05/12/2005
Rouge, bordeau
Ce matin, consultations et échographies cardiaques à l’Hôpital.
Marie-Jo, mon infirmière habituelle, 50-55 ans, mince, nerveuse, et râleuse m’accueille encore avec ses jérémiades.
« Qu’est-ce qui ne va pas encore, la noiraude…. », ai-je envie de lui dire.
On a fracturé son vestiaire, et dérobé sa carte de crédit.
Je compatis, tout en serrant mon portefeuille dans ma poche révolver.
Une élève infirmière est là, aussi.
20 ans, mignonne comme un cœur, elle s’est serrée contre moi dans la pénombre de la salle, tout au long de la matinée d’échographies.
Pour mieux voir l’écran, je présume.
Elle a un copain de 30 ans (« jamais je ne pourrais sortir avec un garçon de mon âge »), et me donnait bien plus que mes 33.
Elle me dit, sûre de son inexpérience, qu’elle ne touchera jamais un homme marié.
Ca tombe bien, je ne le suis pas.
Je sais, c’est un peu jésuite ; mais on peut toujours rêver.
Elle m’a laissé songeur, cette petite de 20 ans.
La fuite des années me parait vertigineuse; lui aurais-je tant appris si elle avait été vilaine ?
Une femme d'une trentaine d'années déboule dans la salle en tanguant des hanches, risquant dangereusement de heurter les montants de la porte.
« Vous êtes à quel terme ? »
Elle s’étouffe.
Je sais déjà que ma gaffe est irréparable.
« Vous me décevez, Docteur, j’ai pourtant perdu 10 kilos.
- pardon, je suis désolé
- ce n’est pas grave, au supermarché, tout le monde veut me laisser passer devant… ».
En quittant l’hôpital, je suis coincé dans un embouteillage.
Mon esprit vagabonde autour de son petit minois, et ce petit corps caché par une si peu sage blouse d’infirmière. En se penchant pour ramasser un coin de couverture, j’ai entraperçu une tache bordeau lovée au creux de son décolleté.
Ma file avance, je comprends pourquoi ce ralentissement.
Un jeune homme gît dans une coque, sur le terre-plein de la deux fois trois voies, entouré d’une équipe affairée du SAMU.
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26/11/2005
Plaisir d'automne
14:58 Publié dans ma vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (0)
EPU
Parfois, j’anime des « soirées EPU » (enseignement post universitaire) sur un marqueur utilisé dans l’insuffisance cardiaque.
Le public est varié, généralistes, ou biologistes, entre 20 et 50 personnes.
En général, les cardiologues ne viennent pas à ce genre de soirées, ils se sentent peu ou pas concernés, ou estiment en savoir bien assez sur la question.
Le laboratoire qui me rétribue vend des appareils et les kits pour doser ce marqueur.
J’essaye de garder une certaine objectivité, et une liberté de ton dans ma présentation.
Ce n’est pas toujours facile car les sommes en jeu sont considérables, mais pour l’instant mon employeur ne m’a jamais censuré.
Donc hier soir, soirée dans un hôtel huppé.
Le bar est particulièrement accueillant, un feu crépite dans un foyer pyramidal au centre de la pièce aux murs sombres. Un couple s’enlace dans un canapé de cuir noir, deux coupes de Champagne attendant que leurs lèvres se libèrent. Un barman sourit derrière trois rangées de bouteilles illuminées par un retro-éclairage doux.
Le commercial de la firme est là, de même que le patron du labo de biologie à l’initiative de la soirée.
Ce dernier, 55-60 ans, habillé impeccablement, a un côté vieille France sportive marqué. Imaginez Ernest-Antoine Sellières en pilote de rallye automobile.
L’aisance financière émane de cet homme, mais pas de façon vulgaire et m’as-tu-vu. Une certaine classe bourgeoise.
Le patrimoine des biologistes est incomparablement plus important que celui, déjà conséquent des cardiologues ; on ne boxe pas dans la même catégorie.
On me présente son fils.
Là, changement de décor.
Blouson de cuir, mal rasé, un peu négligé, pas une remarque intelligente durant notre quart d’heure de conversation.
Je glisse un discret « Qu’est-ce qu’il fait ? » au commercial.
« Oh, je ne sais pas, il n’est pas biologiste, il fait de la gestion dans le laboratoire. »
Uhmm, j’espère qu’il a d’autres enfants.
Le public, donc composé de généralistes, ou de biologistes, n’a pas du tout les mêmes attentes, ou les mêmes questions.
Hier soir, Oscar de la question saugrenue d’un généraliste : « Avez-vous déjà dosé ce peptide chez des patients pré mortem ?
- Euh, chez des patients en réa cardio, en insuffisance cardiaque terminale…
- Non, je veux dire chez des patients agoniques, mais sans pathologie cardiaque
- Euuuuuuh, non, il faudrait faire une étude ».
Deux ans d’assistanat m’ont appris cela, toujours répondre à une question sans réponse, par « il faudrait faire une étude ».
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