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22/12/2006
Deux petites histoires
Avant-hier, Sally, Thomas et moi accompagnions Guillaume à l’école primaire pour le voir chanter.
Nous en avons profité pour déposer la nièce de Sally, 10 ans, à l’école des « grands », juste à côté.
Alors que nous venions tous de traverser le passage piéton, une conductrice nous fait un signe amical avant de continuer son chemin.
Je fais un petit signe de tête, puis demande à Sally « Qui est-ce ? ».
La petite, 10 ans je le rappelle, nous répond pas peu fière : « C’est la mère de mon ex ».
Qu est-ce que ça va être à 15-16 ans ?
°O°O°O°O°O°O°O°O°
Un peu plus tôt dans la semaine, j’engage ma voiture dans une rue un peu étroite à un pâté de maisons de chez moi.
Une vieille dame toute voûtée, portant canne, béret blanc et deux sacs en plastic me fait signe de m’arrêter. Elle s’approche de ma portière
« J’ai mal de partout, je suis pleine de rhumatismes, je ne peux plus rentrer chez moi. Vous pourriez m’y emmener en voiture ? ».
Je regarde dans le rétroviseur, une voiture s’est engagée juste derrière moi.
Je ne peux ni ouvrir la portière brutalement pour la projeter dans les poubelles derrière elle, ni faire marche arrière pour sortir de la rue.
Je la prends donc.
Elle me passe sa canne, un premier sac plastic vide puis le second qui contient un mécanisme de chasse d’eau.
Je lui demande d’attacher sa ceinture : « Mais non, mais non, nous sommes à deux pas de chez moi ! ».
« Mais si, mais si... », d’autant plus qu’une alarme se met en route lorsque l’on ne fixe pas sa ceinture.
Elle fait mine de la mettre, mais ne l’enclenche pas.
Un tout petit peu agacé, je démarre, avec dans les oreilles le bip-bip de l’alarme.
Je prends à gauche, sur une rue plus passante et je pile brutalement devant une voiture qui vient de griller le laissez-passer à gauche. J’ai juste le temps de retenir la mamie avec mon bras droit, avant qu’elle ne se crashe sur le pare-brise.
Pas d’autres voitures à l’horizon.
Si elle s’était mangée la vitre, j’aurais ouvert la porte du passager pour la pousser sur la chaussée.
Comment, une mamie en béret blanc ? Non, jamais vue…
Quel accident ? Ah ! ça doit être un petit jeune en scooter qui l’a percutée…
Le reste du voyage s’est déroulé sans autres encombres.
14:35 Publié dans ma vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (0)
21/12/2006
Si on ne connaît pas les mauvaises nouvelles,… (suite)
Un laboratoire américain sort un antipsychotique en 1996.
Cet antipsychotique devient au fil des années le produit phare de ce laboratoire avec près de 30% des revenus annuels.
Toutefois, assez rapidement se pose le problème d’une prise de poids et d’une élévation de la glycémie sous traitement.
En février 2000, un mémo interne précise que le risque d’hyperglycémie est 3.5 fois plus important que sous placebo. Jusqu’à fin 2001, le laboratoire donne comme information aux médecins que le produit n’augmente que « peu » (« slightly ») la fréquence des hyperglycémies.
Le mémo indiquait 3.6% d’hyperglycémies contre 1.05% pour le placebo. L’information donnée aux médecins était un risque de 3.1% pour le produit et 2.5% pour le placebo.
Interrogé, le laboratoire précise que les données fournies aux médecins étaient exactes et que le mémo de février était hors contexte (« out of context »).
Par ailleurs, le laboratoire précise qu’après avoir revu les données de février 2000, des erreurs ont été trouvées dans les ultimes contrôles qualité des données.
En 2000, le laboratoire avait envisagé de modifier le RCP (Résume des Caractéristiques du Produit) afin de prévenir du risque accru d’hyperglycémies, mais cela n’a pas été fait.
16:40 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (6)
Qui sauve une vie…
Encore une fois, la preuve que le net est à notre image, il apporte aussi bien le meilleur que le pire.
Je vais vous conter une petite histoire pour illustrer ce fait (c’est l’époque !).
