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18/02/2005

La soupe au Pistou

medium_soupe_20au_20pistou.jpgPetit matin en réa chir. Cardiaque.
J’ai dormi toute la nuit, dérangé que par un coup de fil à 1h00.
Le grand luxe.
Après la douche, j’arrive en réa pour faire un petit tour.
Une des infirmière m’accueille d’un retentissant « Ooooh, Pistou…. !)
Pourquoi ce surnom ?

Lors d’une garde précédente, je récupère un malade « médical » (ni en pré-op., ni en post-op.).
Il a fait un arrêt cardiaque à domicile, et comme il est connu du service, j’accepte de le prendre.
Je n’aurais jamais dû.
Le SAMU l’amène, conscient mais vaseux et dyspnéique
Il n’est pas du tout équipé (ni voie veineuse centrale, ni artère sanglante, ni sonde urinaire, ni sonde d’intubation…)
Bref, « nu » comme au premier jour (enfin, « nu », dans la conception d’un réanimateur).
Je « l’équipe » donc, selon les règles de l’art, mais un peu rapidement.
Il s’enfonce, je l’intube….
En appuyant sur la langue avec mon laryngoscope, je déclenche un réflexe nauséeux et…
Il me dégueule dessus son repas du soir : une soupe au Pistou probablement faite maison, vue la taille des haricots rouges, des courgettes et les peaux de tomates fraîches qui me tapissent, ainsi que les infirmières et aides soignantes qui m’entouraient.
AAAAAAAAAARGHHHHH.
J’aspire rapidement ce qui reste dans la bouche (sauf les morceaux de haricots, que je vire au doigt), et je l’intube vite (pour éviter que tous les petits légumes coulent dans ses bronches).
J’enlève vite mes vêtements souillés.
Mais c’est peine perdue, l’odeur de l’ail, du basilic, du parmesan, et des petits légumes prédigérés imprègne la chambre, et tous ses occupants.
La radio du thorax est catastrophique, il s’est déjà rempli les poumons à domicile.
Les infirmières vont aspirer du Pistou tout au long de la nuit, par la sonde d’intubation.
Nous passons la nuit au chevet de ce pauvre patient dans cette odeur horrible.
Au petit matin, je quitte le service après 1-2-3-4…. douches, qui ne font pas disparaître une odeur devenue « psychologique ».
Evidemment, l’équipe de nuit a raconté leur nuit à la relève, en me maudissant (j’ai une réputation tenace de « chat noir »).
Les filles de jour sont hilares.
Je ne mangerai plus jamais de soupe au pistou.
Par contre, j’y ai gagné un surnom.

Soupe au pistou

Recette Pour 6 personnes - Préparation : 30 mn - Cuisson : 40 mn environ..

Ingrédients
6 pommes de terre roseval, bintje…
2 oignons blancs
1 botte de carottes fanes
4 courgettes ou 6 petites courgettes de Nice
500 g de haricots coco frais
500 g de haricots verts
2 poireaux
Pour le pistou :
2 grosses tomates bien mûres
3 gousses d’ail
1 beau bouquet de basilic
Huile d’olive, sel

Préparation
Epluchez et lavez tous les légumes.
Coupez les en petits dés et écossez les haricots coco.
Dans une bonne quantité d’eau froide salée mettez d’abord les pommes de terre et les carottes à cuire.
Ajoutez 10 mn après les autres légumes.
Vérifiez la cuisson au bout de 15 mn, poursuivre, les légumes doivent
rester croquants.
Pendant ce temps passez les tomates dans l’eau bouillante 2 mn,
afin de les éplucher.
Faites bouillir les gousses d’ail épluchées et débarrassées de leur germe.
Lavez, égouttez le basilic.
Dans le bol d’un blender ou d’un robot préparez le pistou.
Introduisez les tomates, l’ail, le basilic, le sel.
Vous ajouterez l’huile d’olive au fur et à mesure, afin d’obtenir une
belle sauce épaisse.
Servez la soupe très chaude, le pistou à côté accompagné de parmesan râpé.








08:05 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)

17/02/2005

Dionysos

medium_id-dionysos-hieron.jpgEvidemment, « La petite maison au milieu des oliviers » a été une douche froide, mais qui finalement (il faut au moins en tirer quelque chose de « positif ») a nettement amélioré ma pratique (humilité, empathie, et toujours examiner un patient, même lorsque c’est le sixième aux urgences, au cours d’une matinée surchargée).

Il y a quand même de bons côtés.

Un, au cours de mon assistanat, me vient à l’esprit.

Un appel sur mon portable à 8h30, en plein staff :
« Viens vite à la réa poly, il y a un problème… »
Je suis très copain avec les réanimateurs, depuis que j’ai fait un choix d’interne en réa chir. Cardiaque en 99.
Je descends 4 à 4, les 10 étages (négligeant les ascenseurs, chroniquement hors service…).
En réa, tout le ban et l’arrière ban (du chef du département, à l’externe, et une partie des infirmières) est massé autour d’un patient, qu’un interne masse, pendant qu’un autre lui monte une sonde d’entraînement par voie veineuse fémorale droite.
En gros depuis ¾ d’heures, le patient est en asystolie (disparition de l’activité électrique du cœur), et comme les cuisses de grenouilles au lycée, le seul traitement vraiment efficace est de placer à la pointe du ventricule droit une sonde d’entraînement (une sorte de fil électrique à l’extrémité bipolaire de 1m-1m20 de long, alimenté par une simple pile 9V).
En théorie, il faut monter cette sonde sous radioscopie, afin de la placer grosso modo dans le ventricule droit. La coincer dans la pointe peut prendre 1 secondes ou 45 minutes (j’avais déjà eu droit à tous les cas de figure).
Mais là le patient est intubé, ventilé, et ne survit que parce qu’un interne suant lui appuie sur le sternum 70-90 fois par minute
On peut le faire aussi à l’aveugle, au lit du patient, dans les cas désespérés, mais c’est assez « sport ».

