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03/09/2008

C'est un miracle ! (suite)

En répondant à Xavier sur un commentaire de “C’est un miracle !”, je suis tombé sur un article du BMJ qui explique qu’il est difficile d’interpréter des résultats obtenus à partir de l’analyse des critères secondaires et des analyses en sous-groupe.

L’interprétation faite de l’étude BEAUTIFUL, qui va permettre de vanter Urbi et Orbi l’efficacité de l’ivabradine correspond exactement aux dérives pointées par cet article, dérives résumées par cette phrase de Lemuel A. Moyé, que je trouve magnifique :

 

 

“The primary end point, chosen from many possible end points and afforded particular and unique attention during the trial, becomes unceremoniously unseated when it is discovered to be negative at the trial's conclusion. Like the `crazy aunt in the attic,' the negative primary end point receives little attention in the end, is referred to only obliquely or in passing, and is left to languish in scientific backwaters.”

 

Dans: Moyé LA. End­point interpretation in clinical trials: the case for discipline. Control Clin Trials 1999;20:40­9.

 

Comme cette pauvre tante folle qui fait honte à toute la famille et que l'on enferme à double tour au grenier, je suis certain que l'on va bien prendre soin de taire, ou en tout cas de minimiser le fait que l'ivabradine n'est pas plus efficace qu'un placebo  sur un critère composite associant la mortalité cardio-vasculaire et l'hospitalisation pour insuffisance cardiaque dans la population étudiée dans BEAUTIFUL.

Un exemple appliqué ?

J'ai reçu hier ce mail d'une revue de cardiologie bien connue qui relate les résultats de BEAUTIFUL:

Photobucket

 

Miraculeux, non?

02/09/2008

C’est un miracle !

Parfois, certaines firmes pharmaceutiques sont prévisibles.

Vous vous dites : « je suis absolument sûr que cette firme va interpréter d'une telle façon cet essai clinique négatif, qu’elle va réussir à le rendre positif ».

Qui plus est, elle va non seulement le rendre positif, mais aussi vous faire croire que le médicament de cet essai est quasi miraculeux, et que bien sûr, vous êtes un assassin si vous ne le prescrivez pas à vos patients sur le champ.

 

Et quand ça arrive, bien que vous l’ayez prévu, vous vous dites, ce n’est pas croyable, c’est absolument énorme.

Voici un exemple très récent. Vous allez voir, je vais vous faire rêver.

 

En ce moment se déroule à Munich le congrès de l'ESC, qui rassemble la fine fleur de la cardiologie mondiale (c’est pourquoi je n’y suis pas !) .

 

Le 31 août, les résultats de l’essai « Beautiful » (référence NCT00143507 sur clinicaltrial.org) ont été présentés. Cet essai et un essai ancillaire vont paraître dans le Lancet, ils sont d’ailleurs disponibles dès maintenant sur le net.

L’essai compare l’effet de l’ivabradine contre un placebo sur la mortalité d’origine cardio-vasculaire et la morbidité chez 10917 patients coronariens stables et porteurs d’une dysfonction ventriculaire gauche systolique.

 

Les critères de comparaison sont les suivants :

 

  • Un critère primaire composite: mort d’origine cardio-vasculaire + admission à l’hôpital pour un épisode d’insuffisance cardiaque (premier épisode, ou aggravation)
  • Huit critères secondaires :

1) mortalité toute causes, mortalité d’origine cardiaque (infarctus, insuffisance cardiaque, ou décès au cours d’une procédure cardio-vasculaire),

2) mortalité d’origine cardiovasculaire (mort d’origine cardiaque, mort par arythmie, mort par accident vasculaire cérébral,

3) autres morts vasculaires, mort subite de cause inconnue) ou admission à l’hôpital pour un épisode d’insuffisance cardiaque,

4) admission à l’hôpital pour infarctus du myocarde fatal ou non ou angor instable,

5) revascularisation coronaire,

6) mort d’origine cardio-vasculaire,

7) admission à l’hôpital pour insuffisance cardiaque,

8) admission à l’hôpital pour infarctus du myocarde.

 

Je vous livre les conclusions publiées par les auteurs dans le Lancet :

 

Reduction in heart rate with ivabradine does not improve cardiac outcomes in all patients with stable coronary artery disease and left-ventricular systolic dysfunction, but could be used to reduce the incidence of coronary artery disease outcomes in a subgroup of patients who have heart rates of 70 bpm or greater.”

 

Pour le même prix, je vous livre aussi les conclusions de l’essai ancillaire dont le seul but était l’analyse de la fréquence cardiaque comme facteur pronostic dans le groupe placebo :

 

“In patients with coronary artery disease and left-ventricular systolic dysfunction, elevated heart rate (70 bpm or greater) identifi es those at increased risk of cardiovascular outcomes, with a diff erential eff ect on outcomes associated with heart failure and outcomes associated with coronary events.”

 

 

Autrement dit, si l’on considère les conclusions de l’essai principal, l’ivabradine n’améliore ni le critère principal, ni les critères secondaires sur l’ensemble de la population étudiée par rapport à un placebo.

