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10/03/2007

Des gris aux rouges.

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De garde cette nuit (pas la peine d'agrandir la photo sur le badge, ce n'est pas le mien!).

Un pauvre monsieur qui se remet bien mal de sa chirurgie cardiaque.

Encombré et surinfecté, on lui fait de la C-PAP (en fait, de la C-PAP du pauvre avec une valve de Boussignac).

En début de garde, alors que le médecin qui me fait la relève semble optimiste, je subodore une intubation de nuit.

Celle-ci survient à 1h00.

Au décours de l’intubation, l’infirmier de nuit qui fixait le « lac » à mes côtés me dit « Attention !».

J’ai juste le temps de repousser l’extrémité de la sonde qui pointait vers mon nez avant que ne survienne une éruption de liquide gris et épais.

Je le regarde : son visage est gris pâle et ses genoux marbrés violacés.

Evidemment il fait un superbe collapsus de reventilation que je mets bien 45 minutes à juguler.

 

Ce matin, pour me changer les idées, je suis allé faire un tour à un salon d’art contemporain qui a lieu toutes les années.

J’ai retrouvé avec plaisir les œuvres du peintre Daniel Timmers que je surveillais du coin de l’œil depuis la dernière édition (ici). Ses femmes ont pris de l’ampleur (il a un peu délaissé le format 20*20cm pour 50*40 et au delà) mais ont gardé tout leur charme.

J’ai discuté longuement avec lui et sa femme (j’espère ne pas faire d’impair). Pour ne rien gâcher, ils sont charmants, gentils et abordables.

Ici, on est bien loin de l'auto contemplation et du jargon artistique qui tend volontiers vers l’inintelligible.

Rien n’est le fruit du hasard, il empaquetait déjà trois toiles vendues alors que le salon n’entame que son deuxième jour.

Il m’a aussi proposé de m’envoyer des photos de ses nouvelles toiles afin de les afficher sur ce blog. J’ai accepté avec empressement.

J’ai acquis ce portrait plein de mélancolie d’une femme qui pleure.

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Il a remplacé au dessus de mon bureau « Audrey » qui est passée dans notre chambre.

 

J’y ai aussi croisé, comme l’an dernier, les œuvres de Bocaj, et de Tempier.

 

Enfin, une œuvre beaucoup plus sombre ressort de cette édition : celle de Zura, artiste danois (site web).

Si j’avais eu le budget, je me serais laissé tenté.

Les deux images ci-dessous ne représentent pas les toiles que j’ai aimées, mais donnent une bonne image d’ensemble. Les tonalités dominantes  sont sombres, grises et blafardes.

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Il peint sur du tissu imprimé (ou du papier peint ?) ce qui lui permet de représenter des robes avec des voiles diaphanes et inquiétants. La plupart de ses femmes en robes de soirée et avec une rose cousue sur l'épaule pointent des revolvers de gros calibre vers une cible (un homme ?) situé hors du tableau. Le genre de toiles pas très faciles à accrocher dans une chambre ou un salon, mais le travail est intéressant.

Dommage, il n’était pas présent sur son stand.

J’espère qu’il reviendra l’an prochain.

14:25 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (2)

25/02/2007

Pourquoi Audrey ? (3).

Dernière partie, de loin la plus hypothétique.

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La partie la plus travaillée représente ses cheveux, juste au dessus de l’œil gauche.

Cette partie attire le regard car on y trouve des points de peinture grise et blanche que l’on ne retrouve nulle par ailleurs dans le tracé très linéaire du visage.

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D’ailleurs, sur la photo c’est là que la lumière arrive..

Comment représenter la lumière et ses jeux sur les surfaces représentées dans un tableau ?

Le problème est aussi ancien que l’art pictural.

Dans le tableau, le fort contraste entre les deux teintes aide beaucoup. Les zones claires semblent lumineuses par rapport aux grises.

