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15/02/2005

Gish

medium_gish.jpgGish est une boule de goudron, et sa copine brea -une jolie petite brunette- se fait enlever par des inconnus qui disparaissent dans les égouts.
N'écoutant que son courage, Gish part à sa rescousse.

Ce préambule est le début d'un sympathique petit jeu de plateforme, qui a gagné pas mal de prix en 2004.
On peut télécharger la démo, ou l'acheter là:


http://www.chroniclogic.com/

I comme Icare (2/2)

medium_icarus.jpgFinalement, après avoir un peu glandouillé sur le net, je me suis couché à 1h00.
Aucun problème majeur à signaler, malgré des patients un peu « chauds » (un des grands mystères de la vie : une garde s’annonçant calme, sans place libre pour les urgences, et des patients stables se termine toujours en Bérézina, alors qu’une garde avec plein de lits vides, des urgences surchauffées, et des patients catastrophiques est en règle générale extrêmement tranquille…).


L’article de Cassel du NEJM de janvier porte surtout sur l’éclairage qu’apporte les expériences de Milgram sur la compréhension des rapports médecins/personnel médical, et médecin/patient.

Tout d’abord, tout le monde sait que l’hôpital est une société pyramidale, voire comme le suggère Winckler, « féodale ».

Nous avons tous connu au moins un cas ou un médecin « responsable » (du moins administrativement, surtout en garde ou il est seul) donne une instruction inadaptée, dangereuse pour le patient à un infirmière, voire ne donne aucune conduite à tenir particulière.
Le cas est similaire pour un médecin « junior », qui recevrait un ordre, jugé délétère, d un médecin « senior ».
Pour le médecin « junior », ou l’infirmière, se pose une première question : celle de la validité de l’instruction (est-elle réellement inadaptée ?), puis surtout se pose le cas de conscience : obéir en estimant que le médecin sait ce qu’il fait (qu’il a une connaissance supérieure, ou des infos supplémentaires), ou invoquer une clause de conscience et refuser d’obéir ?
Cassel reste assez vague et succinct, et suggère que les études médicales et paramédicales devraient comporter un enseignement de « désobéissance inappropriée » (un « fuck the system » inapproprié…)

J’ai été confronté aux deux cas, en étant « junior » puis « senior »
Le deuxième cas est assez simple, car je travaille avec les mêmes équipes depuis 1997, et nous avons mutuellement confiance. En cas de désaccord, j’explique. Quand je me trompe, les infirmières me connaissent assez pour me suggérer « diplomatiquement, que je ne fais pas bonne route, à leur humble avis… » . Moyennant quoi, le plus souvent, je change ma décision. Parfois (exceptionnellement) je suis un peu obtus (et fatigué), et l’infirmière coupe la poire en deux et suggère une solution médiane, que j’accepte toujours (j’ai pris tellement de coups à l’ ego, que j’ai plus le sentiment diffus de me tromper dans mes décisions, que celui d’avoir raison, en général).
Le deuxième cas est plus difficile, et comme pour Milgram, ma désobéissance était proportionnelle avec mon respect pour le senior. Par ailleurs, j’ai effectué des actes contre ma conscience, sous pression, et ceux ci se sont révélés être bénéfiques pour le patient à terme… (Ars longa, vita brevis…).

Enfin, il s’appesantit plus sur la relation médecin/malade.

Il décrit les 6 sources de pouvoir social, mais que peuvent utiliser le médecin (consciemment, ou non) :
- Cœrcition, avec éventuellement punition (je ne veux plus vous suivre…)
- Récompense (c’est trèèèèès bien….)
- Admiration (ahh, Professeur, vous m’avez sauvé(e)….
- Expertise (tout le monde m’a dit que vous étiez le meilleur….)
- Légitimité conférée par le corps social.
- Information donnée de façon convaincante (à votre place, je me ferais opérer…)

Les présupposés sont les suivants : le médecin a toute autorité sur le malade (conscience, ou inconsciente), et le malade est fragilisé psychologiquement par sa maladie.

Nous imposons quotidiennement à nos malades des décisions qui vont contre leur volonté intime (traitement long, pénible, examen douloureux….). Le fait que nous le fassions pour son bien n’y change rien, nous leur imposons notre décision (parfois même, le patient cherche à faire « plaisir » au soignant, en prenant la décision, qu’il pense être la préférée du médecin).

Les médecins, très hypocritement, ne nomment pas cette acceptation de l’ordre médical « obéissance », mais « compliance » (et encore, ce terme semble être en perte de vitesse, quel sera le prochain terme « médicalement correct » ?).

La conclusion est assez alambiquée : nous avons une grande responsabilité (ah bon, depuis quand ?? -c’est ironique, Mélie-), celle de savoir différencier ce que le patient veut pour lui, de ce qu’il accepte de faire pour nous faire plaisir.
Mais, l’auteur se veut clément pour nous : c’est la maladie qui réduit le plus l’autonomie.