Dans une sous population définie avant le début de l’étude (les patients ayant une fréquence cardiaque de base supérieure ou égale à 70 bpm), l’ivabradine n’améliore pas non plus le critère principal, mais améliore les trois critères secondaires suivants : admission à l’hôpital pour infarctus du myocarde, admission à l’hôpital pour infarctus du myocarde fatal ou non ou angor instable et revascularisation coronaire.

 

Je vous rappelle qu’une étude ne répond qu’à une seule question : celle à laquelle la comparaison du critère principal permet de répondre.

Les critères secondaires portent bien leur nom, ils ne sont que secondaires.

Ils permettent de préciser quelques points, d’étoffer la conclusion, de surveiller la tolérance, mais ils sont et doivent rester ce qu’ils sont, c'est-à-dire secondaires. Parfois, si la positivité d’un critère secondaire est inattendue, intéressante, on pourra alors reprendre ce critère au cours d’une autre étude et le mettre en critère principal.

Un exemple : l’étude ELITE 1 dont un critère secondaire positif (une différence de mortalité entre le captopril et le losartan) a conduit à mettre en route ELITE 2 pour le confirmer, cette fois en critère principal. Manque de chance, ELITE 2 est revenue négative et n’a donc pas confirmé ce fameux critère secondaire.

 

Donc pour moi, l’ivabradine n’améliore pas le critère principal ni dans l’ensemble de la population, ni dans le sous-groupe pré spécifié. Ce médicament ne fait donc pas mieux que le placebo dans cette indication. L’ivabradine améliore potentiellement 3 critères secondaires, mais il faudra le confirmer par des études idoines. D’ailleurs, l’investigateur principal, Kim Fox, ne dit rien d’autre : « This trial failed its primary end point in BEAUTIFUL, and the conclusions that we can draw regarding the reduction in fatal and nonfatal MI are to a great extent hypothesis generating, they're reassuring, but they're not definitive, I'm not going to argue with that. »

 

Maintenant, regardons comment "on" a rendu l'ivabradine miraculeuse. J’ai fait une petite recherche sur le net, et je n’ai pas été surpris des interprétations tirées de cet essai, rappelons le négatif.

 

Tout d’abord, un résumé relativement objectif de Theheart.org dont le titre est « BEAUTIFUL for some: No overall advantage of ivabradine, but high-heart-rate patients may benefit» (un autre résumé ici, pour les francophones).

 

Ensuite, c’est carrément Lourdes, le curé d'Ars et les écrouelles à Saint-Denis réunis:

 

Titre du Communique de presse du laboratoire : « Les résultats de l’étude BEAUTIFUL montrent que Procoralan* (ivabradine) est le premier anti-angoreux permettant de réduire les infarctus du myocarde et les revascularisations chez les coronariens stables. »

 

Les échos (« Impact énorme pour les malades »), futura-sciences, caducee.net, pharmabuzz, et capital.fr sont pour l’instant les seuls sites francophones à avoir repris ce communiqué, in extenso voire embelli mais sans l'analyser le moins du monde. Un collègue cardiologue m’a dit qu’ils en avaient parlé ce matin à la radio.

Bientôt, on verra fleurir des articles dithyrambiques dans nos grands quotidiens, je ne parle même pas de la presse médicale sponsorisée.

 

Apprêtez vous donc à voir débarquer dans votre cabinet des délégués médicaux gonflés à bloc, venus vous vanter à l’aide de magnifiques courbes l’effet absolument miraculeux de l’ivabradine.

 

 

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Fox K, Ford I, Steg PG, Tendera M, Robertson M, Ferrari R; on behalf of the BEAUTIFUL investigators. Heart rate as a prognostic risk factor in patients with coronary artery disease and left-ventricular systolic dysfunction (BEAUTIFUL): a subgroup analysis of a randomised controlled trial. Lancet. 2008 Aug 29. [Epub ahead of print] PMID: 18757091 [PubMed - as supplied by publisher]

 

 

Fox K, Ford I, Steg PG, Tendera M, Ferrari R; on behalf of the BEAUTIFUL Investigators. Ivabradine for patients with stable coronary artery disease and left-ventricular systolic dysfunction (BEAUTIFUL): a randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet. 2008 Aug 29. [Epub ahead of print] PMID: 18757088 [PubMed - as supplied by publisher]

 

J'avais déjà parlé de l'ivabradine ici.

 

25/08/2008

Cocorico ?

Encore une publicité directe destinée au consommateur étasunien.

Mais cette fois, le produit, le zolpidem, est commercialisé par Sanofi-Aventis, un laboratoire bien de chez nous.

Un coq pour un labo français, c’est assez drôle.

 

Le site web est grandiose (presque autant que celui de "Lincoln et son castor"), je vous conseille « Play the game » en haut de la page et au centre.

Sanofi-Aventis a aussi utilisé Youtube pour diffuser son message via cette chaîne.

Dans les abonnés à cette chaîne, vous reconnaîtrez John Mack qui est l’administrateur de l’excellent Pharma marketing Blog, d’où je tiens cette histoire.