Mais cette petite mèche de cheveux a bénéficié en plus d’une attention bien particulière.

Ce « pointillisme » augmente encore l’impression lumineuse. Si l’on regarde un objet fortement éclairé, et à une certaine distance, la zone la plus exposée va être floue.

C’est, je pense ce qu’a voulu rendre Alan Kinsey.

Je devine vos pensées : Bah, n’importe quoi, c’est de la sur-interprètation, et ça ne s’est jamais vu !

En êtes-vous bien si sûrs ?

Cherchons un exemple simple... Allez prendre dans le frigo un de vos yaourts préférés . Si le pot est en verre, l’étiquette a de grandes chances de représenter cette image. C'est la "laitière" de Nestlé, en fait, originellement de Vermeer.

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Prenez une grosse loupe et regardez ce qu’il y a sur la table au premier plan.

Une corbeille de pain en plein soleil.

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Et qu’y voit-on ?

Des tâches de lumière qui rendent le pain un peu flou mais lumineux.

Quand on connaît Vermeer et sa méticulosité (on arrive à reconnaître des ouvrages sur un tableau de Vermeer car on arrive à y lire quelques lignes !), on peut s’étonner de ce flou.

En fait, c’est comme cela qu’il pensait le mieux dompter la lumière. Par ailleurs, quand on sait qu’il utilisait une « camera obscura », ou chambre noire pour reproduire ces scènes d’intérieur, on comprend mieux le flou provoqué par un rayon lumineux sur l’écran de cet instrument d’optique.

C’est pour cela que je me suis demandé si Kinsey n’avait pas utilisé un tel système pour représenter Audrey.

Je n’ai absolument aucun doute sur le fait qu’il connaisse l’œuvre de Vermeer ou même le nombre d’or.

Etre artiste ne signifie pas créer à partir du néant, cela suppose un minimum de connaissances sur l’histoire de l’art, et sur les artifices qu’ont utilisés les anciens pour représenter la nature ou l’abstrait.

Même les génies ne créent pas « ex nihilo ».

Mais cela est un autre débat, lui aussi sans fin.

 

J’espère que cela  vous a plu.

Comme d’habitude, j’ai pris beaucoup de plaisir à vous en parler et à faire quelques recherches sur un tel micro-sujet.

 

Il n’y a pas que la Médecine dans la vie.



14:45 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (4)

24/02/2007

Pourquoi Audrey ? (2)

On va voir d’un peu plus près la composition et ce à quoi ce tableau fait référence.

 

Le châssis de la toile en coton d’un grain moyen est un carré de 60 cm sur 60 cm. Aux quatre coins on retrouve les inévitables clés en bois qui permettent de retendre la toile et qui ne demandent qu’à tomber si l’on manipule un peu trop le tableau.

Ci dessous une illustration prise dans Google.

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Le dos de la toile est signé et annoté « Alan Kinsey 2007 « Icons # 16 » Audrey Hepburn »

 

La peinture utilisée est une peinture acrylique très fine (comme je l’ai déjà dit, il n’y a quasiment pas de relief visible à jour frisant). La palette est simple : gris foncé et blanc. Plus simple que cela, c’est difficile.

Je pense qu’il a enduit la toile de blanc pour ensuite faire le fond et dessiner le visage avec le gris, quitte à affiner certains détails en passant une nouvelle couche de blanc.

 

J’ai cherché quelle composition le peintre avait bien pu utiliser.

Pas la règle des tiers, basée sur le nombre d’or puisque la toile est un carré.

J’ai quand même essayé, mais vous pouvez constater qu’aucune structure majeure du visage passe par les lignes et les points de force.

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J’ai testé cette règle sur deux autres toiles rectangulaires peintes par le même Alan Kinsey et l’on peut constater qu’elle s’applique quasi parfaitement.

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Je me suis donc demandé comment regarder cette toile.

J’ai finalement eu l’idée de la regarder comme on regarde le visage d’une femme.