Booooon…
On garde son calme.
«Gants 7.5 SVP…. »
Je prends la main de l’interne qui tentait de monter la sonde (au figuré, Ron…..)
Je retire la sonde du patient, je la courbe un peu (un peu empirique, mais j’ai appris comme çà..)
« Arrête de masser !»
Je remonte la sonde
Je regarde le scope, et en 2 secondes, j’obtiens un beau rythme cardiaque électro-entraîné….
Frissons dans la foule, et dans mon dos.
« C’est fait ».
Congratulations
« C’est rien, c’est quand même ma spécialité… »
Ces moments devraient durer éternellement.

Mais, je ne me suis pas fait d’illusions, ce magnifique geste technique n’est que le fruit du hasard.
Tous les cardiologues le savent, mais je me suis bien gardé de le dire à mes amis les réanimateurs.

Ils m’ont porté en triomphe, le long du couloir de la réa, jonché de pétales de roses fraîches, entouré d’une part par une haie de jeunes élèves infirmières court vêtues, battant la mesure sur leurs tambourins, pendant d’autre part, des externes prises de folie dionysiaque arrachaient leurs vêtements.

Bon, là, je brode un peu…. ;-)

Je suis encore de garde ce soir…..

11:30 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)

16/02/2005

La petite maison au milieu des oliviers.

Il n’y a pas si longtemps de cela (1998), aux urgences.
On m’avait appelé pour voir 5-6 patients, et du haut de mes 5 mois de cardio, j’avais fait le tri des patients, tel un petit Rhadamante : cardio/pas cardio.
Alors que je me retirai fatigué mais satisfait, l’interne des urgences, une mignonne petite dermato osa m’interpeller :
« - tu ne pourrais pas voir un dernier patient, je ne sais pas ce qu’il a…
- je veux bien
Je rentre dans un box où je trouve allongé, agité et geignard un jeune homme, d’environ 30 ans, cheveux longs et vêtements négligés.
Je fais le tour du chariot, sans le toucher
-qu’est-ce donc ? Montre moi l’électro(cardiogramme).
Je le juge normal
-Pas cardio, envoie le à « HB » (c’était un Hôpital, fermé maintenant, ou échouaient tous les vieux et les patients que le CHU ne pouvait/voulait pas recevoir ; une véritable cour des miracles).
J’avais dit.
Le lendemain, coup de fil du SAMU : infarctus antérieur étendu hors délai (le pire de tous, le grand requin blanc auquel les cardios vouent crainte et respect), chez un jeune homme, hospitalisé à HB.
Première réaction : « Ah, les cons, ils ont loupé un infarctus…. ».
Puis le doute surgit….
Je l’accepte dans mes soins intensifs, et je le reconnais immédiatement quand il arrive avec l’équipe du SAMU.
Enorme malaise.
L’électro est sans appel, c’est bien un « grand blanc » (je viens de créer cette expression, nous ne l’utilisons jamais usuellement).
Je retrouve l’électro de la veille, que j’avais jugé normal, et je le montre à TOUS les cardiologues du service (internes et seniors compris) : « c’était atypique, n’est-ce pas….? ».
« Euh, un peu…non, pas vraiment, enfin, c’était une forme très précoce » (la pire des réponses pour moi…)
Immense malaise.
Le petit Rhadamante est devenu un cloporte.

Quelques mois plus tard, alors que j’étais de garde en pleine nuit, je reçois à nouveau le jeune homme pour insuffisance cardiaque (ou récidive douloureuse, je ne sais plus).
Je le reconnais, lui non (petite lumière tamisée des soins intensifs la nuit).
Je discute avec lui, et l’examine.
« - Alors, comment vous sentez-vous ?
- Mieux, mais je ne voulais pas venir ici
- Ah bon ?
- La dernière fois, ils se sont trompés, n’ont pas vu l’infarctus, et m’ont envoyé à HB.
- Uhmmmm (je suis un CLOPORTE)
- Et, ça a changé votre vie quotidienne…. ? (vite, détournons la conversation….)
- J’avais un petit boulot, une copine, et une petite maison au milieu des oliviers. Mais depuis ça, je suis essoufflé au moindre effort, j’ai perdu mon travail, ma copine, et je vivote dans un HLM
- … »

Depuis que j’ai brisé la vie de cet inconnu, je ne la ramène plus.

J’ai ensuite sauvé (comme tous les médecins, et personnels paramédicaux) des centaines de vies, fait des diagnostics brillants (comme beaucoup d’entre nous), je me trompe raisonnablement souvent.

Cet épisode reste néanmoins mon "Souviens-toi que le Capitole est proche de la Roche Tarpéienne".

Je me souviendrai toujours de la petite maison au milieu des oliviers.

15:05 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (2)