ainsi que la tête et le pied du lit pour le faire entrer dans ma salle d’examen.

Malgré tout, le lit ne rentre pas.

La surveillante, une étudiante, une IDE et moi-même nous retrouvons dans l’étroit couloir borgne qui amène à ma salle, autour du lit désossé mais coincé dans l’encadrement de la porte.

Le problème est qu’on ne peut pas enlever le pied du lit qui soutient le classique mécanisme de dégonflage et gonflage du matelas anti-escarres, mais aussi un autre boîtier, plus mystérieux.

Ce boîtier est en fait une aspiration, que l’on appelle entre nous « VAC », et qui est reliée par un tuyau souple à une mousse appliquée contre le pied de la patiente.

Il sert à assurer une détersion continue des plaies délabrantes, souvent infectées et qui ne cicatrisent pas avec les moyens habituels. En général, c’est le dernier recours avec le caisson hyperbare avant… Vous voyez ce que je veux dire

Je dois simplement contrôler si la ponction d’une artériographie récente n’a pas provoqué de lésion artérielle au niveau du scarpa.

Je tire l’appareil d’échographie à 75000 euros à côté de la porte de la salle, et je fais ce döppler dans ce petit couloir borgne.

Un autre vacataire sort de sa salle et s’en va en nous regardant tous, l’air effaré. Le lendemain, il va d’ailleurs le raconter à tout le monde pour décrire les conditions dans lesquelles « il travaille » (nous travaillons tous).

Je commence, en me disant que si des membres de l’association des usagers passaient par là, par hasard, ils en syncoperaient d’indignation.

La patiente qui porte en plus un Dujarier est âgée et philosophe sous les coups redoublés de ses problèmes de santé et entourée d’une bande de pignoufs dans ce petit couloir sombre.

Enfin, philosophe ou sous morphiniques.

Nous ne disons rien, accablés.

Finalement, l’infirmière juge ce silence trop oppressant :

« Et, vous en êtes contente ? », en désignant le « VAC » à la patiente d’un petit mouvement de tête.

Le ton était souriant, plein de sollicitude, presque badin. Elle a posé la question comme à une amie, à l’heure du thé autour de la table du salon pour s’enquérir des performances de sa dernière acquisition : une Clipso de Seb, ou une Citroën C2.

Nous avons tous refreiné un fou rire débutant.

Finalement, j’ai renoncé à faire cet examen dans ces conditions épouvantables, nous avons remonté tout le lit, trouvé un appareil d’échographie plus ancien et emmené le tout dans une salle vide, de l’autre côté du service.

11:47 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (2)