Le 17 décembre, je tombe sur une note de Zeclarr qui raconte l’arrivée aux urgences d’un jeune toxicomane qui a fait une « TS » avec un cocktail impressionnant. Le premier commentateur s’interroge sur le sens de l’avoir sauvé, le second lui répond en citant la phrase suivante : « Qui sauve une vie sauve le monde ».
Je trouve que cette phrase magnifique est la quintessence même du métier de médecin et je rajoute mon grain de sel.
Je me souvenais vaguement que c’était une citation tirée de la « Liste de Schindler ».
Je me suis dit « Tiens, cette phrase a une consonance vaguement hébraïque ». Notamment car il me semble y avoir reconnu cet humanisme immense, concentré dans une forme épurée qui caractérise assez souvent les textes anciens.
J’ai quelques fois pensé à cette phrase durant la semaine, en me promettant d’en chercher l’origine dès que j’en aurai le temps.
Hier au soir, je voyais les entrées de la clinique.
Le médecin généraliste d’un patient très âgé (90-95 ans), mais encore vert demande à me voir.
Le patient et le médecin sont juifs d’origine tunisienne et parents.
On discute.
Le médecin (c’est une femme de 45-50 ans) est préoccupée car elle trouve que son patient a pas mal « baissé » ces derniers temps, ce que je confirme.
Elle insiste beaucoup pour le transfuser parce qu’il a une hémoglobine un peu basse, à 90-95 g/l.
Je ne suis pas pour, et je lui explique pourquoi.
Finalement, comme la conversation se poursuit, je me rends compte qu’elle craint surtout qu’on ne s’occupe pas de lui du fait de son âge. Elle me raconte qu’il y a quelques années, une interne a jugé sa tante « trop âgée » pour appeler un neurologue à son chevet, et elle en avait été mortifiée.
Je lui glisse alors, comme ça, naturellement : « Qui sauve une vie, sauve le Monde ».
Ses yeux se sont éclairés, son visage grave s’est ouvert. J’ai vraiment eu l’impression d’avoir cité LA phrase qu’il fallait au bon moment et que cette phrase faisait sens pour elle ; encore plus que pour moi. « C’est exactement ça », m’a-t-elle dit, le regard un peu rêveur. Je l’ai conduite auprès du patient ensuite.
Bon, j’ai failli lui dire que j’avais redécouvert cette phrase sur un blog il y à quelques jours, et que je n’avais aucune idée d’où elle était tirée. Mais le moment était tellement « parfait », et pour une fois que je dis quelque chose de censé au bon moment, je ne lui ai pas dévoilé « l’imposture ».
Après cela, j’ai sauté sur le premier ordinateur venu pour chercher son origine.
Je me suis dit qu’avec Google et Wikipedia, j’en aurai fini en quelques secondes.
Et bien, grosse erreur, j’ai pas mal bataillé pour obtenir ce que je voulais. J’ai dû taper plusieurs mots clefs, en français puis en anglais pour obtenir la citation voulue.
Surtout, je suis tombé sur un texte révisionniste anglo-saxon, repris par de nombreux sites qui accusait Spielberg de « révisionnisme » (c’est assez surréaliste) pour avoir trafiqué la citation exacte du Talmud.
La phrase est donc d’origine talmudique, mais il existe plusieurs variantes en fonction des versions. L’auteur anglo-saxon (Australien, je crois) citait la version la plus restrictive (celle ou l’on parle d’une « vie juive ») pour accuser les juifs d’élitisme, voire de racisme.
Ou comment partir d’une phrase magnifique, et la transformer en instrument de haine.
Je suis aussi tombé sur quelques sites qui réfutaient cette thèse point par point en y opposant des citations de textes anciens (ici).
Voici donc (en anglais) les deux versions et les références trouvées sur « Wikiquote » :
Whoever destroys a soul, it is considered as if he destroyed an entire world. And whoever saves a life, it is considered as if he saved an entire world.
Jerusalem Talmud, Sanhedrin 4:1 (22a)
Variant: A translation of a similar passage in The Babylonian Talmud reads in a way that does not necessarily have so universal an interpretation: Whoever destroys a soul from Israel, the Scripture considers it as if he destroyed an entire world. And whoever saves a life from Israel, the Scripture considers it as if he saved an entire world.
(Babylonian Talmud, Sanhedrin 37a)
Autre éclairage de cette "affaire" ici.
Edition 14h00: amélioration de la forme, ajout de liens.
11:15 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (7)