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19/03/2008

Peut-on rire en lisant le Journal Officiel ?

Posée comme cela, la réponse est non.

Et pourtant, et pourtant…

La décision parue au JO le 30 novembre dernier et interdisant une publicité pour un bêta-bloquant bien connu est comique au plus au point.

Petit florilège :

« …

Considérant que la page 18 du document, intitulée « A propos du Nébivolol », met en exergue un extrait des recommandations de l’European Society of Cardiology de 2005 et conclut par l’allégation : « Nébivolol est recommandé dans le traitement de l’insuffisance cardiaque (niveau de recommandation 1, niveau d’évidence A) » ; que la page 15 du document rapporte les conclusions de l’étude Seniors et précise : « l’étude

Seniors a montré l’intérêt du Nébivolol en termes de morbi-mortalité chez les patients âgés atteints d’insuffisance cardiaque chronique stable, que la fraction d’éjection soit diminuée ou préservée » ;

Considérant que ces présentations suggèrent que le Nébivolol est efficace dans le traitement de tous les niveaux d’insuffisance cardiaque, alors que l’indication thérapeutique validée par l’autorisation de mise sur le marché de Nebilox est limitée au « traitement de l’insuffisance cardiaque chronique stable, légère et modérée, en association aux traitements conventionnels chez des patients âgés de 70 ans ou plus » ;

Considérant que la page 20 du diaporama intitulée « Différences entre les principales études de l’ICC (vs placebo) » présente sous la forme d’un tableau les résultats du critère principal de sept études portant notamment sur six bêtabloquants et un sartan ; que ce tableau met ainsi en exergue une comparaison des résultats d’études obtenus sur des populations d’insuffisants cardiaques ne présentant pas le même stade d’évolution (insuffisance cardiaque modérée à sévère dans les études CIBIS-II et MERIT-HF, insuffisance cardiaque sévère dans l’étude Copernicus, insuffisance cardiaque légère à sévère dans l’étude Capricorn, insuffisance cardiaque légère et modérée chez les sujets âgés de 70 ans ou plus dans l’étude Seniors, étude pivot de l’autorisation de mise sur le marché de Nebilox) ; que cette comparaison de résultats en termes d’efficacité entre des populations non superposables n’est pas acceptable ;

… »

« …

Considérant que ce tableau met également en exergue une comparaison des résultats, exprimés en termes de réduction du risque relatif, ne correspondant pas au même critère principal d’évaluation (« mortalité toutes causes » pour les bêtabloquants bucindolol, bisoprolol, carvédilol et métoprolol, non significatif pour le premier et significatif pour les trois autres ; critère combiné non significatif « mortalité CV et hospitalisation pour IC » pour le candésartan ; et critère combiné « mortalité toutes causes et hospitalisation CV » pour les bêtabloquants carvédilol et Nebilox, non significatif pour le premier et significatif pour le second) ; que cette comparaison en

termes d’efficacité sur des critères d’efficacité différents n’est pas acceptable, ce d’autant que pour Nebilox le critère « mortalité toutes causes », critère secondaire de l’étude Seniors non présenté, n’est pas significatif ;

… »

« …

Considérant enfin que ce tableau présente des résultats pour Nebilox correspondant au sous-groupe des patients âgés de 70 à 75 ans et présentant une fraction d’éjection inférieure ou égale à 35 %, exprimés en termes de réduction du risque relatif de « – 27 % » pour le critère principal « mortalité toutes causes + hospitalisation CV » et de « – 38 % » pour le critère secondaire « mortalité toutes causes », en indiquant que ces résultats sont significatifs (« S.S ») ; que l’étude Seniors de Flather et al. précise que cette analyse sur le sous-groupe précité n’était pas programmée initialement ; que les patients n’ayant pas fait l’objet d’une stratification sur ces critères lors du tirage au sort, et aucun ajustement n’ayant été réalisé dans l’analyse, ces résultats sont de nature exploratoire et ne sont donc pas pertinents dans le cadre de la promotion de Nebilox

… »

« Considérant qu’ainsi ce document est contraire aux dispositions des articles L. 5122-2 susmentionnées du code de la santé publique, la publicité, sous quelque forme que ce soit, pour la spécialité pharmaceutique Nebilox, reprenant les allégations mentionnées ci-dessus est interdite. »

Fin de la correction.

J’avoue que ce type de documents me conforte dans ma décision de ne plus recevoir la visite médicale.