J’ai bien aimé cet article, car il théorise un peu les rapports compliqués entre soignants et soignés.
Mais d’un autre côté, comment réussir à décrire une relation atavique, unique, et d’une telle richesse intrinsèque et extrinsèque, sans la réduire et la caricaturer ?
Soyons clairs, toute relation médecin/malade repose sur l’ensemble des 6 sources de pouvoir citées. Mais c’est le dosage des 6 ingrédients qui fait la qualité (et l’innocuité) de cette relation.
A mon avis, il oublie une 7ème source de pouvoir, qui est fondamentale au fur et à mesure que des liens se tissent entre le médecin et le patient : la confiance mutuelle.

Mais l’auteur est Professeur de santé publique à New York, et ça fait probablement une éternité qu’il n’a pas touché de patients.

Ce texte me donne aussi un petit sentiment de malaise, car il montre à quel point les patients peuvent être totalement assujettis à un médecin, et il nous pointe du doigt de façon un peu accusatrice. Heureusement, que tout se passe bien la plupart du temps.
L’immense majorité des soignants ne sont pas de petits nazillons, des gourous de secte, voire des charlatans ; mais je pense que nous en connaissons tous au moins un.

Je crois qu’il est salutaire pour nous (soignants+soignés) de connaître de danger afin de ne pas se brûler les ailes.

14:55 Publié dans Science | Lien permanent | Commentaires (0)

14/02/2005

I comme Icare (1/2)

medium_milad.3.gifDans le “New England Journal of Medicine” du 27 janvier 2005, j’ai trouvé un article très intéressant sur les expériences de Stanley Milgram (N. Engl. J Med 352 ;4 :328-330)
Ce chercheur a décrit en 1963 une expérimentation, qui est reproduite assez fidèlement dans le film de Henri Verneuil, « I comme Icare ».

Pour ceux qui n’ont pas vu le film :
Des sujets sélectionnés par petite annonce se présentent dans le cadre d’une Université (ou d’un hôpital) pour participer à une étude scientifique sur la mémorisation. Ils doivent énoncer une liste de mots à un deuxième sujet qu’ils ne connaissent bien évidemment pas. Ce dernier doit répéter la série de mots sans se tromper. Dans le cas contraire (ou en cas de non réponse), le premier doit, selon les consignes, délivrer au second une décharge électrique ; et qui plus est, le voltage augmente avec le nombre d’erreurs (de 15 à 450V, avec des incréments de 15V)
Le but apparent, « officiel », est de montrer que la douleur stimule l’apprentissage.
Bien évidemment, l’objectif de l’expérience est tout autre.
Le second sujet est un comédien, et les fils électriques accrochés à sa chaise sont factices. Il doit simuler une douleur de plus en plus intense, voire faire le mort.
Milgram désirait estimer le point de rupture à partir duquel la conscience de l’individu se refuse à obéir à un ordre émanant d’une autorité supérieure.

Les résultats sont effrayants.

Seuls 10-15% des sujets ont refusé d’envoyer une décharge électrique, sur ordre, à un illustre inconnu.
Des sociologues avaient estimé que 1.2% des sujets délivreraient des décharges de 450V.
En fait, 26 sujets sur 40 ont atteint 450V (65%…)
Un sujet a par exemple poursuivi l’expérience au delà du seuil d’intensité léthale, et longtemps après que le comédien se soit arrêté de répondre.

L’expérience a été répétée des dizaines de fois, avec de nombreuses variations (plusieurs « autorités », contact plus ou moins proche entre le sujet et le comédien, entre le sujet et l’autorité….)
Globalement, les sujets vont plus loin dans la délivrance des chocs, lorsque l’autorité est multiple (dilution de la responsabilité), plus proche, et bien sur, si le sujet « interrogé » est plus loin, voire non visible, et si leur niveau d’éducation est faible.
Les sujets sont certes soumis à un stress majeur (3 syncopes sur 40, transpiration, rires nerveux….), mais ils obéissent.

« Shoah » de Lanzmann, et les minutes du procès de Nuremberg permettent de retrouver point par point les données de cette expérience : obéissance à une autorité supérieure, victimes totalement inconnues des persécuteurs, dilution des responsabilités, plus facile acceptation du processus lorsque les acteurs sont éloignés des victimes, élans de conscience des bourreaux.

Certes, cette expérience est biaisée :
- Biais de sélection (la récompense peut inciter les plus avides par exemple…)
- Le protocole n’indique pas au sujet qu’il peut arrêter l’expérience (au contraire)
- Ethique non prise en compte (un principe fondamental : le sujet d’une expérimentation ne doit pas souffrir, ce qui n’est pas le cas de l’interrogateur ;Milgram leur a, de plus, volontairement menti)

Mais, quelle est la pire caractéristique de cette étude ?
C’est qu’elle est un reflet assez exact de notre comportement, et que la fameuse prise de conscience d’après guerre (« plus jamais ça »), n’a été que très partielle (voir la longue litanie des massacres individuels, qui ont pris la dimension d’un génocide : Rwanda, ex-Yougoslavie, Darfour….).

Ce soir je suis encore de garde…
J’écrirai la deuxième partie de cette note demain.
Elle intéressera toujours cette notion d’obéissance, mais transposée aux relations médecin/équipe médicale et médecin/patient.
Bonne nuit.



23:05 Publié dans Science | Lien permanent | Commentaires (3)