D’abord les yeux immenses et tendres, puis les lèvres charnues, puis les cheveux.

Les cheveux attirent par leur traitement un peu plus complexe que le reste de la toile, notamment au dessus de l’œil gauche. Puis le regard descend en pente douce vers la droite du visage.

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Quand on relie tous ces points, on obtient grosso modo une spirale qui explique probablement en grande partie l’harmonie calme qui se dégage de la toile.

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Les poètes y verront une allusion à l’ammonite, à la mer, puis à Vénus sortant des eaux  et à l’éternel féminin qu’Elle symbolise.

Mais là, on s’enfonce dans l’exégèse. Et comme l’étymologie le dit si bien, cela risque de nous mener bien loin « hors de » la finalité de cette note.

 

La palette de couleur restreinte, la volonté de simplification du visage (le nez est quasiment absent, de même que l’ourlé des oreilles) sont une référence très claire à l’art de la sérigraphie. Ce procédé mécanique vise à reproduire en grande quantité des images aux graphiques rendus nécessairement simples par le procédé lui-même.

Or, la sérigraphie est une référence très forte au Pop-Art, et à son représentant principal, Andy Warhol.

Bon, je ne me suis pas trop creusé la tête pour pondre cela car Alan Kinsey est en pleine période Pop-Art en ce moment. Le fait que Kinsey, comme Warhol, ait travaillé dans la publicité avant de se consacrer à la peinture n'est sûrement pas totalement fortuit.

Audrey rappelle assez furieusement la série des « Mao » ou « Ten Lyses » de Warhol.

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Le Pop-Art avait pour mission de rendre l’art plus populaire, plus accessible. La grande majorité des œuvres est facilement accessible, simplifiée ou représente des objets de la vie de tous les jours que l’on ne remarque jamais (les boites de soupe Campbell, par exemple). La reproduction mécanique des images est aussi un bon moyen pour désacraliser l’art dans ce qu’il a de plus fondamental, du moins pour l’acheteur, c'est-à-dire l’unicité de l’œuvre. Enfin, le Pop-Art se moque des « icônes » de la société de consommation (comme Marylin Monroe ou Liz Taylor), là aussi en piétinant leur unicité en démultipliant de manière grotesque leur image.

Simplification de la représentation, reproduction mécanique, qu’en est-il de Audrey ?

 

Tout d’abord, le nom officiel du tableau « icons 16 » montre la volonté de l’insérer dans une série, puisqu’il est le seizième de la série « Icons ». Ensuite le choix d’une icône, ici Audrey Hepburn, est comme nous l’avons vu, très caractéristique du Pop-Art.

 

Cependant le tableau est unique. Ca, j’y tiens beaucoup, engoncé dans mon conformisme petit bourgeois. Pour ce point précis, le Pop-Art n’est pas passé par moi. Les autres toiles de la série « Icons » traitent de sujets très différents.

Certes, la toile est donc une reproduction d’une photo connue d’Audrey Hepburn, mais sa simplicité n’est qu’apparente.

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Primo, aucun procédé de reproduction mécanique visible. Peut-être que le peintre a utilisé une sorte de rétroprojecteur pour tracer les contours du visage, mais rien ne le montre à part peut-être un petit détail dont on va parler plus tard.

Tout est dessiné ou suggéré au pinceau, résultat d’un travail et d’un talent.

Secundo, le traitement des yeux ou des jeux de lumière sur les lèvres et les cheveux est loin d’être « simple », comme le montrent les agrandissements suivants.

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En somme, une sorte de faux Pop-Art qui en fait prend à contre-pied ce qui a fait le fondement de ce courant. Un pop-Art "dépopularisé", un Pop-Art bourgeois, en quelque sorte. Mais on va voir qu’il existe peut-être encore une référence graphique encore bien plus ancienne.

 

Suite et fin dans une troisième note.

11:45 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (2)