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11/02/2005

Fa-ti-gué

Je n'ai insulté personne,
je suis resté calme,
je n'ai pas fait de gaffe (ou presque…)

(la dernière en date : à une patiente en rémission d’un lymphome depuis 2002, qui a thrombosé son port-a-cath, puis fait une embolie pulmonaire très sévère, et qui se demandait pourquoi elle n’avait pas demandé à son cancérologue de l’enlever avant :
« - Maaaaais nooooon, ne regrettez pas, la plupart du temps, quand on enlève un port-a-cath, il faut le reposer quelques mois après…. ».
Vite, vite, une pelle et une pioche pour m’enterrer très profond…)


Quelques visages surnagent de cette journée :

- Un ancien légionnaire allemand, à qui j’ai expliqué le trajet de ses pontages aorto-coronariens (circonflexe kaputtt….).
- Un ancien jour de foot, devenu mathématicien (à qui j’avais préalablement dit que les joueurs de foot avaient le QI d’un haricot…).
- un chirurgien hongrois retraité qui a consacré 2 années de sa vie à sauver des vies en Afghanistan, lors de la guerre contre les russes (il FAUT que j’aille discuter avec lui)
- un marseillais typique, insupportable (pléonasme ?).
- une des secrétaires de la clinique qui est unilatéralement amoureuse de moi, et qui n’est pas très discrète…
- un kiné de la clinique, à l’air abattu, qui se sait porteur d’un cancer du colon depuis 48 heures.
- un confrère juif, fils d’une patiente, avec qui j’ai constaté la montée de l’antisémitisme (une surveillante a un jour reproduit un conflit israélo-palestinien en miniature en couchant dans la même chambre un juif et un arabe (pourtant tous les deux nés en Tunisie): 2 heures de pourparlers, car chacun voulait expulser l’autre de SA chambre…. ).
- et surtout une gentille patiente de 78 ans que j’avais convaincue de se faire opérer du cœur fin janvier. L’intervention a été un fiasco (nécessité probable d’une deuxième intervention, nécessairement plus risquée…). Bref, je culpabilise, j’explique tout à la patiente et à sa famille. Je me rends alors compte du nom de la bestiole qui a failli l’emporter sur le compte rendu d’hospitalisation : Streptococcus lugdunensis (Lugdunum est le nom latin de ma bonne ville de Lyon).

Je suis donc un Cardiologus lugdunensis.

22:50 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)

Sortie de garde

medium_grumble.jpgLe Dr. Passmore va être grognon aujourd’hui, qu’on se le dise…
2 h de sommeil cette nuit en réa chir cardiaque.
Ensuite j’enchaîne jusqu’à 20h dans une clinique de rééducation cardio-vasculaire.
C’est un choix de vie, mais laissez moi être grognon.
Mis à part le manque de sommeil, la nuit de chasse a plutôt été bonne : un choc métabolique (7.10 de pH, 10 de bicar) sur une chirurgie vasculaire qui a mal tourné, et deux échographies de dissections aortiques (deux femmes de 50-60 ans)..
La nuit, je suis moins cardiologue, et plus réanimateur (petit réanimateur, car le post opératoire n’est pas la réa polyvalente).
J’aime bien changer de costume, cela permet de rester humble quand on pratique une spécialité à temps partiel, et qui n’est pas la sienne.
Par ailleurs, l’absence de réflexe oblige à la réflexion.
Cela peut paraître un peu dangereux pour le patient, mais à mon avis, pas tant que cela.
En effet, une longue pratique permet d’avoir des réflexes conditionnés, salvateurs en cas de décision rapide à prendre; mais la tentation est alors grande de supprimer toute réflexion de l’acte médical (c’est en général une tendance humaine de déconnecter le cerveau à la moindre occasion, on le vérifie tous les jours…). C’est là que le médecin redevient dangereux.
C'est pour çà que je ne prends plus de garde en cardiologie
7h15.
Je suis relativement en forme, et surtout je n'ai pas commis l'erreur fatale d'essayer de me rendormir entre 5h00 et 8h00. Ces trois heures de sommeil se payent d'un état comateux irrémédiable durant tout le reste de la journée.
7h25, 35 minutes avant la relève,déjà 1 café et un double expresso dans le ventre….
Attention, médecin grognon….

07:31 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (2)

10/02/2005

Conflits d'intérêts

Depuis quelques mois, chaque auteur d'article scientifique médical est tenu de déclarer à la fin de sa publication si il a déjà reçu de l’argent de l’industrie pharmaceutique (voire si il est sous contrat –consultant ou autre-), et par qui a été payée l’étude.

Un premier bilan s’impose : presque tous sont salariés de ces firmes, et presque toutes les études sont financées en partie, ou totalement par ces dernières.

Est-ce bien ?

Oui, car si l’industrie pharmaceutique ne finançait pas la recherche, nous en serions toujours aux sangsues, et aux ventouses.
Non, car le risque de corruption des résultats (et de corruption tout court) est bien évidemment non négligeable. Par ailleurs, les firmes ne vont financer que des recherches potentiellement rentables

Un exemple ?

En 1966, Sodi-Palares un médecin mexicain remarque que si l’on perfuse une solution de glucose+insuline+potassium (« GIK ») à des patients en infarctus du myocarde aigu, la durée de l’infarctus diminue.
Vous imaginez le prix de revient minime du litre de cette solution.
Puis arrivent les premiers thrombolytiques, qui débouchent les coronaires.
Prix de revient : 750-1500€ l’ampoule de streptokinase (bien entendu, inaccessible pour le Mexique, et les autres pays du Tiers Monde).
Evidemment l’industrie finance des études, qui montrent en quelques mois l’intérêt de ces molécules (intérêt immense, un vraie révolution pour une maladie qui avait 50% de mortalité hospitalière à l’époque, contre 5% maintenant).Curieusement (…), Sodi-Palares ne trouve personne pour financer ses recherches.

Le temps passe, les thrombolytiques sont remplacés par l’angioplastie simple, puis les stents, qui deviennent actifs depuis peu (environ 2200-2300€ par stent)
Les thrombolytiques sont toujours utilisés par les pays du Tiers Monde (Brésil, Mexique.., pas trop pauvres quand même), et certains hôpitaux périphériques en France (Eh oui, quand ils sont trop éloignés d’une table de coronarographie, vaut mieux un thrombolytique que rien du tout…).
Cette année, après 39 ans, est sortie la première étude valable sur le GIK (The CREATE-ECLA trial. JAMA. 2005 Jan 26;293(4):437-46.)
Plusieurs pays en voie de développement (belle hypocrisie…) ont regroupé leurs fonds publics pour la financer.
Alors ?....
Malheureusement pour les rêveurs et idéalistes qui auraient aimé une fin heureuse pour cette lutte inégale, le GIK ne marche pas.

L’auteur déclare être sous contrat avec la branche diagnostique des laboratoires Roche (Roche Diagnostics France, Meylan),
avoir voyagé tous frais payés grâce à l'industrie (Monaco, Paris, Prague, Oslo, Calvi (mon meilleur souvenir), Barcelone,- j'ai loupé la Martinique en décembre....-, bientôt Cagliari, jamais en dessous d'un ****),
avoir mangé des centaines de fois à l'oeil,
avoir reçu des centaines de stylos, règles ECG, pointeurs laser, kits manucure, serviettes en toile, blocs-notes, clés USB, savon liquide, portefeuille en cuir, presses papier, portes-clef, agendas, lampe de bureau type "banker", échantillons pharmaceutiques...,
mais il déclare n'avoir jamais couché avec une visiteuse médicale (il ne faut pas exagérer, restons éthiques).