°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°

« Décision du 14 novembre 2007 interdisant une publicité pour un médicament mentionnée à l'article L. 5122- 1, premier alinéa, du code de la santé publique destinée aux personnes appelées à prescrire ou délivrer ces médicaments ou à les utiliser dans l'exercice de leur art ».

A lire, donc (texte 25).

16/03/2008

Ouf !

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Source: Wikipedia 

 

Une décision de justice prise à Chicago hier a évité ce qui aurait pu être la remise en cause de l’ensemble du processus de publication des résultats de la  recherche biomédicale.

 

Petit résumé de l’histoire.

 

Lorsqu’une équipe remet un travail à une revue scientifique digne de ce nom, en vue d’une publication, la revue transmet l’ensemble des données à des spécialistes du domaine intéressé.

Ces « reviewers » ("membres du comité de lecture" en bon français) qui sont soumis à des clauses strictes de confidentialité rendent alors un avis au journal, qui décide alors de publier le travail, ou non.

Ces avis, de même que l’identité des « reviewers » ne sont connus que de l’équipe éditoriale de la revue.

 

Ce système, le « peer reviewing » permet de filtrer les travaux de mauvaise qualité et oblige les auteurs à toujours plus de rigueur dans la rédaction et la réalisation de protocoles de recherche.

L’anonymat du comité de lecture et la confidentialité à laquelle il est astreint lui permettent en théorie de juger un travail scientifique en l’absence de contraintes extérieures.

Vous pouvez bien imaginer quelles peuvent être ces contraintes à l’aune des exemples que j’ai déjà donnés.

 

Le principe des comités de lecture est bien entendu imparfait.

Par exemple, dans le cadre d’un domaine de recherche très pointu ou « tout le monde se connaît », un « reviewer » peut très bien torpiller anonymement un travail pour bloquer une publication faite par une équipe concurrente. Ou au contraire favoriser les « copains ».

Il parait que ces pratiques sont assez fréquentes dans nos publications hexagonales.

D’un autre côté, comme personne n’y fait attention…

 

A côté de ce petit monde, et à première vue sans aucun rapport avec le processus de publication d’un article, Pfizer se débat dans un procès fleuve dans l’histoire déjà bien mouvementée du celecoxib.

Les avocats de la firme cherchent donc des échappatoires afin d’éviter une capitulation en rase campagne devant les tribunaux américains.

Et la semaine dernière, ils ont eu une idée diabolique.

Et si le NEJM et incidemment son comité de lecture, très impliqué dans cette histoire étant donné ses publications sur le sujet, possédait des informations susceptibles d’être favorables au celecoxib ?

Les avocats de Pfizer ont exigé que le NEJM dévoile les noms et les remarques de ses « reviewers ».

Le NEJM a bien évidemment refusé, et s’est donc fait mettre en demeure de le faire devant un tribunal de Chicago.

Le verdict est tombé hier, et Pfizer a été débouté.

 

Vous devez vous dire que cette histoire est bien embrouillée, bien lointaine et qu’elle ne nous concerne pas du tout, que l’on soit patient ou soignant.

 

C’est une grave erreur.

 

D’abord, je le répète sans cesse, c’est à partir de ces travaux publiés que nous traitons nos patients.

Imaginez ce qu’aurait pu devenir le processus de « peer reviewing » si la décision du juge avait été l’inverse ?

Il ne faut pas se leurrer, une telle décision aurait fait jurisprudence aux EU, mais aurait eu des conséquences à l’échelle du globe, puisque la plupart des revues scientifiques de qualité sont américaines.

Comment juger objectivement d’un travail en ayant au dessus de sa tête l’épée de Damoclès d’avoir son nom et ses conclusions révélées à tous en cas de procès ?

Imaginez la crainte des pressions de la part des pairs, de l’industrie pharmaceutique, la crainte de procès ultérieurs dans le cadre d’une action médico-légale touchant la molécule ou la procédure étudiée.

 

Le boulet n’est pas passé loin, mais bien peu (en tout cas en France: zéro un résultat dans Google pour la recherche NEJM et Pfizer dans les pages francophones pour ces sept derniers jours) en ont senti le souffle.

 


L’ensemble du système aurait été perverti, et cela simplement à cause d’avocats partis « à la pêche » de très hypothétiques contre arguments juridiques.

Et tant pis si au passage on brise un moyen de régulation essentiel dans le processus de publication des résultats de la recherche biomédicale.

