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06/02/2005
Le testament
Mon père est mort d'un coma éthylique le 28 juin 1997 (c'est pas très glorieux pour un chirurgien, mais pas rare).
C'est à dire 10-15 jours avant mon concours de l'internat (il aurait pu attendre un peu plus...).
Il était séparé de ma mère depuis 1972, pour vivre et se remarier avec son anesthésiste (comme quoi, même un antagoniste aussi atavique peut avoir des exceptions..).
Depuis mon enfance, je le voyais 1-2 fois par an, et presque chaque fois il avait bu.
Je faisais comme les enfants de Noé, je recouvrais sa nudité en l'enfouissant dans ma mémoire.
J'ai rencontré mes demi-frère et soeurs trois fois exactement.
Ses enfants (2 filles et un garçon) et sa femme ont, d'une certaine façon, vécu au rythme de ses beuveries.
A chaque visite, ils faisaient irruption comme des personnages de Zola dans mon petit univers bien propret: un père ivrogne, des enfants un peu perdus, la voiture familiale cabossée de toutes parts...
Il s'est finalement peu manifesté,heureusement car chacune de ses visites était une épreuve, sauf les 6-8 mois avant mon concours. Et encore, il est rarement venu me voir, préferrant m'écrire.
J'ai retrouvé deux lettres qui sont un peu comme son testament.
Bien entendu, elles sont centrées sur ce qui était mon but ultime à cette époque:réussir l'internat.
Mais j'ai pensé qu'elles pourraient aussi servir à tous ceux qui passent des examens.
XXX le 14 janvier 1997.
XXX,
Je te fais parvenir quelques questions de cardiologie à orientations chirurgicales [sic], et dont l'inspiration n'est pas que livresque. Elles sont faites pour comprendre et pour apprendre.
Tu entres en effet dans la dernière ligne droite -celle qui est décisive, celle qui gomme le passé-. Il faut travailler la tête dans les guidons [sic] en faisant abstraction de tout sauf du sommeil qui est la période où s'engrangent les récoltes de la journée-8h s'il te les faut, moins si tu peux-. Essaye de programmer, ces derniers mois, des révisions (on appelait ça des tours) c'est fondamental ça rafraichit la mémoire, ça révèle ce qui a été oublié ou mal compris-les idées fausses-. Si tu ne l'as pas, achéte toi le "Harrison", toutes les questions (chiffres, plans...) que j'ai lues chez Pascale [c'est, je crois, la nièce de sa femme qui passait aussi l'internat] en sont +/- imaginées; c'est une possibilité de relire pour comprendre car les questions sont bien souvent faites de paragraphes laconiques.
A tout vouloir dire on y va souvent à coup de hache.
Travaille bien, mes pensées t'accompagnent et mes souhaits aussi.
Affectueusement.
XXX
Et la derniére:
XXX, le 1er mai 1997
XXX,
Rien que je ne t'ai déjà dit ou que tu ne saches.
reste tourné vers l'effort sans états d'âme. L'affaire est largement jouée, l'essai est annoncé encore faut-il le marquer. Reduis la cadence 48h avant il faut arriver le museau frais et l'esprit serein. Je ne te fais pas l'injure de te rappeler la technique-sauf qu'il ne faut pas chercher à gagner du temps dans la lecture, l'appréhension et la compréhension des questions-. Quel est le problème? que veulent-ils savoir?
Bon courage. Bonne chance
Seuls ceux qui se démobilisent ne gouteront jamais le succés.
Affection.
XXX
Dans une autre de ses lettres, il me conseille aussi "Les ambitions personnelles dénudent la vertu. Compte sur toi. Eloigne toi des rumeurs. Fait ton chemin sans te désunir. Arrête les comparaisons, suis impertubablement ton sillon sans te laisser distraire ou inquieter par les bruits de couloir. ".
C'est cette phrase que j'ai faite mienne qui m'a le plus aidée, et qui régit encore maintenant une partie de ma vie.
J'ai deux seuls regrets profonds et récurrents:
-qu'il ne m'ait pas connu interne
-qu'il n'ait pas connu ses petits enfants.
14:15 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)
05/02/2005
L'art conceptuel et vous ?
Il est déconcertant de part sa diversité (autant de mouvements ou styles que de grains de sable dans une paume de main), que par sa signification(parfois aucune), ou ses buts (parfois aucun...).
Une trait particulier, toutefois, faire table rase du passé, et brûler, ridiculiser tout que ce l'art a produit depuis Lascau.
De Piero Manzoni, et sa"boite de merde d'artiste", à Andy Wharol, et sa "Factory" qui produisait des oeuvres d'art en série, chaque artiste est allé de plus en plus loin dans le déboulonnage de l'Art (avec un a majuscule, c'est à dire A...).
Ils se sont attaqué notamment à deux "dogmes" fondateurs de l'Art (et de son très lucratif Marché...):
- L'oeuvre d'art est unique
- L'oeuvre d'art est l'aboutissement du travail d'un artiste (c'est à dire de ses capacités, de son talent, de son intuition, de sa sensibilité...).
L'art conceptuel va plus encore plus loin, il tend vers la disparition de l'oeuvre d'art, qui doit laisser la première place au concept qu'elle soutend...
Pour caricaturer à peine:
Ceci (je n'ai pas dit "oeuvre") s'appelle "transfini et continu IV", il conceptualise (toujours placer ce mot dans la conversation...) la destinée humaine se heurtant à l'infini de la Mort, et est en symbiose avec le monde actuel de part sa virtualité (Qu'importe le sens....)
Je le vends 15000€ (HT).
Ne ricanez pas, je suis raisonnable....
Ainsi , Le producteur Claude Berri (un des plus grand collectionneur d'art contemporain en France) a acquis il y à plusieurs années une oeuvre de Robert Ryman pour 8.000.000 de francs (il en a trois ou quatre dans sa fabuleuse collection).
Vous trouverez ici et ici , une partie de son oeuvre.
"Etonnant, non" disait le défunt Pierre Desproges.
Bref, tout çà pour dire que j'ai été confronté à l'art conceptuel cet après midi.
Ma galiériste préferrée informe ses clients de l'arrivée d'une nouvelle oeuvre par mail.
C'est redoutable d'efficacité, car je passe des samedis aprés-midi chez elle (au lieu de jouer au train avec mon fils ainé...).
Le dernier mail disait ceci:
"Bonjour,
Sensible au travail d'Ulrike Bolenz,
vous trouverez en pièces jointes une de ses créations
actuellement en exposition à la galerie de Marseille.
Par les thèmes qu'elle traite, l'artiste cherche à interroger le spectateur sur certains dilemmes de notre société.
L'intégration de l'image photographique à ce travail très plastique, lui permet de transmettre une image à la fois réaliste et abstraite.
Une sorte d'hybride entre la photographie et la peinture, une symbiose où ni l'un, ni l'autre ne domine, voire une nouvelle conception de l'image.
Afin de connaître son travail et ses différentes expositions à travers le monde
je vous invite également à visionner son site
http://www.ulrikebolenz.de/
À très bientôt
Delphine"
Le site m'a plu, ainsi que le concept (le mot est lâché...) de mélanger intimmement l'humain et la technologie (spires d'ADN, image digitalisée et pixellisée, et corps nu de femme). Presque une métaphore des blogs (LOL).
J'y suis allé, et le contact avec l'oeuvre a été décevant.Deux morceaux de plexi fixés à une plaque métallique émaillée blanc (la même que ma cuisinière...).
Une oeuvre même pas unique (16 ex.), et mécanisée.
La côte de cette artiste "monte" en flèche (nombreuses expos dont la FIAC), donc on peut à la rigueur envisager son achat comme un placement financier.
Mais je n'arrive pas encore à acquérir une oeuvre pour autre chose que le plaisir qu'elle va me procurer.
J'ai quand même passé l'aprés midi à parler art avec Delphine (toute ma culture confituresque (la culture, c'est comme la confiture....) vient de ces entretiens devant une tasse de café bleue accompagnée d' un chardon mauve).
A propos, "transfini et continu IV" ne vous tente pas ??
pour 12500...
12000.....
19:00 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (0)
04/02/2005
Les pommes pourries
Quand on trouve une pomme pourrie dans un panier, il est habituel de la jeter. sauf quand la pomme est un confrère, et le panier, sa propre spécialité.
Ce matin, nous (mon compère de toujours et moi) examinions un patient vasculaire (c'est à dire malade des artéres). Un temps fondamental de l'examen(http://www.anaes.fr/anaes/Publications.nsf/wEdition/RA_LI...) consiste à prendre la pression artérielle au bras (la classique prise de tension), et au mollet (moins connue mais "classique" quand même). Le quotient de la seconde sur la premiére se nomme l'IPS (Indice de Pression Systolique).
Le plus souvent, on mesure l'IPS au repos, mais on peut le faire après un effort pour sensibiliser la mesure.
Une grande partie des décisions à prendre sur le patient vasculaire se prend grâce à cette mesure (traitement médical, pontages, voire amputation)
La seule façon de la faire correctement est d'utiliser un appareil de döppler continu.
Maître Goupil (un vieux cardiologue très rusé, voire filou) entre dans la salle.
Nous saluons en coeur:
"-Bonjour Docteur Goupil....(avec une déférence confinant à l'ironie)
-Bonjour les jeunes, que faites-vous?
-Nous mesurons les IPS de repos et d'effort pour dépister une ischémie....
-C'est très bien...
Il sort
Nous sourions, il revient 45 sec plus tard...
-C'est quoi un IPS d'effort?
-Ben, c'est un IPS mesuré à l'effort... (fous rires contenus...)
-C'est bien...
-Quand j'étais jeune (A long time ago, in a galaxy far, far away...), nous en faisions tous, puis la sécu n'a plus remboursé cet acte, et plus personne ne l'a fait."
Nous avons hurlé de rire aprés son départ.
Il avait tout résumé en deux phrases (malheureusement)
20:40 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (2)