 

C’est quoi un scrupule ?

 

 

 

Voir l’erratum ici.

 

 

 

 

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Le « peer reviewing » sur Wikipedia.

 

« Pfizer vs. the NEJM: A Legal Showdown » par Derek Lowe.

 

La décision du juge, commentée par Science.

13/03/2008

Il faut faire confiance à l’industrie pharmaceutique.

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©The Disney Company

 

L’industrie pharmaceutique nous veut du bien.

Elle travaille dur pour mettre à la disposition du public des médicaments efficaces et sûrs.

Elle finance de façon tout à fait désintéressée, de façon transparente et objective la Formation Médicale Continue des médecins afin de les maintenir à la pointe des progrès médicaux.

Ses campagnes d’information auprès du public et des professionnels jouent un rôle crucial dans la promotion de la santé publique.

L’industrie pharmaceutique est en première ligne dans la protection de la Nature.

L’industrie pharmaceutique prend des engagements fermes pour la défense et la promotion des valeurs qui ont toujours été les siennes : confiance, éthique et humanisme.

Enfin, pour ce dernier point, il reste encore des progrès à faire.

John Mack, l’auteur de l’excellent « Pharma Marketing Blog » a repéré sur la chaîne de sport ESPN que regardait son fils de 18 ans, et à une heure de grande écoute une publicité pour un médicament phare de Pfizer dont l’indication principale sont les dysfonction érectiles.

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 Source: The Pharma Marketing Blog

Je vous rappelle que la publicité directe au consommateur est permise pour les médicaments dans 2 pays au monde : les EU et la Nouvelle-Zélande.

John Mack rappelle l’ambition de ESPN qui est de développer son audience auprès des adolescents :

« Teens are one of the prime markets for these products: the company says it reaches 72% of that elusive group each week through one of its outlets. "Our biggest TV viewers are users of other media," says Artie Bulgrin, ESPN’s senior vice president of research and sales development. "We are able to recycle our audience and navigate our audience back to TV." ».

On peut donc déjà se demander ce que fait une publicité pour un tel médicament à une heure de grande écoute  sur une chaîne de TV largement regardée par des adolescents.

Y a t’il donc déjà tellement de dysfonctions érectiles à cet âge ?

Est-ce pour « rajeunir » l’image de ce traitement ?

Ou bien est-ce pour « élargir » les indications d’un tel médicament, pour le faire prescrire, non plus pour traiter un phénomène « pathologique », mais pour améliorer des performances physiologiques ?

Non, ce n’est sûrement pas ça.

L’industrie pharmaceutique n’est pas capable de faire une telle chose.

D’autant plus, que dans un communiqué du 11 août 2005, Pfizer avait expressément indiqué que :

« In addition to the three areas of change, Pfizer also commits to:

 (…)

    * Review the placement of our current advertising to ensure that it will be targeted to avoid audiences that are not age appropriate. For erectile dysfunction ads, this means that all TV ads will be aired during programs that have more than 90 percent adult viewership.

(…). » (Copyright © 2002-2005 Pfizer Inc. All rights reserved)

Comme l’a remarqué John Mack, la page qui contient ce communiqué n’est plus visible sur le site officiel de la société. Fort heureusement, on peut la retrouver via le site web.archive.org qui est en quelque sorte la mémoire d’internet.

La diffusion de cet écran publicitaire ne peut donc être le fruit que d’une regrettable erreur de la part du service publicitaire de Pfizer, voire même d’ESPN !

Il faut faire confiance à l’industrie pharmaceutique

L’industrie pharmaceutique nous veut du bien.

Il faut faire confiance à l’industrie pharmaceutique

L’industrie pharmaceutique nous veut du bien.

Il faut faire confiance à l’industrie pharmaceutique

L’industrie pharmaceutique nous veut du bien.

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  ©The Disney Company

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Un excellent article de PLoS medicine (que j’avais déjà signalé) sur les stratégies développées par l’industrie afin d’élargir les indications de leurs produits :

Lexchin J (2006) Bigger and Better: How Pfizer Redefined Erectile Dysfunction. PLoS Med 3(4): e132 doi:10.1371/journal.pmed.0030132

 

 

THE MEDIA BUSINESS: ADVERTISING; Pfizer, facing competition from other drug makers, looks for a younger market for Viagra.

By MELODY PETERSEN. The New York Times. Published: February 13, 2002